En ribambelle de mesures, le chant du cygne de Biden

Depuis l’élection de Donald Trump début novembre, les États-Unis connaissent une période de transition, où le président élu monopolise l’attention. Mais Joe Biden, humilié par la victoire de son ennemi juré, multiplie les décisions fortes avant l’investiture du 20 janvier. « Les présidents sortants tentent souvent d’accomplir le plus possible avant de quitter leurs fonctions et façonnent aussi l’image publique de leur administration », estime-t-il. Robert Rowland, professeur de communication politique à l’Université du Kansas.

Il y a eu de nombreuses périodes de transition « intenses » dans l’histoire américaine, « notamment lorsque le pouvoir change de mains », renchérit Julian Zelizer, professeur à l’université de Princeton. Et le démocrate Joe Biden, dont les rares apparitions publiques le montrent visiblement diminué, ne fait pas exception à la règle.

Sa récente décision de commuer les peines de 37 des 40 condamnés à mort fédéraux a déclenché la colère de l’adversaire de sa vie. Donald Trump a ainsi promis de chercher, une fois président, à faire condamner davantage de prévenus à mort.

Le président sortant avait déjà accordé 39 grâces présidentielles et commué les peines de près de 1.500 personnes, la Maison Blanche saluant un record en une seule journée dans l’histoire moderne des États-Unis. «Tous les présidents usent de leur pouvoir de grâce et de commutation des peines à la fin de leur mandat», rappelle Wendy Schiller, professeur de sciences politiques à l’université Brown. Ces mesures de clémence sont « une manière d’honorer certaines de ses promesses électorales en matière de justice pénale », a déclaré Zelizer.

Un autre engagement du candidat Biden est l’effacement partiel des dettes étudiantes qui empoisonnent la vie de millions d’Américains. Le 20 décembre, l’ancien sénateur a annoncé la suppression de 55 000 employés de la fonction publique. Au total, selon la Maison Blanche, près de 5 millions de personnes ont vu leurs dettes étudiantes réduites ou effacées sous l’administration Biden.

Pour Robert Rowland, le président sortant tente de « consolider les acquis de son administration » avant l’arrivée du républicain à la Maison Blanche. Pour preuve, sa « décision la plus marquante est l’effort visant à envoyer le plus d’aide possible à l’Ukraine avant que Donald Trump ne devienne président », poursuit cet universitaire. S’il est difficile de savoir ce que fera Donald Trump, celui-ci s’est déclaré « fermement opposé » à l’utilisation de missiles américains en Russie.

Encore un camouflet de Joe Biden à son successeur, une promesse, à la fin de son mandat, de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Cet engagement risque d’être balayé par Donald Trump, climato-sceptique notoire. Le président Biden a également nommé divers juges fédéraux, dont la première femme noire à la Cour suprême, Ketanji Brown Jackson.

En tout, au moins 235 juges fédéraux ont été confirmés par le Sénat, un record en un seul mandat depuis l’administration Carter, se félicite l’équipe Biden. Ces magistrats auront du pain sur la planche à partir du 20 janvier pour tenter de contrer les décisions du nouveau président républicain.

Mais la décision la plus marquante du président sortant reste la grâce accordée en dernière minute à son fils Hunter Biden, qui a des démêlés avec la justice. Cette mesure « a certainement eu un impact négatif majeur sur la réputation de Biden », a estimé le professeur Robert Rowland. Et le président sortant tente également de compenser, à travers toutes ces décisions, le « sentiment chez de nombreux démocrates qu’il aurait dû quitter la course à la présidentielle bien plus tôt ».