Pourquoi le record de température de 2024 est une surprise pour les scientifiques

Plus de 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle : c’est l’augmentation moyenne des températures mesurée par les agences de surveillance du climat pour l’année 2024. Un record qui ne s’explique que partiellement par les activités humaines émettant des gaz à effet de serre et que les scientifiques étudient désormais. cherchant à comprendre.


Comme chaque début d’année, les agences de surveillance du climat publient leurs données pour quantifier l’augmentation moyenne de la température à l’échelle mondiale par rapport à l’époque préindustrielle. Dans son communiqué du 10 janvier, le service européen Copernicus indique que 2024 a été l’année la plus chaude depuis que les mesures météorologiques existent.

Ce chiffre était particulièrement attendu, car le seuil de 1,5°C, qui est l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris sur le climat, est dépassé pour la première fois en 2024.

Rising Temperatures/NASA Scientific Visualization Studio (recharger la page pour redémarrer l’animation)

Cette année, la température moyenne mondiale mesurée est de 15,1°C. Celle-ci augmente régulièrement, comme le montre l’animation ci-dessus : elle est supérieure de 0,12°C à celle de 2023, et de 0,72°C supérieure à la moyenne 1991-2020. Cela équivaut à 1,60°C au-dessus de la température des années 1850-1900, appelée niveau préindustriel.

Cette augmentation est une moyenne : localement, elle n’est pas la même pour tout le monde et peut se traduire par des chiffres plus élevés – ou plus bas – selon les endroits du globe. Ils proviennent en grande partie des activités humaines qui renforcent l’effet de serre naturel. Mais d’autres facteurs entrent également en jeu, comme nous le verrons.

Examinons ensemble pourquoi ce nouveau record a surpris les scientifiques et quelles sont les hypothèses actuelles pour l’expliquer.

Le bilan radiatif de la planète

Il faut d’abord rappeler que sans atmosphère, la surface de la Terre serait beaucoup plus froide (-18°C), rendant impossible le développement de la vie telle que nous la connaissons. Ce phénomène, connu sous le nom d’effet de serre, est associé à la présence dans l’atmosphère de gaz dits à effet de serre qui absorbent le rayonnement émis par la terre. C’est ce qui permet à notre planète de ne pas ressembler à Mars (atmosphère trop froide et ténue) ou à Vénus (atmosphère trop chaude et dense).

Le bilan énergétique de la Terre est équilibré entre le rayonnement entrant (jaune) et le rayonnement sortant (rouge).
Centre de vol spatial Goddard (NASA)

Lorsque la lumière du soleil pénètre dans l’atmosphère, une partie de celle-ci est absorbée par l’ozone et l’oxygène naturellement présents dans l’air, nous protégeant ainsi des rayons ultraviolets les plus intenses.

Une autre partie est réfléchie et diffusée par les gaz et particules en suspension dans l’atmosphère ainsi que par les nuages. L’activité volcanique peut parfois jouer ici un rôle important, générant des gouttelettes d’acide sulfurique qui protègent du rayonnement solaire.

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Le rayonnement incident restant peut alors soit être réfléchi par la surface de la Terre – un phénomène appelé albédo – soit être absorbé par celle-ci. L’énergie ainsi stockée est ensuite réémise dans l’espace sous forme de rayonnement infrarouge (chaleur). Chemin faisant, une partie de ce rayonnement infrarouge est absorbée par les nuages ​​et par les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère, principalement la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote, l’ozone et les halons. Cette énergie est ensuite réémise dans toutes les directions, y compris vers la surface terrestre, contribuant ainsi à l’effet de serre.

Le bilan radiatif est donc l’énergie qui entre dans l’atmosphère dont on déduit l’énergie qui en sort. Si cet équilibre est perturbé, la conséquence est que les températures augmentent ou diminuent.

Surveiller les températures pour distinguer la météo du climat

Il existe des variations « naturelles » des températures qui sont avant tout liées au cycle annuel des saisons, selon les latitudes. Les températures mesurées localement dépendent en effet de la quantité de rayonnement solaire reçu, qui varie selon la latitude et les saisons.

Rayonnement net mensuel (en W/m2 mesuré) par l’instrument CERES embarqué sur les satellites de la NASA. Les endroits où l’énergie entrante est supérieure à l’énergie sortante sont orange. Les endroits où il y a plus d’énergie sortante que d’énergie entrante sont violets. Les endroits où les quantités de bilan énergétique entrant et sortant sont blanches/NASA (recharger la page pour relancer l’animation)

Plus nous nous rapprochons de l’équateur, plus nous recevons d’énergie solaire. Entre avril et septembre, l’hémisphère nord reçoit le plus d’énergie solaire, tandis que l’hémisphère sud en profite davantage le reste de l’année. Avec l’arrivée de l’hiver, le rayonnement net devient négatif dans la majeure partie de l’hémisphère nord et positif dans l’hémisphère sud.

Sur une année pleine, on observe donc un net excédent d’énergie dans les régions équatoriales et un net déficit aux pôles. Au-delà des seules températures, ce déséquilibre énergétique entre l’équateur et les pôles constitue le principal moteur de la circulation atmosphérique et océanique, qui redistribue cette énergie à travers la planète.

Si l’on ajoute au bilan radiatif les phénomènes thermiques liés à la présence d’eau, appelés chaleur sensible et chaleur latente (c’est la chaleur qu’il faut fournir à une unité de masse d’eau pour passer d’un état à un autre, solide , liquide ou gaz), mais aussi en prenant en compte la variabilité interne (courants marins et vents), nous parvenons à expliquer la gamme de températures mesurées partout dans le monde.

Le principal facteur de variabilité naturelle du climat, qui doit être étudié comme un système couplé océan-atmosphère, est le phénomène ENSO (El Niño Southern Oscillation), avec sa composante chaude El Niño et sa composante froide La Niña. Ces phénomènes sont les principaux facteurs de variation d’une année sur l’autre, dont il faut tenir compte dans l’analyse des tendances à long terme, ainsi que pour les éruptions volcaniques majeures, qui peuvent occasionnellement refroidir le climat.

Les différents moyens techniques qui permettent l’observation du climat.
Organisation météorologique mondiale

A court terme, les fluctuations locales de ces températures peuvent s’expliquer par des phénomènes physiques : c’est « la météo ». Nous disposons aujourd’hui d’un vaste réseau de mesures locales, réalisées aussi bien sur terre qu’en mer, complétées par des observations à partir d’instruments embarqués à bord d’avions, de ballons-sondes et d’une flotte de satellites qui surveillent en permanence l’atmosphère et la surface terrestre.

Ce réseau d’observation permet de réaliser des prévisions météorologiques pour les jours à venir à l’aide de modèles simulant la dynamique de l’atmosphère à l’aide d’équations mathématiques.

À long terme, ces mêmes systèmes d’observation jouent un rôle crucial dans la surveillance du changement climatique. En accumulant des observations sur de longues périodes et en les harmonisant pour assurer une cohérence temporelle, elles constituent la base essentielle pour comprendre les tendances climatiques et les changements en cours.

Pourquoi la planète ne se réchauffe-t-elle pas de la même manière partout ?

Le chiffre moyen de 1,6°C mesuré cette année masque d’importantes disparités locales. Il faut d’abord tenir compte du fait que la Terre est composée d’environ 70 % d’eau et 30 % de terre, mais que l’air se réchauffe et se refroidit plus rapidement que l’eau.

Nous avons tous vécu ce phénomène en bord de mer, constatant que la température de l’eau est bien moins sensible aux variations climatiques que la température de l’air. L’air se réchauffe plus rapidement que l’eau car il a une faible capacité calorifique, une faible densité et ne participe pas aux processus nécessitant de la chaleur latente impliquant des changements d’état, contrairement à l’air. ‘eau. En conséquence, presque partout, les terres se réchauffent deux fois plus vite que la mer.

Réchauffement relatif des températures de surface. Les zones en rouge foncé se réchauffent beaucoup plus rapidement que la moyenne, comme l’Arctique. Les régions bleu clair se réchauffent également, mais plus lentement que la moyenne. La région bleu foncé située près du sud du Groenland ne se réchauffe pas du tout et s’est même légèrement refroidie.
E. Hawkins/Université de Reading

Ensuite, il faut tenir compte des transports constants de masses d’air et d’eau de l’équateur vers les pôles ainsi que du fait que des températures plus élevées accélèrent la fonte des glaces. Ce phénomène est connu sous le nom d’« amplification arctique ».

Cela s’explique aussi en partie par la perte rapide de la couverture de glace marine dans cette région : lorsque la glace diminue, l’énergie solaire qui aurait été réfléchie par la glace blanche et brillante est absorbée par l’océan, ce qui provoque un réchauffement supplémentaire. Des études récentes montrent que le pôle Nord se réchauffe quatre fois plus vite que le reste de la planète.

Une hausse des températures en partie inexpliquée en 2024 – pour l’instant

En 2023, une combinaison de facteurs a contribué à expliquer les températures records mesurées tout au long de l’année.

Impact relatif des activités humaines sur l’augmentation de la température par rapport aux phénomènes naturels.
M. Wysession/Université de Washington

Et 2024 ? Le phénomène El Niño étant passé à une phase neutre (La Niña) depuis mai, les scientifiques s’attendaient à une stabilisation, voire une diminution locale des températures au cours du second semestre.

Or, ce n’est pas ce qui s’est passé : les températures sont restées élevées, notamment dans l’océan Atlantique Nord.

Cette hausse plus rapide que prévu des températures de surface en 2023 et 2024 est au centre de nombreuses études en cours, et a fait l’objet d’une session dédiée à l’American Geophysical Union (AGU), qui a réuni plus de 25 000 scientifiques en décembre 2024. .

  • Une première explication serait la réduction, ces dernières années, de la pollution atmosphérique (bonne nouvelle !), dont les aérosols contribuent à refroidir la planète en réfléchissant la lumière du soleil vers l’espace.

  • Une deuxième piste serait la réduction de la couverture nuageuse à basse altitude, observée dans certaines parties de l’hémisphère nord et sous les tropiques.

Les deux pourraient être liés, car les particules en suspension sèment des nuages ​​à basse altitude.

Cependant, selon d’autres chercheurs, aucune des deux explications n’explique pleinement la hausse des températures. Ces résultats suggèrent que le réchauffement climatique lui-même pourrait entraîner une réduction de la couverture nuageuse, créant ainsi une boucle de rétroaction susceptible d’accélérer le rythme du changement climatique pour les décennies à venir.

Nul doute que l’évolution des températures au cours des prochains mois sera suivie de près par les agences et les scientifiques, pour comprendre les variations locales et globales et prendre les mesures appropriées pour s’adapter à cette nouvelle réalité.

 
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