Le café et la ville

Je ne pense pas être Ricardo Labeaume, mais j’ai adoré le film Délicieux. C’est l’histoire d’un cuisinier, Pierre Manceron, qui, à l’aube de la Révolution française, vient d’être licencié par un aristocrate détestable, qui a une gueule parfaite pour tester la nouvelle invention d’un certain docteur Guillotine. Je vous laisse deviner l’utilité de cela…


Publié hier à 9h00

Un excellent film français avec ce genre de lenteur qu’on adore. La particularité de l’ouvrage est qu’il est présenté comme étant le récit de la création du premier restaurant, du moins en , ce qui serait autrement inexact.

À des années lumières de ce récit se trouvent les marques Starbucks, selon lesquelles les cafés sont « des espaces de rencontre et de socialisation loin du travail et de la maison, comme une extension du perron ».

Un peu faux poète, mais pas totalement faux.

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PHOTO LEE JIN-MAN, PRESSE ASSOCIÉE

Un homme observe la Corée du Nord depuis un observatoire installé au sommet d’un nouveau Starbucks à Gimpo, en Corée du Sud.

Je vous ai déjà parlé d’un magnifique livre que je recommande à tous, mais particulièrement à tous les hommes politiques et élus municipaux : Metropolis : une histoire de la plus grande invention humaine, écrit par Ben Wilson, un historien britannique.

En résumé, il s’agit essentiellement de l’histoire des villes et de l’urbanité, de l’invention en fait de la civilisation, selon l’auteur. Encore une fois, magistral !

Et qu’est-ce que le café a à voir avec l’histoire ?

Pour l’auteur, d’abord l’ingrédient : « Le café coule dans les veines de la ville des - modernes. » Et puis, les lieux, les cafés : éléments alimentant une « alchimie sociale dans les villes ». Je ne l’avais jamais vu comme ça…

Cela explique l’impact extraordinaire de la création de ces boutiques, cafés, en Europe occidentale, à partir de la ville de Londres, et leur place dans le développement d’institutions importantes de cette ville.

La substance, le café, a été cultivée pour la première fois en Éthiopie et vendue à partir du XVe siècle.e siècle. Les premiers cafés sont apparus vers 1550 à Constantinople, où ils sont devenus des lieux de rencontre loin des mosquées et des habitations, et où s’est développée cette dépendance à la caféine que nous connaissons encore aujourd’hui.

En 1651, un marchand londonien rapporta chez lui les grains addictifs et la machine pour les valoriser, et frappa un coup de circuit en ouvrant son premier café, en 1654.

Quelques années plus tard, il y en avait 80 dans la ville et le concept s’est naturellement exporté. Un pic par exemple à Paris où, dans les années 1880, 40 000 cafés servaient les clients.

La substance a créé le lieu, et le lieu est devenu un incroyable nœud de socialisation.

Tout d’abord, un forum démocratique où des individus de toutes classes sociales échangeaient des potins et des nouvelles, des rumeurs et des vérités. Un lieu de savoir incontournable, contrairement aux tavernes de l’époque où l’entretien sommaire et la décence ne permettaient pas l’échange d’informations pertinentes, activité qui inquiétait même les gouvernants, les cafés étant pour eux des centres de sédition et de républicanisme !

Et par ailleurs redouté par d’autres, comme en témoigne cette « Pétition des femmes contre le café » lancée au Royaume-Uni au milieu du XVIIe siècle.e siècle : « Consommation excessive de la dernière boisson à la mode, abominable et barbare, appelée café […] émascule nos maris et paralyse nos plus beaux mâles, qui deviennent aussi impuissants que la vieillesse, aussi stériles que le sont ces terres désertes d’où vient, dit-on, le fruit fatal. »

Mais ils étaient si populaires que c’est dans l’un de ces cafés, Jonathan’s Coffee-House, que fut créée la première bourse de ce qui devint la City.

À mesure que le Royaume-Uni devenait une puissance mondiale, le capitalisme financier avait besoin d’endroits où les humains pouvaient négocier des contrats sur place. Les cafés se transforment alors en marchés publics où s’échangent « des titres bancaires, des emprunts publics ou des actions de sociétés gigantesques ».

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PHOTO ETHAN DOYLE BLANC, WIKIMEDIA COMMONS

Une plaque commémorative du Jonathan’s Coffee-House a été placée par la ville de Londres à l’endroit où il se trouvait.

L’un de ces cafés, baptisé Edward Lloyd’s, rassemblait la faune du commerce maritime, et Edward créa ce qui deviendra le géant de l’assurance que l’on connaît aujourd’hui, 335 ans plus tard : le Lloyd’s de Londres.

Alors que la science est devenue une affaire publique avec la création de la Royal Society de Londres, ses adeptes n’ont pas vraiment connu le succès des foules dans les institutions publiques, ils ont donc commencé à fréquenter les cafés où ils créaient un public passionné. Nous avons même donné des cours de mathématiques au Café de la Marine ! Évidemment, les artistes se produisaient dans différents cafés spécialisés, selon l’expression culturelle.

Pour l’auteur, l’existence des cafés doit être considérée comme l’une des principales composantes qui ont façonné les villes, en raison des « effets transformateurs qu’ils ont eu sur l’un des éléments constitutifs de la ville moderne : la sociabilité ».

De plus, aujourd’hui encore, l’ouverture des cafés hipster dans certains quartiers moins populaires d’une ville est un signe avant-coureur d’une gentrification en devenir. Dans les années 2010, à Harlem, des courtiers ont même commencé à investir discrètement dans des cafés pour soutenir artificiellement les valeurs attendues du bâtiment.

Si, en Corée du Sud, l’arrivée de Starbucks a permis aux jeunes femmes d’échapper à la dureté du foyer familial pour aller à la rencontre du monde, à Téhéran, les cafés sont aussi incontournables pour interagir à l’abri de la tyrannie, même si la loi impose à ces établissements d’installer des caméras de surveillance. garantir un « contrôle civique » des clients…

Mais en 2012, la « police des mœurs » iranienne a fermé 87 de ces établissements au motif qu’ils « ne respectaient pas les valeurs islamiques »…

Misère !

Entre nous

D’autres ont déjà écrit sur ce livre, dans mon cas il m’a été recommandé par un ami : Et si demain tout s’inversait – Résistance ou allégeance, l’heure des décroisades est-elle venue ? par Sonia Mabrouk. Je lis parfois que l’auteur serait contesté en France, mais qu’importe, il y a peu de romans qui me donnent envie de me coucher vite pour continuer la lecture. En voilà un !

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