Glacier « sur les rochers »

Glacier « sur les rochers »
Glacier « sur les rochers »

Aussi étrange que cela puisse paraître, oui, des restes de glaciers peuvent être trouvés dans le pergélisol. C’est ce qu’une équipe de chercheurs de l’Université Laval et de l’UQAR (notamment) a découvert sur l’île Bylot, dans le Haut-Arctique canadien, lit-on dans un article scientifique publié en septembre dernier dans Géologie.

Ce sont les restes d’un ancien glacier, et probablement très ancien. Son âge n’a pas encore été établi avec certitude, mais il pourrait remonter à 2,5 millions d’années, ce qui en ferait « potentiellement la glace de glacier la plus ancienne enfouie dans le pergélisol de l’hémisphère nord ». précise l’article. C’est parce qu’ils étaient enfouis dans un sol éternellement gelé que ces morceaux de glacier auraient survécu au réchauffement de plusieurs degrés intervenu depuis le dernier maximum glaciaire, qui ne remonte qu’à 20 000 ans – et peut-être à plusieurs autres cycles glaciation-déglaciation.

«On ne connaît pas encore vraiment l’étendue de ce qu’il reste de glace», précise Stéphanie Coulombe, chercheuse pour le gouvernement fédéral et première auteure de l’étude. Ce que nous mettons dans l’article [c’est-à-dire deux “poches“ de glace d’environ 30 mètres de diamètre par cinq mètres d’épaisseur, enfouies sous quelques mètres de sédiments]c’est vraiment la taille minimale. Nous supposons que c’est bien plus important que cela.

Il arrive que des morceaux de glaciers contemporains « s’enfouissent » sous le pergélisol. Ci-dessus, le glacier C-93, sur l’île Bylot, a clairement soulevé suffisamment de sédiments pour « s’auto-enterrer » sur ses marges. (Stéphanie Coulombe)

Les restes ont pu être détectés parce que la fonte continue du pergélisol a provoqué un glissement de terrain qui a laissé une partie de la glace exposée. Les chercheurs ont pu établir qu’il s’agissait bien d’un ancien glacier grâce notamment au fait qu’on y voyait des motifs en forme de S, qui seraient imprimés dans la glace par les forces intenses d’un glacier en mouvement.

Du moins, «on pense que c’est dû au mouvement du glacier parce qu’on voit souvent ça sur les glaciers contemporains», précise Mme Coulombe.

Son équipe a également réalisé des analyses chimiques et isotopiques (les noyaux atomiques existent en différentes « versions » appelées isotopes) qui présentait une composition très similaire à celle des glaciers de la même région. Et comme les sédiments au-dessus ne présentaient aucun signe de perturbation ou de « trous », il ne pouvait pas s’agir de poches d’eau liquide qui s’y étaient écoulées avant de geler.

Quelle inversion des pôles ?

Or, l’âge de ces vestiges glaciaires s’avère un peu plus difficile à déterminer – il reste d’ailleurs encore du travail à faire sur ce sujet.

Comme l’explique Guillaume Saint-Onge, chercheur en géologie à l’UQAR et co-auteur de l’étude, les travaux ont permis de détecter des signes d’une inversion passée du champ magnétique terrestre dans la couche de sédiments qui recouvre la glace. Comme la dernière inversion remonte à 770 000 ans et que les sédiments doivent déjà avoir commencé à s’accumuler à cette époque, pour en garder la trace, cela donne un âge minimum pour la glace.

Le camp de recherche de l’île Bylot. De la glace ancienne a été trouvée sur le plateau visible derrière. (Stéphanie Coulombe)

Il n’est cependant pas impossible que l’inversion détectée par les chercheurs ne soit pas celle qui s’est produite il y a 770 000 ans, mais qu’elle remonte encore plus loin. On peut en effet imaginer un scénario où les traces des derniers auraient été effacées, d’une manière ou d’une autre, mais où les plus anciens auraient survécu – c’est rare, mais cela arrive.

Et c’est d’autant plus plausible dans le cas présent, souligne M. Saint-Onge, que « ce qui est vraiment intéressant là-dedans, c’est que la couche qui se trouve directement sous la glace [donc juste un peu plus vieille]c’est une forêt fossile [qu’on connaît parce qu’elle avait été étudiée dans des travaux antérieurs] qui a environ 2,6 millions d’années.

Des études complémentaires devront être menées pour en être sûr.

Une chose est sûre cependant, ce vieux miroir ouvrira une nouvelle fenêtre sur le passé. «Il est certain que les archives de très vieilles glaces dont nous disposons aujourd’hui sont assez limitées au Groenland et à l’Antarctique», précise Mme Coulombe. Cela pourrait permettre de mieux comprendre la couverture des glaciers de l’époque. […] Il y a eu une vingtaine de glaciations au cours des derniers millions d’années, mais on sait très peu de choses sur la manière dont ces anciennes glaciations ont recouvert le territoire.

L’année 2024 a été riche en découvertes pour la communauté scientifique de la capitale. Chacun dans leur domaine, les chercheurs de la région ont écrit de nouveaux chapitres de l’histoire scientifique. Le Soleil vous présente, une par jour, les avancées les plus marquantes de l’année.

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