Il n’y a pas eu de pandémie de Covid en Suisse

Il n’y a pas eu de pandémie de Covid en Suisse
Il n’y a pas eu de pandémie de Covid en Suisse

En Suisse, les électeurs devront se prononcer sur des dizaines d’objets cantonaux et quatre objets fédéraux, dont une remarquable initiative populaire visant à étendre un droit à l’intégrité physique déjà garanti par la Constitution. « Et si demain l’exigence était (sic) se faire injecter une micropuce sous la peau ?inquiètent les initiateurs, qui jurent encore aujourd’hui qu’il «il n’y a pas eu de pandémie de Covid en Suisse». Juste une mauvaise grippe.

Journée passionnante, donc. Mais il n’est pas impossible que nos esprits soient ailleurs.

Dans le même temps, mais de l’autre côté de la frontière, c’est-à-dire dans une Europe unie, les électeurs seront appelés à élire leurs députés européens. Et contrairement aux idées reçues, l’Assemblée de Strasbourg ne ressemble plus à un Parlement croupion. Au fil des réformes, elle s’est dotée des prérogatives d’une véritable chambre basse, capable d’influencer les décisions initiées à Bruxelles. Pensons à la fin des moteurs thermiques ou à la loi sur l’intelligence artificielle.

Actuellement, c’est la droite (PPE) qui domine au Parlement européen, mais tout le monde aura les yeux rivés sur une chose : la montée des partis d’extrême droite. En France (Rassemblement National, aux portes du pouvoir), en Italie (Fratelli d’Italia, au pouvoir), en Autriche (FPÖ, prêt à reprendre le pouvoir) et en Hongrie (Fidesz, au pouvoir), la droite populiste est dépassant, parfois allègrement, la barre des 25% d’intentions de vote.

Des bottes qui brillent encore

Mais s’il y a un endroit que tout le monde aura à l’œil, c’est bien l’Allemagne. Par son histoire et son poids politique, par sa centralité naturelle en Europe, le pays de Goethe est au cœur de toutes les attentions. S’il tombe, tout est permis. Et la montée fulgurante du parti Alternative pour l’Allemagne (Alternative für Deutschland, AfD en abrégé) ces dernières années est un bouleversement dont il est bon de savoir mesurer l’impact.

Confession : ma grand-mère, née en 1924 dans le sud-ouest de la France, n’aimait pas beaucoup “les Boches”. Lorsqu’elle en parlait, ce qui devait être rarement le cas, des mots comme “Kartoffel” Et “schnell” sonnait comme des insultes, et les bottes noires des officiers de la Wehrmacht débarqués dans sa maison d’Ambarès-et-Lagrave, près de Bordeaux, par un beau jour de 1941 (ou 1942 ?), n’avaient jamais cessé de briller.

J’étais adolescent et je riais de bon cœur devant cette évocation d’un passé révolu, encore vibrant d’indignation. Mitterrand et Kohl se sont tenus la main devant un monument à la mémoire de Verdun, Chirac et Schröder ont eu le parfait amour, écrit Fukuyama La fin de l’histoire. Tout irait bien.

Tout pour l’Allemagne

Vingt-cinq ans plus tard, en mai 2021, Björn Höcke, figure de l’aile dure de l’AfD, est en meeting à Merseburg, en Allemagne de l’Est. Devant la foule rassemblée, il scande « Tout pour notre patrie, tout pour la Saxe-Anhalt, tout pour l’Allemagne »reprenant sans vergogne le slogan des SA nazies (“Tout pour l’Allemagne”). Il vient d’être condamné par la justice allemande pour cette peine dont il ne peut ignorer la portée, mais son parti obtient 15% d’intentions de vote aux élections européennes. Ma grand-mère, repose son âme, n’aurait pas ri.

Bref, vous voyez l’intérêt. Cela se joue quelque part dans ces régions plus ou moins charmantes de Saxe et de Thuringe, et désormais presque partout en Allemagne, comme un dépaysement. Nous n’aimons pas ce qu’est devenue la République fédérale, nous détestons les bobos de Berlin et de Hambourg, nous avons peur d’une guerre avec une Russie que nous aimons toujours, l’énergie est chère et les Syriens sont encombrants. Ainsi, au mépris de l’histoire, ou peut-être parce que nous en tirons d’autres leçons, nous votons AfD.

Pendant ce temps, en Suisse saxonne

C’est pourquoi nous avons décidé de faire une exploration intitulée « Tout pour l’Allemagne ». Il s’agit de Flavia Gillioz, une jeune journaliste valaisanne prometteuse, passée par notre rédaction au bout du lac ce printemps.

Le premier épisode se déroule dans la ville de Pirna, 40 000 habitants, porte d’entrée de cette région verte mais isolée qu’on appelle la Suisse saxonne. C’est là qu’en novembre dernier, le menuisier Tim Lochner, officiellement sans label et en réalité soutenu par l’AfD, a repris la mairie. C’était la première grande commune d’Allemagne à se tourner vers l’extrême droite. Probablement pas le dernier.

Suivront d’autres épisodes qui ont pour objectif de présenter les étapes essentielles de l’histoire de ce parti pas comme les autres. Un parti dont la présidente, Alice Weidel, a vécu discrètement en Suisse pour échapper aux procès pour homosexualité. Son conseiller personnel, ainsi que plusieurs élus de l’AfD, ont participé en novembre à une réunion secrète à Potsdam, afin d’élaborer un plan de « remigration » s’apparentant à une épuration ethnique. La nouvelle, révélée en janvier par les excellents médias Correctifauquel nous avons consacré un épisode de notre série médiatique, a jeté des millions d’Allemands dans la rue en signe de protestation.

OSS 117 en Allemagne de l’Est

Depuis, l’AfD ne cesse d’accumuler les mésaventures dignes d’OSS 117. Sa tête de liste européenne, le gummi Maximilian Krah, qui vient d’assurer qu’un SS « ne fait pas[était] pas automatiquement un criminel », est soupçonné d’avoir été payé par Moscou pour contribuer à l’un de ses réseaux de propagande en Europe. Il semblerait que l’un de ses assistants au Parlement européen, Jian Guo, travaillait pour les services secrets chinois. Quant au numéro 2 de la liste, Petr Bystron, il a également reçu de l’argent du Kremlin…

Ces revers ont ramené le parti, crédité de plus de 20 % des intentions de vote aux élections européennes de la fin de l’année dernière, à « seulement » 15 %. On se demande ce qu’il faudrait pour dissuader le reste des sympathisants. Quelques pistes de compréhension dans cette nouvelle Exploration. Et d’ici là, chers lecteurs, n’oubliez pas les leçons de l’histoire : il n’y a jamais eu de pandémie de Covid en Suisse. Juste une mauvaise grippe.

 
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