C’est le silence qui a d’abord surpris le Dr Louisa Baxter lorsqu’elle s’est levée jeudi matin à l’organisation Save the Children à Deir al-Balah. Soudainement disparu le bruit des drones israéliens qui constituaient la bande-son incessante de la bande de Gaza depuis 15 mois.
Mais ce silence, qui a suivi l’annonce d’un accord de cessez-le-feu qui devrait en principe entrer en vigueur dimanche, ne parvient pas à lui faire oublier le bruit assourdissant de la souffrance qui l’entoure. Et la violence qui continue.
En même temps qu’elle constatait le silence momentané des drones, la Dconcernant Baxter et son équipe ont reçu des nouvelles dévastatrices. La veille, une Palestinienne enceinte qui dormait dans une tente avec ses trois enfants près de son bureau avait été tuée par une roquette quelques heures avant la conclusion de l’accord entre le Hamas et Israël.
Louisa Baxter a du mal à cacher sa colère lors de notre conversation qui se déroule sur WhatsApp, avec de multiples interruptions. « Les gens ici à Gaza réalisent à quel point tout cela est fragile. Ils espèrent que la guerre prendra fin, mais ils retiennent leur souffle. Nous avons besoin d’un cessez-le-feu réel, permanent et respecté, car si les gens ne sont pas tués par les bombes, ils meurent de simples problèmes médicaux. Nous, les travailleurs humanitaires, retenons également notre souffle », déclare le médecin d’origine britannique qui supervise l’aspect santé de la mission de Save the Children dans la bande de Gaza. Elle rappelle que 17 000 enfants ont été tués ou sont morts depuis le début de la guerre actuelle, qui a éclaté au lendemain de l’attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023.
La tragédie qui a frappé mercredi la mère palestinienne et ses enfants n’est pas un incident isolé survenu ces derniers jours. Vendredi, au moins 113 Palestiniens, dont 28 enfants et 31 femmes, seraient morts après l’annonce du cessez-le-feu, selon les autorités sanitaires de Gaza contrôlée par le Hamas.
« Les bombardements n’ont pas cessé. En fait, ils se sont considérablement intensifiés. Dans la nuit de jeudi à vendredi, il y a eu des bombardements à Deir al-Balah, mais heureusement ce n’était pas à proximité de la maison où je me trouve avec ma famille. Nous avons été épargnés pour le moment, mais la peur est constante », me dit Iktemal Hamed al-Aila, un ingénieur palestinien de 28 ans originaire du nord de Gaza. Elle a dû fuir son domicile il y a un an et trois mois pour donner naissance à sa plus jeune fille.
-Pendant ce temps, elle a vu la mort de près. Trop proche. Trois jours après avoir accouché, elle s’est retrouvée dans les décombres d’un bombardement avec son petit bébé, a-t-elle déclaré. « C’était terrible de voir ma petite fille couverte de débris. Son petit corps était noirci par la fumée du missile. C’est un miracle que nous soyons sortis vivants. Mais la terreur, le sentiment d’impuissance et cette image que j’ai d’elle à ce moment-là me hanteront à jamais», dit-elle, encore envahie par la peur à l’idée de se retrouver sous les bombes alors qu’une accalmie tant attendue est en marche. atteindre.
La mère retient donc elle aussi son souffle et s’accroche à l’espoir d’une véritable trêve des hostilités qui lui permettrait de retourner au nord de Gaza pour voir ce qu’il reste de son ancienne vie. « Quand nous sommes partis, notre maison était neuve – nous y avions emménagé un an avant la guerre », dit-elle. Mon mari et moi l’avons conçu ensemble avec beaucoup d’amour, en rêvant des années heureuses que nos enfants y passeraient. Mais malheureusement, ma plus jeune fille n’a jamais mis les pieds dans cette maison. Elle n’a jamais connu la chaleur d’une maison familiale. »
Il n’y a pas qu’à Gaza que les gens retiennent leur souffle, priant pour que l’une des deux parties à l’accord de cessez-le-feu ne le rompe pas au dernier moment. En Israël, les familles des 98 otages du Hamas, qui doivent progressivement rentrer chez elles, se rongent les ongles jusqu’au sang. Beaucoup ne savent pas si leurs proches reviendront morts ou vivants. Il y a aussi certainement de nombreuses familles de soldats envoyés au front qui espèrent le retour de leurs proches.
Après 15 mois de l’épisode de guerre le plus controversé du XXIe sièclee siècle au Moyen-Orient, mais aussi dans les démocraties occidentales et à travers le monde, nous sommes en effet des millions sur le bord de nos chaises à souhaiter que le bien-être des individus et des familles prenne enfin le pas sur la politique et le désir de revanche.
Le concert de la peur a assez duré. Il est temps de changer de partition.