(Agence Ecofin) – Cette réforme intervient alors que l’Éthiopie, qui compte 120 millions de consommateurs, poursuit sa transition économique, marquée notamment par la récente libéralisation du marché des changes. Malgré les défis, les autorités espèrent que l’arrivée des banques étrangères favorisera l’investissement, l’innovation et la croissance durable.
Après des décennies de protectionnisme total, le Parlement éthiopien a voté, mardi 17 décembre 2024, une loi ouvrant son marché bancaire aux investisseurs étrangers. Une décision saluée par certains comme un tournant économique majeur, mais redoutée par d’autres qui craignent que les acteurs locaux ne soient mis à genoux face à la puissance du capital international.
Ce changement s’inscrit dans un contexte de réformes économiques destinées à stimuler les investissements étrangers et à renforcer la compétitivité du système financier national. Le secteur bancaire, qui gère actuellement des actifs estimés à 3,3 billions de birr (environ 26 milliards de dollars), peine à inclure les 120 millions d’habitants de l’Éthiopie. En effet, 50 % des Éthiopiens ont accès aux services financiers selon la Banque mondiale, et 500 000 citoyens bénéficient actuellement de prêts bancaires.
Le texte, approuvé après six mois de débats, autorise les banques étrangères à pénétrer le marché éthiopien en créant des filiales, en ouvrant des bureaux de représentation ou en acquérant des parts dans des banques locales. Toutefois, des garde-fous ont été introduits pour protéger les intérêts nationaux : les étrangers ne pourront détenir plus de 49 % des actions d’une banque locale, tandis que 51 % des actions doivent rester sous contrôle éthiopien.
Le secteur bancaire éthiopien compte actuellement 32 institutions, avec une capitalisation totale estimée à 290 milliards de birr. La Commercial Bank of Ethiopia (CBE), entreprise publique, domine le marché avec 21,5 % du capital total, soit 62,5 milliards de birr. Cinq autres banques privées, comme Awash, Abyssinia et Dashen, font partie des institutions de taille moyenne, tandis que les 25 autres sont classées comme petites structures.
La Banque nationale d’Éthiopie a donné aux banques locales jusqu’en 2026 pour renforcer leur capital libéré à 5 milliards de birr. Un impératif qui, selon les autorités, doit préparer le secteur à l’arrivée de mastodontes étrangers. Parallèlement, cinq nouvelles directives ont été adoptées pour renforcer la surveillance prudentielle et rapprocher les pratiques locales des normes internationales dictées par le cadre bâlois. Une mise à niveau ambitieuse, mais qui pourrait s’avérer un casse-tête pour les petites banques déjà fragiles.
La décision d’ouvrir a également suscité l’inquiétude de certains parlementaires, notamment Desalegn Chane, député de l’Amhara National Movement, qui craignent que les banques locales ne l’emportent sur la puissance financière des institutions étrangères.
Pour le gouverneur de la Banque nationale, Mamo Mihretu (photo), cette ouverture est nécessaire pour attirer les investissements étrangers et moderniser le secteur. « Nos banques sont fortes et résilientes, même si certaines sont confrontées à des défis spécifiques, qui sont sous le contrôle de la Banque centrale »a-t-il assuré devant le Parlement.
Le gouvernement a annoncé en juin un projet de délivrance de jusqu’à cinq licences bancaires aux investisseurs étrangers sur une période de cinq ans, un des signes de la volonté de libéraliser l’économie et de renforcer la compétitivité du pays, en phase avec le processus de redressement économique. réformes initiées en 2021.
Fiacre E. Kakpo
Edité par Mahoudjro F. Vahid Codjia