Procès pour viol à Mazan | Le défi de défendre l’indéfendable

Après plusieurs semaines d’audiences, le procès pour viol de Mazan est entré mercredi dans sa phase finale avec les plaidoiries très attendues de l’avocat du principal accusé. Celle que l’on surnomme « l’avocat du diable » a tenté de montrer le côté humain de son client en rappelant les violences qu’il a subies dans son enfance.

Meriem Bioud

Collaboration spéciale

La foule était là dès l’aube mercredi devant le tribunal d’Avignon, où se déroule depuis début septembre le procès des « viols de Mazan », certainement le plus suivi de l’année en . . La journée s’annonçait décisive, avec les plaidoiries de la défense et notamment celles de l’avocate de Dominique Pelicot, Béatrice Zavarro, femme à la silhouette frêle et au regard perçant.

«Je ne m’attends à rien», a-t-elle déclaré aux journalistes dès son entrée.

« Que peut-elle défendre ? C’est un homme indéfendable», a argumenté une curieuse, Corinne Lombardi, qui suit les audiences en public depuis le début et qui était arrivée tôt dans l’espoir d’avoir une place dans la salle.

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PHOTO CHRISTOPHE SIMON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

L’avocate de Dominique Pélicot, Béatrice Zavarro

Dominique Pelicot est accusé d’avoir drogué Gisèle Pelicot, avec laquelle il était marié au moment des faits, avec des anxiolytiques, puis de l’avoir violée et fait violer par plusieurs dizaines d’hommes recrutés sur internet. Le tout de 2011 à 2020.

Dominique Pelicot a reconnu les faits dès le début du procès, lors de son interrogatoire. « Je suis un violeur comme ceux qui sont présents dans cette pièce », a-t-il admis.

Les scènes de violence qu’il a filmées et minutieusement cataloguées ont permis à la police d’identifier 50 hommes, qui comparaissent aujourd’hui à ses côtés. Le procureur de la République a requis des peines allant de 4 à 20 ans de prison.

“Pour chacun d’entre nous, quel que soit notre rôle dans l’affaire, il y aura un avant et un après”, a relevé Laure Chabaud, la procureure du dossier.

Au début du réquisitoire du ministère public, étape au cours de laquelle les peines sont proposées au juge, l’avocat Jean-François Mayet a déclaré que le cœur du procès était celui de la « domination masculine sur les femmes », un sujet « loin d’être inconnu ». à tout le monde.

« Des changements profonds dans le système de pensée ne peuvent pas se faire en un jour », a déclaré sa collègue, la directrice juridique Laure Chabaud. Ce procès est une pierre dans l’édifice que d’autres poursuivront. »

L’avocat du diable

Au début du procès, Gisèle Pelicot assurait que malgré sa « façade solide », à l’intérieur, c’était « un champ de ruines ».

La semaine dernière, les enfants du couple ont eu des propos très durs à l’égard de leur père lors de leur dernière audience. «Tu finiras seul comme un chien», lui dit sa fille Caroline. Plusieurs photos d’elle nue et endormie ont été retrouvées dans le dossier de l’accusé, qui nie à ce jour avoir pris ces photos.

« Malgré moi, depuis le 2 septembre, je me fais l’avocat du diable », a déclaré Béatrice Zavarro en commençant son plaidoyer mercredi.

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PHOTO CHRISTOPHE SIMON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des femmes se sont rassemblées mercredi pour soutenir Gisèle Pelicot devant le palais de justice d’Avignon.

En entretien avec La presse en fin de journée, Béatrice Zavarro a confié que ce titre lui était « totalement » indifférent.

Le calme ne la quitta pas tandis qu’elle récitait son réquisitoire, dépliant méthodiquement les feuilles colorées contenant ses notes. Elle a rappelé l’enfance de Dominique Pelicot et ses traumatismes. Une figure paternelle violente, « un homme autoritaire, tyrannique » qui imposait sous ses yeux des relations violentes à sa mère.

Puis le viol, qui lui aurait été infligé par une infirmière à l’âge de 9 ans, alors qu’il était hospitalisé pour une blessure à la tête. Puis un autre viol, dont il a été témoin et auquel il aurait été contraint de participer sur un chantier de construction alors qu’il avait 14 ans. Une scène que l’avocat a exhumée dans les moindres détails.

Selon Béatrice Zavarro, ces événements ont fait de Dominique Pelicot un « homme divisé ». Il y a le bon Dominique, perçu par ses enfants, avant l’affaire, comme ce père « bon, attentionné, généreux ». Ensuite, il y a « l’autre Dominique », pour qui « seul son désir compte ».

Entre références à la psychanalyse de Freud comme à des théories plus modernes, l’avocat cherchait des explications scientifiques aux actes qu’il avait commis.

Position ambiguë envers la victime

Béatrice Zavarro a refusé de nommer les coaccusés, préférant les classer par groupes. « Il y a les gens impatients qui contactent [Dominique Pelicot] pour prendre rendez-vous dans la journée, les curieux qui veulent voir ce qui se cache derrière l’annonce, les machos qui pensent que depuis qu’il a dit oui pour sa femme, c’est oui [pour avoir un rapport sexuel alors qu’elle est endormie]. »

L’avocat a catégoriquement nié la possibilité qu’ils aient pu être sous l’influence de l’organisateur des réunions nocturnes.

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PHOTO CHRISTOPHE SIMON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Gisèle Pelicot est applaudie par les femmes venues la soutenir, devant le palais de justice d’Avignon après que le parquet a conclu mercredi son réquisitoire.

A l’égard de Gisèle Pelicot, la victime, présente au procès et qui a été applaudie à son arrivée et à son départ, Béatrice Zavarro a pris une position ambiguë.

“J’ai un profond respect pour la dignité dont vous avez fait preuve, Madame”, a-t-elle déclaré.

Elle n’a cependant pas manqué de faire quelques commentaires sur elle-même, affirmant qu’elle s’était trop concentrée sur « son rôle de grand-mère » et pas assez sur « son rôle de femme » à son arrivée à Mazan. Béatrice Zavarro avait alors assuré que Dominique Pelicot avait voulu la protéger de la douleur en lui administrant des sédatifs.

Le moment le plus déroutant est survenu à la fin de la dispute, lorsque l’avocat a répété des lignes d’un des poèmes que son ex-mari lui avait écrit en prison. «Je sais qu’un jour nous nous reverrons et nous pourrons, espérons-le, reparler de tout cela. »

Le procès se poursuit avec les plaidoiries finales des avocats des 50 coaccusés. Lundi, le procureur de la République a requis 20 ans de prison contre Dominique Pelicot. Les annonces des condamnations arriveront au plus tard le 20 décembre.

 
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