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La quête sans fin des origines de la Bible

1896 L’Évangile selon Marie

2ème siècle. Département d’égyptologie du Musée de Berlin.

La malédiction de Toutankhamon a-t-elle pesé sur ce manuscrit copte ? Nous serions portés à le croire. En 1896, le philologue allemand Karl Reinhardt acquiert chez un antiquaire du Caire une œuvre inédite du IIe siècle, exhumée d’un cimetière chrétien de la région d’Akhmîm, en Haute-Égypte. Son titre prometteur, « L’Évangile selon Marie », a immédiatement enthousiasmé la communauté scientifique. Fatigué! Pendant des décennies, sa publication s’est heurtée à une incroyable série d’obstacles : d’un accident d’impression à la découverte « compétitive » de Nag Hammadi, en passant par les deux guerres mondiales et la mort du traducteur. Il faudra attendre les années 1970 pour que le seul apocryphe attribué à une femme sorte enfin de l’ombre. Dans cet Évangile, le Christ transmet un enseignement occulte à celle que les Gnostiques désignent comme sa « compagne spirituelle » : Marie-Madeleine. Aujourd’hui encore, cette prétendue proximité continue d’enflammer les imaginaires.

Jérusalem fantasmée par le peintre orientaliste David Roberts

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4ème siècle. Musée copte du Caire.

Cette histoire commence comme une histoire de Les mille et une nuits. En 1945, à Nag Hamadi, en Haute-Égypte, des agriculteurs ont déterré une jarre de plus d’un mètre de haut. Plutôt que des pièces d’or, ce sont des liasses de papier qui s’en sont échappées : 1 156 pages au total, dont certaines ont servi de combustible. Identifiés comme des traités coptes du IVe siècle, les manuscrits survivants ont été publiés à la fin des années 1950. Parmi eux se trouvait l’Évangile de Thomas. Parfois qualifié de « cinquième Évangile », ce recueil hermétique, dépourvu de trame narrative, est composé de 114 « logia » ou « paroles de Jésus ». Il représente à ce jour le plus grand recueil de paroles attribuées au Christ. L’attribution de ce texte à Thomas vient de la tradition gnostique qui voyait en cet apôtre le « jumeau » secret du Christ. Le préambule alléchant dit en substance : « Celui qui trouvera l’interprétation de ces paroles ne goûtera pas la mort. » De quoi exciter les ésotéristes de tous bords.

1947 Qumran ou les manuscrits de la mer Morte

Du 3ème siècle avant JC au 1er siècle après JC. Musée national d’Israël.

Pendant plus d’un demi-siècle, les manuscrits bibliques les plus célèbres du XXe siècle ont été au cœur d’une extraordinaire saga politique, scientifique et théologique. Tout a commencé en 1947, à la veille de la création d’Israël, lorsqu’un berger a découvert des rouleaux de cuir dans une grotte de l’actuelle Cisjordanie. Immédiatement alertés, les archéologues français, britanniques et américains se livrent à une compétition sans merci avec les Bédouins, chasseurs de trésors. De 1947 à 1955, des milliers de fragments appartenant à 850 écrits en hébreu et en araméen furent exhumés du site. La grande majorité de ces textes ont été datés entre le IIe siècle avant JC et le Ier siècle après JC. La découverte est vertigineuse : avant Qumrân, le plus ancien manuscrit connu de la Bible remonte au Moyen Âge. Tenu en suspens pendant des décennies, il a fallu attendre 2008 pour que les documents complets soient publiés. La rumeur courut bientôt que ce retard était dû à un complot du Vatican. Car certains textes évoquaient un énigmatique « maître de Justice » condamné à être « mis à mort » avec « blessures et perçages ». Jésus de Nazareth avait-il un précurseur ? La réponse est sans doute plus simple : bien avant la naissance du christianisme, la notion de figure sacrificielle était déjà commune à plusieurs mouvements spirituels juifs.

1978 L’Évangile de Judas

4ème siècle. Conservé à la Fondation Martin-Bodmer, à Genève.

Peu de textes ont connu autant de vicissitudes que cet apocryphe copte du IVe siècle découvert en Moyenne Égypte. Exhumé en 1978 par des pilleurs de tombes, le manuscrit est passé chez un bijoutier du Caire, avant de passer entre les mains d’érudits américains, puis de tomber en possession de l’antiquaire suisse Frieda Nussberger-Tchacos. En 2001, après de vaines transactions pour le vendre au prix fort, l’antiquaire le cède à la Fondation Mécène, située à Bâle. Lorsqu’il fut finalement remis aux restaurateurs, le manuscrit était en morceaux. Après des travaux de réparation, le magazine National Geographic l’a publié en 2006. Judas apparaît dans le texte comme l’apôtre préféré de Jésus. C’est sur ordre de ce dernier – dans le but d’accomplir la volonté divine – que le plus grand traître de l’histoire aurait accepté de commettre son crime. Un revirement audacieux que de nombreux exégètes ont accueilli avec scepticisme.

1980 Le tombeau de Jésus

Emplacement hypothétique.

Tombeau de jardin à Jérusalem où le corps de Jésus aurait été déposé. Wikimédia Commons

En février 2007, James Cameron, le directeur de Titanesqueproduit Le tombeau perdu de Jésusun téléfilm documentaire au message bouleversant. Selon lui, une tombe découverte à Talpiot, un quartier de Jérusalem, en 1980, aurait pu abriter non seulement les ossements du Christ, mais aussi ceux de sa mère, Marie, de son frère Joseph, de son épouse présumée Marie-Madeleine et de l’enfant. ils auraient conçu ensemble. En moins de deux heures, le film a ébranlé deux piliers du christianisme : le célibat du Messie et sa résurrection d’entre les morts. Face à l’arsenal technologique déployé dans le documentaire – recherches ADN, sondes électroniques et calculs statistiques – les esprits critiques se sont opposés à cette simple réflexion de bon sens : la fréquence très élevée des prénoms Jésus, Marie et Joseph dans la Palestine du I siècle rend toute tentative de recoupement est dangereuse.

2012 L’Évangile de la femme de Jésus

IVe siècle, en cours d’authentification.

« Jésus leur dit, ma femme… » : en septembre 2012, ces cinq mots, inscrits sur un fragment de papyrus grand comme une carte de visite, ont mis le feu aux poudres dans l’Université pontificale du Latran, à Rome. Ce texte tronqué est le seul à ce jour qui mentionne ouvertement un possible mariage du Christ. Comment est-il arrivé entre les mains de Karen K. Ling, historienne à la Harvard Divinity School de Cambridge, aux États-Unis ? Personne ne le sait. Seule certitude : le document, rédigé dans un dialecte copte du IVe siècle, appartient à un collectionneur anonyme résidant sur le sol américain. Ce dernier l’aurait acquis dans un lot de parchemins achetés à un Allemand. Face à une telle opacité, le Saint-Siège a immédiatement crié au scandale. En effet, jusqu’à ce que l’analyse de la composition de l’encre ait livré ses conclusions, l’authenticité du texte reste incertaine. Prudemment, la Harvard Theological Review a reporté la publication commentée de ce document, initialement prévue pour janvier 2013. La « bombe » annoncée – l’épouse putative du Christ – reste donc en suspens. Peut-être est-il même déjà désamorcé car le courant gnostique, auquel le texte est sans doute rattaché, donne fréquemment au terme d’épouse le sens d’alter ego spirituel.

2021 Fragments bibliques en grec

1er siècle, Autorité israélienne des antiquités.

Ils auraient 2 000 ans et ont été découverts dans le désert de Judée (Cisjordanie) – qui s’étend sur 1 500 kilomètres carrés – lors de fouilles menées par l’État d’Israël. Ils avaient été abrités au fond de grottes appelées « cavernes des horreurs », compte tenu du nombre de squelettes retrouvés. Selon les experts, ces cavités servaient de refuge aux juifs lors de la Grande Révolte contre l’Empire romain et de la destruction du temple de Jérusalem en 70 qui suivit. Entre divers objets, pièces de monnaie et un enfant momifié, ces fragments des livres de Zacharie et Nahum du Livre des Prophètes viendront enrichir et élargir notre connaissance de la Bible et de son histoire. A chaque découverte, en effet, on comprend mieux que l’œuvre sainte s’est développée progressivement, par couches, par ajouts, sur plusieurs siècles, et sous des influences diverses. Ainsi, cette trouvaille a été écrite en grec et certains versets (notamment le verset 16, chapitre 8 du Livre de Zacarie) diffèrent par certains détails des versions antérieures connues.

Cet article est tiré de GEO Histoire Hors Série n°14, « Jésus et la naissance du christianisme » de décembre 2021 à janvier 2022

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