Le facteur humain | Crédits carbone : action ou illusion ? – .

La transition écologique est complexe. Chaque semaine, nous explorons les solutions qui s’offrent à nous pour avoir un impact sur la crise climatique et environnementale.


Publié à 1h08

Mis à jour à 5h00

Une analogie est couramment utilisée pour illustrer l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère : celle de la baignoire.

Si vous remplissez votre baignoire plus rapidement que le drain ne peut s’écouler, le niveau d’eau augmentera inévitablement.

C’est ce qui arrive avec le CO2 qui s’ajoute à l’atmosphère plus rapidement que la surface de la Terre ne peut l’absorber. Si vous ne fermez pas le robinet de la baignoire, mais payez une entreprise pour évacuer l’eau dans 10 ou 15 ans, échapperez-vous au débordement ?

C’est l’une des critiques adressées aux crédits compensatoires carbone qui permettent de financer des projets de réduction de GES. Ces crédits permettent la production d’énergies renouvelables, l’augmentation de l’efficacité énergétique, la plantation d’arbres ou encore la lutte contre la déforestation.

« Est-ce que nous payons simplement pour nous donner bonne conscience ou est-ce que cela contribue vraiment à réduire nos émissions ? » demande Richard Perron, un lecteur qui estime entre 100 $ et 360 $ le montant que lui et sa femme dépensent chaque année pour compenser l’empreinte carbone de leurs voyages.

Ces dernières années, l’offre de programmes de compensation carbone sur le marché dit « volontaire » s’est généralisée auprès des transporteurs aériens. Récemment, Richard Perron a payé 10,88 $ supplémentaires à Air Canada pour l’achat de crédits compensatoires pour un vol entre Saint John’s et Victoria qu’il effectuera en juin. « Ce n’est pas une grosse somme. Est-ce que cela sert vraiment à quelque chose ou s’agit-il de greenwashing ? “, il demande.

Lacunes révélées

Parmi les acteurs du secteur et du monde universitaire, la question fait débat. D’abord en termes de fiabilité du programme puis par rapport à l’existence même de cette approche.

Ces dernières années, des enquêtes journalistiques et des analyses scientifiques ont démontré que plusieurs projets, pourtant respectueux des plus hauts standards internationaux, ne permettaient pas de réelles réductions de CO.2.

Lire une enquête de Gardien sur l’inefficacité d’un programme de protection des forêts tropicales (en anglais)

Lire une enquête de La presse sur les projets de plantation d’arbres au Canada

En outre, même si de nombreux crédits sont émis après la réduction ou le captage du carbone, d’autres sont émis à l’avance. Le problème : ça peut parfois des années, voire des décennies, s’écoulent avant que les arbres n’absorbent le CO2 délivré par le vol d’avion qu’un voyageur souhaite neutraliser. Il reste cependant peu de temps pour agir pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, préviennent les scientifiques du GIEC.

Il y a deux ans, face aux échecs de l’industrie, la Fondation David Suzuki a retiré son soutien à tout programme de compensation carbone.

La compensation carbone est une excuse utilisée par les industries pour ne pas faire davantage pour réduire directement leurs émissions.

Thomas Green, conseiller principal en politique climatique à la Fondation David Suzuki

Dans une revue systématique de la littérature publiée en janvier dans Politique des transportsun chercheur de l’Université de Lisbonne a constaté que ces programmes ont « une contribution limitée à la durabilité de l’aviation », notamment en raison de leur inefficacité à changer le comportement des voyageurs et de leur faible taux d’adhésion.

Lire la revue scientifique sur le site de Science Direct (en anglais)

Le biologiste Jean-François Boucher, professeur d’éco-conseil à l’Université du Québec à Chicoutimi et expert en gestion du carbone forestier, croit pour sa part fermement à l’impact de la compensation carbone. Tant que le programme de compensation possède une certification reconnue telle que VSC ou Gold Standard ou adhère à la norme ISO-14 064-2 et est vérifié en conséquence.

S’il prône d’abord une réduction à la Source, il estime aussi que cette réduction doit aller de pair avec une compensation des émissions restantes. Les arbres plantés aujourd’hui nous rendront de grands services dans une décennie ou deux. « Il faut augmenter considérablement, à l’échelle mondiale, l’absorption des gaz à effet de serre, sans cela, on n’atteindra pas la neutralité carbone », affirme M. Boucher, qui a été jusqu’en 2018 directeur scientifique de Carbone boréal, un programme de compensation de GES qui est également une infrastructure de recherche de l’UQAC et qui vend des crédits à l’avance.

Même si cette approche ne permet pas une parfaite adéquation temporelle entre émissions et absorption, “si nous n’acceptions pas ce type d’initiative, nous n’aurions pas de plantations ou ce serait très difficile à financer”, argumente-t-il. il espérait que les certificateurs seraient en mesure de corriger ces lacunes.

Pour Kate Ervine, professeure agrégée d’études sur le développement international à l’Université St. Mary’s à Halifax et auteur de l’essai Carbone, l’approche même de la compensation carbone est une « distraction dangereuse ». Dans un contexte où il y a urgence d’agir, le caractère abordable des crédits proposés sur le marché volontaire ne permet pas de changer rapidement les comportements. « En tant qu’individus, nous nous disons : « Wow, c’est vraiment simple et peu coûteux. Maintenant, je peux continuer à faire tout ce que j’ai toujours fait. » Ce n’est pas une solution transformatrice. »

Même si très peu de gens sont prêts à renoncer à l’avion, la compensation carbone n’est-elle pas un moindre mal ?

Si vous décidez de voyager, envisagez plutôt de contribuer à des organisations qui font un travail vraiment significatif. [par exemple des groupes qui travaillent à l’atténuation des changements climatiques ou à la restauration écologique dans leur communauté]. Mais ne prétendez pas avoir neutralisé votre activité à forte intensité carbone.

Kate Ervine, professeure agrégée d’études sur le développement international à l’Université St. Mary’s à Halifax

Un avis partagé par Thomas Green, de la Fondation David Suzuki. « Cela nous oblige à nous demander : ai-je vraiment besoin de ce vol et, si oui, y a-t-il un moyen de gérer cela ? » Si prendre l’avion pour rendre visite à la famille peut paraître indispensable, est-ce le cas pour cette réunion à laquelle notre patron nous demande d’assister en personne ?

Ce dilemme n’est pas facile pour de nombreux voyageurs.

Toutefois, les experts s’accordent sur une chose : compenser, ce n’est pas réduire.

Solutions possibles

Le chiffre de la semaine : 287 000

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PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Près de 230 000 arbres et 57 000 arbustes seront plantés dans l’est de Montréal afin de réduire les îlots de chaleur et d’améliorer la qualité de l’air et l’accès aux milieux naturels pour les résidents du secteur.

Près de 230 000 arbres et 57 000 arbustes seront plantés dans l’est de Montréal afin de réduire les îlots de chaleur et d’améliorer la qualité de l’air et l’accès aux milieux naturels pour les résidents du secteur. Cet investissement de la Ville de Montréal et du gouvernement du Canada a été annoncé lors du Sommet sur le climat de Montréal qui s’est tenu plus tôt cette semaine. L’argent versé par le gouvernement fédéral fait partie du programme « 2 milliards d’arbres », qui vise à planter un maximum de plantes d’ici 2030.

Lire un article sur les initiatives éconergétiques à Montréal

La bonne idée : les déchets comme monnaie

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PHOTO PRISE DE LA PAGE FACEBOOK DE SAUVAGE MEDITERRANÉE

L’association Sauvage Méditerranée a mis en circulation 1000 pièces d’une valeur équivalente à 5 euros.

Brasseur artisanal, fleuriste, apiculteur : en France, les Marseillais peuvent désormais régler leurs petits achats dans une dizaine de commerces avec des devises obtenues grâce à la collecte des déchets. Cette Monnaie Sauvage, fabriquée à partir de plastique recyclé issu de déchets marins collectés, a pour objectif de récompenser les citoyens pour leurs actions de nettoyage. L’association Sauvage Méditerranée a mis en circulation 1000 pièces d’une valeur de 5 euros (un kilo de déchet = deux pièces). Pour chaque pièce dépensée dans une entreprise participante, l’organisation reversera 5 euros à une association dédiée à la défense de l’environnement.

Voir un reportage sur l’argent sauvage sur le site Brut. médias

Matière à réflexion : repenser le voyage

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PHOTO BIJOU SAMAD, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des touristes devant les pyramides de Gizeh la semaine dernière

Alors que le changement climatique nous amène à repenser nos habitudes de voyage, Terre au carré propose un échange intéressant sur notre rapport à l’ailleurs et sur les enjeux du tourisme de demain. C’est l’occasion de découvrir cette émission quotidienne dédiée à l’environnement, animée par Mathieu Vidard. France Inter a annoncé en début de semaine qu’elle disparaîtrait sous sa forme actuelle à la rentrée pour être remplacée par une nouvelle version, une décision que de nombreux auditeurs ont déplorée.

Voir la page du spectacle Terre au carré sur le site de France Inter

POSER vos questions sur les problématiques liées à l’empreinte environnementale

Apprendre encore plus

  • Entre 1,6 et 2 tonnes équivalent CO2
    Émissions de carbone d’un vol aller-retour Montréal-Paris en classe économique

    sources : monclimat, Carbone Boréal

 
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