Moscou a promis mardi une réponse adaptée à l’attaque sur son territoire menée par Kiev avec des missiles américains ATACMS, estimant que le conflit entrait dans une nouvelle phase et annonçant que les possibilités de recours au nucléaire étaient ainsi élargies.
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19 novembre 2024 – 22h42
(Keystone-ATS) Cette rhétorique sur l’usage de l’arme atomique a été dénoncée par Washington, l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui ont fustigé une attitude « irresponsable » de Moscou.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a de son côté appelé à « garder la tête froide » face à cette révision de la doctrine nucléaire russe et à « ne pas céder à la peur ».
“Leur doctrine nucléaire révisée et leur rhétorique sur l’usage des armes nucléaires ne sont rien d’autre qu’un chantage”, a déclaré Andriï Sybiga devant une commission du Congrès américain.
Le Pentagone a déclaré continuer à « surveiller », ajoutant : « rien n’indique que la Russie se prépare à utiliser une arme nucléaire en Ukraine ».
Le président français Emmanuel Macron a dénoncé une posture « d’escalade » de la Russie qu’il a appelé à « raisonner ». “Elle a des responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies”, a déclaré Macron aux journalistes après le sommet du G20 à Rio de Janeiro.
Il a également indiqué avoir appelé le président chinois Xi Jinping à « utiliser tout son poids, sa pression, sa capacité de négociation à l’égard du président Poutine pour qu’il arrête les attaques ».
1000 jours
Au 1000ème jour de l’invasion de l’Ukraine, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a accusé les Américains d’avoir aidé l’armée ukrainienne dans ces frappes sur la région frontalière russe de Briansk.
Ils sont intervenus après le feu vert de Washington à Kiev dimanche pour tirer sur le sol russe avec ces missiles à longue portée, que le Kremlin avait présenté comme une ligne rouge.
En septembre, Vladimir Poutine, qui réclame la capitulation de l’Ukraine, a prévenu que si ce pays tirait sur le territoire russe avec de tels missiles occidentaux, cela signifierait que « les pays de l’OTAN sont en guerre contre la Russie ».
Le président russe ne s’est pas encore exprimé publiquement sur l’attaque ukrainienne de mardi matin, qui, selon Moscou, visait des installations militaires.
Confirmation ukrainienne
Selon le récit de l’armée russe, « à 3 h 25, l’ennemi a frappé un site dans la région de Briansk », non loin de la frontière ukrainienne, avec des « missiles tactiques ATACMS ». Cinq projectiles ont été détruits et un autre endommagé par la défense anti-aérienne russe.
Ces frappes ont été confirmées à l’AFP par un responsable ukrainien s’exprimant sous couvert d’anonymat, même si le chef de l’Etat Volodymyr Zelensky a simplement déclaré, lors d’une conférence de presse à Kiev, que son pays possédait ces missiles et allait les “utiliser”.
M. Lavrov a, pour sa part, jugé que de tels tirs étaient “un signal” que l’Ukraine et l’Occident “veulent l’escalade”.
“Nous considérerons cela comme une nouvelle phase dans la guerre occidentale contre la Russie et nous réagirons en conséquence”, a-t-il déclaré à la presse en marge du G20 de Rio.
Pour lui, ces missiles américains précis ne peuvent être utilisés par Kiev « sans l’aide d’experts et d’instructeurs américains ».
Vladimir Poutine a évoqué à plusieurs reprises le spectre du recours à l’arme nucléaire depuis le début de l’offensive en février 2022 contre l’Ukraine, pays marqué par la tragédie de Tchernobyl en 1986.
Mardi, le président russe a déjà répondu à la décision américaine en signant le décret qui officialise la nouvelle doctrine nucléaire russe : il élargit la possibilité de recourir à l’arme atomique en cas d’attaque « massive » d’un pays. non nucléaire mais soutenu par une puissance nucléaire. Une référence claire à l’Ukraine et aux États-Unis.
“Il fallait adapter nos fondements (de la doctrine nucléaire) à la situation actuelle”, a froidement défendu Dmitri Peskov, son porte-parole, tandis que M. Lavrov a appelé les Occidentaux à “lire l’intégralité du document”.
« Jamais » soumis
L’Ukraine réclame depuis de nombreux mois de pouvoir frapper des cibles militaires sur le territoire russe pour perturber la logistique de son armée, désormais appuyée par des milliers de soldats nord-coréens.
Face au Parlement ukrainien, Volodymyr Zelensky a estimé que l’issue interviendrait en 2025.
“Cette étape déterminera qui gagnera”, a-t-il déclaré, assurant que “l’Ukraine peut vaincre la Russie”, même si “c’est très difficile”.
Mais M. Zelensky a reconnu, pour la première fois, que l’Ukraine pourrait devoir attendre après Poutine pour « rétablir » son intégrité territoriale, les Russes occupant près de 20 % de sa superficie.
C’est la première fois qu’il admet que son pays devra « peut-être » accepter, pour un temps, la perte de zones occupées par la Russie.
Auparavant, la diplomatie ukrainienne avait affirmé que l’Ukraine ne se soumettrait « jamais » à Moscou, tandis que le Kremlin affirmait, comme à son habitude, que son armée gagnerait.
Sur le terrain, les forces russes avancent sur plusieurs secteurs du front, notamment près de Kurakhové (est), où elles ont revendiqué mardi la conquête d’un nouveau village.
Des destins liés
Par ailleurs, une frappe russe a causé la mort de dix personnes, dont un enfant, dans la région de Soumy (nord-est) dans la nuit de lundi à mardi.
Sur le plan diplomatique, le retour prochain de Donald Trump à la Maison Blanche fait craindre à l’Ukraine qu’il n’oblige Kiev à des concessions.
Dans ce contexte, la Pologne et d’autres Etats européens se sont affirmés « prêts à assumer la charge du soutien militaire et financier » à Kiev, a déclaré le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski, à l’issue d’une rencontre à Varsovie avec plusieurs de ses homologues européens.
Il leur faudra cependant trouver un terrain d’entente durable, comme l’appelait il y a quelques jours le chancelier allemand Olaf Scholz pour la première fois depuis deux ans à Vladimir Poutine, provoquant la colère de Volodymyr Zelensky.
M. Poutine ne doit pas « parvenir à ses fins », a insisté mardi le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell s’est quant à lui exclamé : « le sort des Ukrainiens déterminera le destin de l’Union européenne ».