L’année dernière à Dubaï, la précédente Conférence des Parties avait réuni plus de 80 000 participants. Mais l’édition 2024 du sommet de l’ONU sur le climat s’annonce bien moins fréquentée, avec des absences notables.
Moins de délégués, moins de chefs d’État, moins de chefs d’entreprise, moins d’observateurs… La 29e Conférence de l’ONU sur les changements climatiques, COP29, s’ouvre lundi 11 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan. Et cette année, les organisateurs affichent sans vergogne une réduction des badges et accréditations distribués chaque année aux délégations des 194 pays invités à se pencher sur l’avenir de la planète. Au 21 octobre, 32 000 personnes étaient accréditées pour accéder à la « zone bleue », un espace administré par les Nations Unies et dans lequel se déroulent les négociations.
A titre de comparaison, l’année dernière à la même époque, les autorités émiraties annonçaient 80 000 participants pour la COP28 à Dubaï, la plus grande édition jamais organisée. Faut-il en conclure que ce nouveau rendez-vous n’enthousiasme pas les foules ? Loin de là. « La taille [d’une COP] ne se traduit pas nécessairement par la qualité des résultats », » a déclaré le secrétaire de l’ONU au climat, Simon Stiell, en avril lors d’une réunion à Londres. Les Nations Unies et le pays hôte, co-organisateurs, attendent entre 40 000 et 50 000 personnes, rassemblées pendant deux semaines dans le stade olympique de la capitale azerbaïdjanaise.
Selon une liste mise en ligne fin octobre, 109 chefs d’État et de gouvernement ont demandé à prendre la parole à la tribune, contre plus de 130 en 2023. Cette liste ne comprend pas, entre autres, ni Emmanuel Macron, ni le président américain Joe Biden, ni le chancelier allemand Olaf Scholz, tous trois absents de la réunion azerbaïdjanaise. Ce nombre de managers, en baisse, reste cependant “encore beaucoup plus élevé qu’il y a quelques années”, relève le directeur adjoint de 350.org, Andreas Sieber, cité par le site spécialisé Climate Home. Jusqu’à la COP21, en 2015 à Paris, réunissant plus d’une centaine de dirigeants “était considéré comme impensable”.
En réalité, jusqu’à la COP15 à Copenhague (Danemark) en 2009, les sommets de l’ONU sur le changement climatique n’intéressaient pas vraiment le grand public. Même lors de la COP3, au Japon en 1997, qui instituait le protocole de Kyoto (sorte d’ancêtre de l’accord de Paris), le nombre de participants approchait à peine les 10 000 participants, presse comprise. Mais petit à petit, la sortie en 2006 du film d’Al Gore (Une vérité qui dérange), le prix Nobel de la paix décerné l’année suivante au GIEC et, bien sûr, la mobilisation de la communauté scientifique et des ONG, ont ouvert les mystères de la diplomatie climatique aux non-initiés.
Dans leur travail Gouverner le climatles chercheurs Amy Dahan et Stefan Aykut notent qu’en 2009, à l’approche de la COP15, les ONG, les politiciens et les médias ont présenté le sommet d’une seule voix du point de vue d’un “un exercice de volontarisme planétaire (…), un moment mondial décisif où tout sera en jeu pour le climat et où tout pourra être résolu.” A l’ouverture des négociations, 56 journaux de 45 pays (dont Le monde en France) a publié un forum commun pour appeler les dirigeants à l’action.
Mais les résultats décevants de la rencontre danoise ont fait chuter l’intérêt médiatique et, les années suivantes, à Cancun (au Mexique) puis à Durban (en Afrique du Sud), les négociations se sont à nouveau déroulées loin des caméras du monde. entier. Même chose pour la COP18 qui s’est tenue dans un pays controversé, le Qatar. Ainsi, lorsque les Émirats arabes unis ont obtenu l’organisation de la COP28 à Dubaï, dix ans plus tard, le grand public a déploré ce que beaucoup pensaient à tort être le premier sommet climatique de l’ONU organisé par une pétromonarchie du Golfe.
Si toutes les COP permettent d’avancer ou de mettre sur la table des enjeux décisifs, certaines sont considérées comme “techniques”, quand d’autres (comme la COP21 organisée à Paris en 2015, ou la COP26 à Glasgow, en Écosse) sont inscrites à l’agenda comme des étapes essentielles. Logiquement, ils attirent plus de monde, même si la palme du nombre revient à Dubaï (COP28) avec ces plus de 80 000 participants, venus faire, voir ou observer le premier bilan de l’accord de Paris.
Pour les acteurs exclus du cœur des négociations (comme les médias, les chefs d’entreprise, les scientifiques, les universitaires ou les militants), cette COP29 en Azerbaïdjan, “technique” et axé sur la finance, suscite moins d’intérêt que le prochain qui sera organisé à Belem (Brésil) et marquera les 10 ans de l’accord de Paris. Cité par le Temps FinancierLes dirigeants du monde de la finance ont assuré début octobre qu’ils seraient présents à Belem, mais pas à Bakou. Ils ont également mentionné « moins d’opportunités de réseauter avec les clients » et un « une logistique difficile ».
Les décisions des États de ne pas envoyer de délégations à la COP29 sont encore plus alarmantes pour la santé même de ce processus multilatéral. Le 31 octobre, le ministre des Affaires étrangères de Papouasie-Nouvelle-Guinée, Justin Tkatchenko, a confirmé que son pays boycotterait les négociations, qualifiées de « perte de temps ». « Ça ne sert à rien d’y aller si c’est pour s’endormir, à cause du décalage horaire. Parce que nous ne ferons rien »» s’en est pris au ministre papou, dans une nouvelle tentative de mettre en garde contre l’inaction des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, en particulier des États producteurs de pétrole comme l’Azerbaïdjan.
L’Azerbaïdjan, pays du Caucase riche en hydrocarbures et allié de la Russie de Vladimir Poutine, est pour le moins un hôte controversé de cette COP29. Alors que Bakou réprime toute forme de protestation, le Parlement européen a adopté fin octobre une résolution non contraignante dénonçant « la répression qui s’est considérablement intensifiée à l’approche de la COP29 ». « Les violations actuelles des droits de l’homme en Azerbaïdjan sont incompatibles avec son statut de pays hôte »il juge aussi. Le Quai d’Orsay déconseille même de s’y rendre, pour ne pas s’exposer « risquent d’être arrêtés, détenus arbitrairement et jugés inéquitablement ».
Dans ces conditions, la venue de militants d’ONG ou d’universitaires, acteurs qui participent aux COP en marge des négociations, risque d’être moins importante que ces dernières années. Quelques ont également dénoncé la difficulté d’obtenir des laissez-passer pour l’événement, tandis que trois journalistes français et britanniques, cités en juin par Le Gardiendéplorait déjà s’être vu refuser l’accès à une conférence sur l’énergie organisée dans la capitale azerbaïdjanaise et témoignait d’intimidations sur place.
« À l’approche de la COP29, l’environnement de la société civile en Azerbaïdjan est devenu de plus en plus contraint et dangereux. » confirment le journaliste Arzu Geybulla et la chercheuse Ruth Townend dans un rapport du groupe de réflexion Chatham House (un PDF). Ou « Sans l’espace et l’impulsion nécessaires aux contributions des universitaires et de la société civile, l’Azerbaïdjan risque d’échouer dans ses efforts de leadership climatique, avec des conséquences tant au niveau national qu’international »ils observent. Reste à savoir si l’absence de ces voix se reflétera dans les ambitions qui émergeront de cette COP29. Une COP technique, mais cruciale.