Alors qu’environ 100 000 Syriens sont portés disparus, victimes du régime, les premiers corps ont été repérés. Franceinfo a suivi les « casques blancs » sur le terrain.
Un peu plus d’une semaine après la chute de Bachar-Al-Assad, les Syriens cherchent à connaître le sort de dizaines de milliers de personnes disparues, estimées à près de 100 000. Les premiers corps commencent à être découverts. Lundi 16 décembre, plus de 25 corps ont été retrouvés à Izra, à 80 kilomètres au sud de Damas.
Selon franceinfo, au moins 17 corps ont également été découverts à côté de l’autoroute menant à l’aéroport de la capitale syrienne. Ce n’est donc que le début d’un long processus mené par les forces de défense civile syriennes, les « casques blancs », que nos envoyés spéciaux ont pu suivre.
Des hommes en salopette blanche, des housses mortuaires noires et des dizaines d’os au sol ou dans des sacs… Ils ont été abandonnés là il y a quelques jours sans connaître la date précise. Selon Abdulrahman Almawwas, co-fondateur des « casques blancs », ces restes humains dateraient d’avant la révolution. Et s’ils ont commencé les recherches ici, c’est parce que « Nous avons reçu un appel et nous avons indiqué que les corps étaient au sol et non sous terre. Il faut les retirer pour qu’ils ne soient pas visibles et à la merci des animaux. »il explique.
La tâche paraît immense, d’autant que de nombreux témoignages donnent la localisation de potentiels charniers. L’un d’eux est situé à côté d’un cimetière, au sud-est de Damas. De nombreux témoins disent avoir vu des camions frigorifiques venir ici depuis plus de dix ans et y déverser des cadavres. franceinfo a en effet pu constater la présence de tranchées profondes et longues… mais aucun reste humain.
Abdelaziz est l’un des fossoyeurs de ce cimetière. « Pouvez-vous voir ces tranchées ? Il y en a quatre ou cinq, remplis de cadavres. Ces tranchées ont été fermées. Ils creusaient et mettaient les corps et les bulldozers les recouvraient de terre. Ils venaient deux fois par semaine. semaine, du sang coulait des camions pendant qu’ils roulaient.
D’autres témoins décrivent exactement le même processus. C’est le cas d’Ayman Mohammad Khalil, également fossoyeur de ce cimetière. « Un jour, alors que j’étais ici avec mon ami, le camion est passé, ils m’ont dit : ‘viens un peu, viens nous aider’. Nous sommes venus les aider. Mon ami est allé là-bas, ils ont ouvert le camion et je l’ai senti, j’ai failli vomir, je me suis éloigné d’eux et je me suis enfui… Le premier camion que j’ai vu, c’était en 2012 ou 2013. Ce jour-là. -là, c’était plein quand ils. sont arrivés, ils ont sorti les corps du camion et les ont jetés dans le trou.
“Le camion était plein de cadavres, c’est impossible de compter le nombre de cadavres, je ne savais pas compter.”
Ayman Muhammad Khalilsur franceinfo
Un chercheur d’Amnesty International indique que les gardiens et les détenus de la prison de Sadnaya ont également qualifié cet endroit de « destination finale » de certains prisonniers torturés et exécutés. Il faudra désormais étayer ces témoignages pour déterminer combien de corps ont été jetés dans des fosses communes.
“Personne ne peut donner une estimation ni connaître précisément ce chiffre car le nombre de personnes disparues est énorme”, rapporte Ismail al-Abdullah, porte-parole des « Casques blancs », qui précise que «Tous ont été enterrés sous terre. Leur nombre est donc très important, il ne s’agit pas de quelques corps ou de centaines…“
« Nous parlons de milliers de personnes disparues depuis des années, pas seulement aujourd’hui ou le mois dernier. »
Ismail al-Abdullah, porte-parole des « Casques blancs »sur franceinfo
Pour l’instant, les « casques blancs » n’ont pas eu l’autorisation de déterrer les cadavres. Mais ils savent déjà qu’il leur faudra accomplir cette tâche considérable pendant plusieurs années.