En quête d’action et de sens

En quête d’action et de sens
En quête d’action et de sens

A 23 ans, Rym vient de terminer une licence en psychologie à l’Unil. Au printemps dernier, elle a participé au mouvement d’occupation du bâtiment Géopolis, en soutien à la cause palestinienne. Mais une fois cette étape académique passée, elle ressent un vide. La fin de l’occupation physique, action qui lui a donné du sens face à « l’inertie de l’Occident », la plonge dans une période de profonde introspection. «Pendant l’occupation, j’avais le sentiment de jouer, de faire au moins le minimum», confie-t-elle. Ce mouvement a rassemblé des personnes très différentes partageant la même colère contre l’injustice et le silence international. Être entouré d’individus qui refusent l’inaction face au génocide m’a donné de l’espoir. Cependant, le retour à la « normalité » a été difficile à vivre durant l’été « d’autant plus que la situation à Gaza s’est aggravée ».

Sentiment d’impuissance

Mais avec la rentrée universitaire et la reprise des actions collectives des étudiants pro-palestiniens, Rym a retrouvé sa motivation. « Ce séjour m’a permis de réfléchir à ce qui a vraiment du sens pour moi et à la façon dont je serai le plus utile », dit-elle avec détermination.

Son engagement envers la Palestine est profond. Personnellement liée à Gaza, elle vit l’angoisse quotidienne de perdre des êtres chers : « Chaque jour, on se demande si on va nous annoncer leur décès… Cet été, j’ai aussi appris le décès d’une amie par ma mère, laissant derrière elle ses enfants. », explique-t-elle, la voix teintée de tristesse. « J’ai l’impression de perdre des êtres chers chaque jour lorsque je vois des cadavres en naviguant sur les réseaux sociaux. Si ce n’est pas nous et non les Palestiniens aujourd’hui, ce n’est qu’une coïncidence… » Ce sentiment d’impuissance la consume. Elle ne comprend pas qu’« une année de génocide n’ait toujours pas déclenché une indignation générale », d’autant que la guerre s’étend désormais à tout le Liban.

Ces événements la confrontent également à des dilemmes complexes, comme celui de devoir « se concentrer sur ses études » alors que des vies sont en jeu et que l’urgence d’agir reste pressante. Elle est convaincue que la lutte contre les systèmes d’oppression fera partie intégrante de sa pratique une fois devenue psychologue. Elle ne peut se limiter à « la simple réparation des vies individuelles blessées par un système injuste ». Il devra intégrer une lecture sociopolitique.

Un projet documentaire

Rym sait que son engagement n’a pas été vain. «Nous avons encouragé l’Université de Lausanne à réagir et ne comptons pas en rester là, car les réponses sont encore insuffisantes.» Par ailleurs, elle nous apprend qu’un projet de documentaire est en cours, tout en restant discrète sur les détails. « Mais tous les militants sont motivés, les projets foisonnent », assure-t-elle.

«Pendant l’occupation, j’avais le sentiment de jouer, de faire au moins le minimum» Rym

Elle est consciente des limites du militantisme. Si l’occupation de Géopolis a permis d’ouvrir le débat sur la Palestine en Suisse et d’inspirer d’autres étudiants à occuper leurs universités, elle reconnaît que cela ne change rien à la réalité quotidienne des Gazaouis : « Quand j’ouvre un journal ou que je regarde les réseaux sociaux , je vois que rien n’a vraiment changé en Palestine. Mais là où je vis, nous avons quand même réussi à progresser, notamment à l’université, et ce n’est pas rien.»

Responsable des relations presse lors de l’occupation du bâtiment, elle a été déçue par la couverture médiatique. « Peu importe ce que nous disions, certains journalistes avaient déjà une idée précise. Très peu d’entre eux se sont réellement intéressés au fond de notre message. Plus les jours passaient, plus les articles perdaient leur sens, détournant l’attention vers des questions superficielles ou des polémiques comme tout ce « faux débat » sur l’antisémitisme.

« Descendant d’un peuple traumatisé »

L’étudiante s’interroge désormais sur la suite de son engagement, hors les murs de l’université. En tant que femme, elle souhaite découvrir comment ses compétences et son identité peuvent être des leviers d’action. « La mobilisation m’a montré que chaque individu apporte quelque chose à la communauté. J’essaie maintenant de comprendre comment contribuer à la société avec mes compétences, tout en restant fidèle à mon identité.

Rym incarne cette nouvelle génération de militants qui refusent l’inaction face à l’injustice. Héritier de ses ancêtres algériens combattant la colonisation, elle ressent un lien fort et intime avec la Palestine et tous les peuples opprimés. « Nous ne pouvons pas porter tous les combats. Je suis sensible à d’autres causes, mais en tant que descendant d’un peuple traumatisé par la colonisation, ce combat me tient davantage à cœur.

Réservée de nature, elle aura été propulsée au premier plan. « Sauf que je n’aime pas me mettre en avant, ni être au centre de l’attention, et cette expérience a renforcé mon choix de rester en retrait », explique-t-elle, même si elle a accepté notre entretien « pour la cause ». « Nous sommes les adultes de demain, et je refuse de participer à un silence collectif. Nous avons la responsabilité de ne pas garder le silence.

Rym ne cache cependant pas sa déception face aux institutions universitaires qu’elle tenait en haute estime et qu’elle accuse de manquer de cohérence entre les valeurs qu’elles prônent et les actions réelles. « Tout au long de notre scolarité, on nous enseigne l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, du colonialisme et on nous apprend ce qu’est la citoyenneté, pour préserver une mémoire collective et nous éduquer à participer à la vie politique. À l’université, on nous apprend à développer un esprit critique, mais lorsque nous appliquons cet apprentissage, nous sommes criminalisés… » C’est cette dissonance qui dérange peut-être le plus le futur psychologue.

 
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