La ville de Genève a accueilli plusieurs cycles de négociations sur la Syrie au cours de la dernière décennie. Après la chute du président Bachar al-Assad, elle pourrait accueillir de nouvelles discussions sur la stabilisation du pays, selon un politologue.
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17 décembre 2024 – 14h45
Une semaine après l’effondrement du régime de Bachar al-Assad, renversé par l’offensive éclair d’une coalition de rebelles dirigée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), la diplomatie tourne à plein régime au Moyen-Orient.
Samedi, la Jordanie a accueilli des pourparlers sur l’avenir de la Syrie auxquels ont participé plusieurs des 22 membres de l’organisation de la Ligue arabe, dont l’Irak et le Liban voisins, ainsi que des représentants de la Turquie, des États-Unis et de l’Union européenne. L’envoyé de l’ONU pour la Syrie, le Norvégien Geir Pederson, était également présent.
Le gouvernement intérimaire, mis en place par HTS, ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda qui affirme avoir renoncé au terrorisme, n’a pas été invité. Mais plusieurs chancelleries étrangères, notamment occidentales, qui craignent une fragmentation du pays et une résurgence de la menace terroriste, ont depuis annoncé avoir noué des contacts avec les nouvelles autorités de Damas, capitale de la Syrie.
Après plus de treize ans d’une guerre civile qui a fait plus d’un demi-million de morts, ravagé le pays et contraint quelque six millions de Syriens à fuir, le nouveau gouvernement s’est engagé à « préserver la stabilité des institutions » et à « éviter la désintégration du système politique ». État » pendant la période de transition, qui dure jusqu’au 1er mars.
De nouvelles négociations à Genève ?
“Il n’y a pas cinquante alternatives”, les discussions visant à stabiliser la Syrie devraient passer par Genève, estime Souhail Belhadj Klaz, professeur invité à l’Institut de hautes études de Genève.
Depuis 2012, la Suisse et Genève notamment ont accueilli de multiples cycles de négociations, menés sous l’égide des Nations Unies. Ces pourparlers, qui comprenaient notamment l’élaboration d’une Constitution, ont réuni des représentants du gouvernement, des membres de l’opposition ainsi que des groupes de la société civile syrienne. Elles se sont soldées par un échec en raison des divergences entre les partis ainsi que de l’influence de la Russie, puissant soutien de Bachar al-Assad.
Le bureau de l’envoyé de l’ONU pour la Syrie – qui assumait jusqu’ici le rôle de médiateur – ne communique pas pour l’instant sur une éventuelle reprise des négociations à Genève. Mais pour Souhail Belhadj Klaz, la ville de Calvin présente de nombreux atouts qui en font la meilleure alternative pour la tenue des prochaines rencontres.
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Sans influence russe
Avec une présence importante des Nations Unies, notamment de ses organes humanitaires et des droits de l’homme, Genève peut se targuer d’abriter l’expertise nécessaire pour mener ce type de négociations. Et la plupart des États disposent déjà d’une représentation diplomatique sur place.
La Suisse neutre pourrait également mettre à profit son expérience dans l’organisation de rencontres discrètes entre pays et groupes aux intérêts divergents.
Selon Souhail Belhadj Klaz, c’est aussi depuis Genève que pourraient être récoltés les fonds nécessaires à la reconstruction du pays, car c’est là que les donateurs sont le plus susceptibles de se rendre.
Dès 2017, les négociations de Genève ont souffert de la mise en place par la Russie, avec le soutien de l’Iran et de la Turquie, d’un processus de négociation concurrent à Astana, au Kazakhstan. Cela avait peu à peu vidé de leur substance les discussions au bout du lac. Si ce format est toujours actif, il devrait, selon le professeur, être étendu au reste de la communauté internationale, car il n’est soutenu que par Moscou, Ankara et Téhéran.
« Les Russes n’ont plus de réelles marges de manœuvre, leur protégé [Bachar el-Assad] quitté la Syrie. Même si des garanties ont été négociées avec la Turquie, elles sont désormais soumises aux décisions des nouveaux dirigeants syriens, en premier lieu pour leurs bases militaires », souligne Souhail Belhadj Klaz, qui estime que la Russie ne pourra pas influencer les futures négociations. Pour rappel, la Russie est active militairement en Syrie depuis 2015 où elle dispose de deux bases stratégiques, l’une navale, l’autre aérienne. « Les Russes sont plus intéressés à sauver les meubles en venant participer aux négociations », ajoute le professeur.
Points à résoudre
Pour Souhail Belhadj Klaz, les futures négociations doivent avant tout porter sur l’organisation du pouvoir en Syrie.
Le groupe rebelle HTS contrôle la province d’Idlib, la capitale Damas et plusieurs autres grandes villes de l’ouest de la Syrie. Mais de grandes portions du territoire sont sous le contrôle d’autres groupes et factions d’opposition. Dans le nord-est du pays, les forces kurdes, qui constituent la plus grande minorité ethnique du pays, contrôlent une grande partie des terres frontalières avec la Turquie. Une zone où se trouve également l’Armée nationale syrienne, un groupe de rebelles soutenu par Ankara.
« Les négociations porteront sur la Constitution et notamment sur la forme de gouvernement à adopter. On ne discutera probablement pas d’un gouvernement centralisé, mais plutôt fédéral ou régional, avec une autonomie provinciale», estime le professeur. Selon lui, c’est une condition préalable à tout dialogue entre les différents acteurs se partageant le territoire syrien.
« Se posera également la question de la représentation des minorités ethniques et religieuses. Tout accord doit garantir la protection des communautés chrétiennes et alaouites », ajoute Souhail Belhadj Klaz. La question du démantèlement de l’appareil sécuritaire syrien et de la justice transitionnelle sera également centrale pour décider du sort des anciens tortionnaires du régime d’Assad. La sécurisation et la destruction des armes chimiques en Syrie doivent également figurer au menu de ce qui s’annonce déjà comme un long processus nécessitant plusieurs cycles de négociations.
Lorsqu’on lui demande quand de telles discussions pourraient commencer, le professeur avance une prédiction : « Dès que possible, en janvier ».
Texte relu et vérifié par Virginie Mangin
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