Ouestafnews – La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), une initiative de l’Union africaine (UA) qui vise à créer un marché commun interafricain pour accroître la compétitivité de ses membres, tarde à se concrétiser. Dans cet entretien à Ouestaf News, réalisé par email, le professeur Malick Sané, directeur du Laboratoire de politique commerciale (Lapacom) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, pointe les raisons stratégiques et économiques qui poussent certains États à se maintenir.
Ouestaf News – La Zlecaf est entrée en vigueur le 30 mai 2019. Où en est sa mise en œuvre ?
Malick Sané – L’opérationnalisation de la Zlecaf a débuté en juillet 2021 en raison des effets de la pandémie de Covid-19 sur l’activité économique mondiale en général et sur l’activité économique en Afrique en particulier. Depuis, la mise en œuvre s’est poursuivie avec l’entrée en vigueur de certaines dispositions concernant le commerce des biens et services tout en poursuivant les négociations sur les règles d’origine, la propriété intellectuelle, les investissements, etc.
Cependant, seuls quelques pays sont impliqués (Afrique du Sud, Cameroun, Côte d’Ivoire, Sénégal) tandis que d’autres attendent encore pour diverses raisons stratégiques, économiques, d’engagement et de lenteur. processus, etc
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Ouestaf News – Vous dites que la mise en œuvre se poursuit, peut-on avoir un ou deux exemples d’initiatives concrètes qui permettent au public de voir ce qu’est la Zlecaf en réalité ?
MS – En juin 2024, l’état des ratifications de l’accord de la Zlecaf montre que 54 des 55 États membres de l’Union africaine (UA) ont signé l’accord et 47 d’entre eux l’ont signé. ont ratifié.
46 offres tarifaires sur le commerce des marchandises ont été vérifiées conformément aux modalités de libéralisation convenues.
Les règles d’origine convenues (critères permettant de déterminer le pays d’origine d’un produit, ndlr) représentent environ 92,4 %. Les 7,6% de ces mêmes règles restent toujours en suspens, notamment les règles liées aux secteurs du textile, de l’habillement et de l’automobile.
Les modalités, conditions et qualifications (concessions tarifaires) selon lesquelles les marchandises peuvent être importées dans le cadre de la Zlecaf ne sont pas non plus pleinement mises en œuvre (…). Il reste 10% des catégories de ces concessions tarifaires à finaliser.
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Ouestaf News – Une phase de test avait été annoncée. Quels sont les résultats ?
MS – Je ne peux pas répondre à cette question qui suppose des informations numériques que je ne détiens pas. Cela devrait être discuté avec le Secrétariat de la Zlecaf.
Ouestaf News – Y a-t-il diverses inquiétudes qui ralentissent ce processus ?
MS – Oui. Sur le plan économique, les pays subissent encore les effets de la crise du Covid-19, de la guerre russo-ukrainienne, du ralentissement de l’activité économique mondiale, etc. Côté politique, la période actuelle est favorable aux connotations protectionnistes qui favorisent les activités domestiques. et les priorités nationales pour résister, en particulier, aux effets de la crise économique mondiale. Et pour les aspects juridiques, on peut retenir les procédures internes de ratification et de mise en œuvre, ainsi que la poursuite des négociations sur de nombreux sujets.
Ouestaf News – Pourriez-vous nous fournir une illustration d’un sujet en négociation afin d’étayer ce qui a été évoqué précédemment ?
MS – Pour les points encore en négociation, on peut citer les secteurs du textile et de l’habillement ainsi que les produits automobiles. Secteurs clés où les règles d’origine doivent encore être finalisées.
La règle générale pour le secteur automobile, par exemple, exige 40 % de contenu africain et pas plus de 60 % d’intrants extérieurs au continent (valeur des matières non originaires -VNOM).
Concernant le commerce numérique, les États membres ont convenu d’élaborer une annexe sur les règles d’origine qui définira les critères de détermination de l’origine africaine. (…).
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Ouestaf News – Comment les accords commerciaux régionaux existants (CEDEAO, SADC, Comesa, etc.) vont-ils cohabiter avec la Zlecaf ?
MS – En principe, cela ne devrait poser aucun problème. En effet, dans le cadre du Traité d’Abuja instituant la Communauté économique africaine (AEC), l’Afrique est divisée en grandes régions, chacune mettant en œuvre des accords commerciaux régionaux cohérents avec le projet d’intégration continentale. Ainsi au stade de la Zlecaf qui constitue la première étape d’un processus conduisant à la création d’une monnaie continentale unique, la cohabitation ne devrait pas souffrir de difficultés majeures si les différents accords commerciaux régionaux (ACR) respectent le processus de mise en œuvre de l’ACE.
Ouestaf News – Il y a des résistances de la part de certains Etats à ratifier l’accord. Quels sont leurs arguments ?
MS – Ces arguments s’appuient sur un engagement défaillant de certains pays envers les bénéfices de l’intégration économique régionale, la crainte de la non-compétitivité des entreprises nationales par rapport aux entreprises des grandes économies africaines, des procédures internes et l’absence de consensus entre les parties prenantes. interne, du fait d’un manque de confiance dans les effets bénéfiques de l’intégration régionale. Bref, l’absence de volonté politique.
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Ouestaf News – Comment convaincre ces pays encore réticents ?
MS – Une mise en œuvre efficace et réussie de la Zlecaf me semble être le meilleur argument pour convaincre les pays les plus réticents. Néanmoins, la sensibilisation et la vulgarisation des effets positifs de l’intégration continentale doivent être maintenues et renforcées.
Ouestaf News – Ce manque d’unanimité ne sera-t-il pas un obstacle à l’atteinte des objectifs escomptés ?
MS – Non. En matière d’intégration économique régionale, tous les pays susceptibles d’y participer ne sont ni au même niveau d’engagement, ni animés par la même volonté politique, encore moins par la volonté d’approfondir l’intégration économique régionale. C’est le cas partout dans le monde au niveau des différents accords commerciaux régionaux (ACR). L’intégration laisse une marge de manœuvre aux pays. Ce fut le cas de la Grande-Bretagne qui ne voulait pas évoluer vers la monnaie unique de l’Union européenne (l’euro) et qui s’était arrêtée au stade de l’Union économique avant sa sortie avec le BREXIT (qui marque le retrait des Etats-Unis). Royaume-Uni de l’Union européenne, NDLR).
L’essentiel est que les principaux pays du continent africain puissent croire à l’intégration grâce à un engagement sans faille, comme l’ont fait la France et l’Allemagne avec l’Union européenne. Le respect des directives est, dans ce cas, un élément déterminant dans la mise en œuvre de la Zlecaf.
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