La France tente l’expérience

La France tente l’expérience
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Les livres sont interdits du petit écran depuis 1992, par le décret de mars 1992 dont l’article 8 interdit la publicité de « édition littéraire sauf sur les services de télévision distribués exclusivement par câble ou diffusés par satellite « . Et cela valait aussi pour le cinéma.

En effet, les restrictions concernant le cinéma et l’édition ont été principalement mises en place pour encourager la diversité dans la production de ces domaines considérés comme aussi vulnérable. L’objectif était de préserver le cinéma français face à la concurrence américaine, dont les budgets publicitaires conséquents auraient inévitablement conduit à accroître la visibilité et le succès de leurs œuvres au détriment des films français.

De plus, l’accès à la publicité télévisée pour les grandes maisons d’édition a été limité afin de garantir une exposition plus équitable à des œuvres qui autrement seraient restées inconnues des lecteurs.

En 2018, la députée LREM Aurore Bergé a déposé un rapport soulignant que «si cette régulation poursuivait des objectifs louables au début des années 1990, elle appelle aujourd’hui à réfléchir sur ses justifications intellectuelles« . Concernant le coût de la publicité à la télévision, il n’a cependant pas vraiment été revu à la baisse.

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En 2004, une première étape d’assouplissement règles de publicité a été prise pour garantir la viabilité des chaînes de la TNT, dont l’émergence risquait d’entraîner une redistribution et une baisse des recettes publicitaires. Depuis le 1er janvier 2004, sous l’influence du droit européen, l’interdiction totale de diffusion de la publicité télévisée a été limitée aux opérations promotionnelles.

Le secteur de la presse s’est également ouvert à la publicité et l’interdiction de l’édition littéraire ne s’applique plus aux services de télévision diffusés exclusivement par câble ou par satellite. Or, les chaînes de télévision, surtout les gratuitss, souhaitent que les interdictions restantes soient levées pour attirer davantage d’annonceurs dans un marché de la publicité télévisée stagnant.

Si la télévision reste un acteur incontournable pour les annonceurs, la publicité digitale connaît une croissance rapide, capturant désormais 59 % des annonceurs. Le poids de la publicité numérique sur le marché publicitaire est passé de 2% en 2005 à 26% en 2015, principalement au détriment de la presse écrite.

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Concrètement, que propose le décret publié le 5 avril au Journal officiel ? Enfin tout simplement l’autorisation de la publicité pour le cinéma à la télévision de manière durable. Et parallèlement une expérimentation de deux ans en faveur de la publicité télévisée pour l’édition littéraire.

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Cette réforme s’inscrit dans un processus de modernisation du cadre réglementaire et vise à étendre les capacités de communication des secteurs livres et cinéma encourager le développement de ces pratiques culturelles, notamment dans les zones reculées où d’autres formes de promotion sont difficilement envisageables», assure le ministère de la Culture.

Après le texte cinéma, l’édition

Difficile d’y croire et pourtant, la locataire de Valois y met les pieds. L’autorisation permanente de la publicité télévisée pour le cinéma résulte des résultats positifs de l’expérimentation menée depuis 2020. Verdict ? Une augmentation de fréquentation du cinéma, notamment auprès du public résidant en région parisienne et en zone rurale, et a bénéficié d’une offre diversifiée de films, majoritairement français et aux budgets variés. Aucun effet significatif sur les transferts de budget publicitaire n’a été observé.

Quant à l’autorisation pour deux ans de la publicité télévisée pour le secteur de l’édition littéraire, elle s’inscrit dans cette même démarche expérimentale. Le gouvernement évaluera dans un rapport l’impact de cette mesure sur la filière du livre : quels effets sur la commercialisation du livre en fonction des circuits de distribution voire, diversité des œuvres ayant bénéficié de la publicité télévisée.

En toute transparence, bien sûr

Elle rendra compte, de manière transparente et concertée, de l’impact en termes de transferts de budgets publicitaires, notamment en ce qui concerne la radio et la presse écrite.», assure le ministère. Outre le fait que les revenus potentiels à espérer resteront limités – d’autant qu’en cette période 2024, les directions marketing subissent de plein fouet mesures restrictives – certains rient déjà.

D’autant que les données enthousiastes sur la fréquentation des cinémas avancées par le MCC semblent bien différentes des analyses fournies par le Centre national du cinéma. En 2022, cette dernière fait état de 152 millions d’entrées, soit en baisse de près de 27% à ce qu’enregistrait la période pré-Covid. De plus, l’expérimentation ministérielle ayant débuté précisément en pleine pandémie, on se demande quelle méthodologie conduit à ces résultats…

L’évolution des usages, avec regarder la télévision sur smartphone, ordinateur ou autres appareils, conduit déjà à appareils publicitaires (dites programmatiques), campagnes display des éditeurs sur les chaînes historiques… En 2023, les Français consommaient chacun 4h37 de vidéo chaque jour, indique Médiamétrie dans son rapport annuel. Cependant, 33 % de cette activité s’est déplacée vers la vidéo à la demande ou le replay… les espaces les plus propices au programmatique.

L’expérience qui a eu un tel impact en dehors de la capitale pour l’industrie cinématographique conduirait-elle à une plus grande fréquentation des librairies? Il y a des années, le PDG d’Hachette Livre, Arnaud Nourry, considérait qu’il était tout à fait possible de «vendre Astérix, Dan Brown, et même les mémoires de Simone Veil, à des centaines de milliers d’exemplaires, sans recourir à la publicité télévisée« . Et surtout de constater que chez nos voisins européens, la publicité a peu de succès…

Il lui faudra encore il y en a un à proximité, sinon, c’est une autre législation adoptée récemment (la loi Darcos) qui va leur casser les reins : le fameux montant réglementé des frais de port sur les achats en ligne. 3 € obligatoires, jusqu’à 35 € d’achat — et passé ce montant, on reviendra à 1 centime de frais…

De quoi se réjouir d’avance que la publicité fasse effet !

Crédits photos : Pexels CC 0

 
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