“Cela avait l’air très vieux”, dit l’agriculteur à l’origine de la découverte
Roger Beaudry a trouvé une souche entièrement conservée, vieille de 3775 ans, sur son terrain de Saint-Pie, en Montérégie. Sa découverte pourrait contribuer à réduire les gaz à effet de serre, selon une étude scientifique publiée jeudi dernier.
Tout a commencé avec un projet de revitalisation d’un cours d’eau sur le terrain de M. Beaudry, en Montérégie, en 2013. « Il y a eu des travaux pour enlever les embâcles d’arbres sur le cours d’eau », explique Ghislain Poisson, agronome au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. (MAPAQ).
“M. Beaudry envisageait de se débarrasser du bois en le brûlant. Nous lui avons offert l’opportunité de participer à un projet pilote d’enfouissement dans l’argile, pour éviter qu’elle pourrisse», raconte M. Poisson, qui fait partie des auteurs de l’étude publiée dans la revue Science jeudi dernier.
Cette approche, appelée « voûte bois » (voûte en bois), a été proposée par l’équipe de Ning Zeng, un climatologue de l’Université du Maryland dont M. Poisson avait vu les travaux.
Les arbres de M. Beaudry ont donc été enfouis à différentes profondeurs il y a 11 ans. C’est alors que la mystérieuse souche a été découverte.
“Ça avait l’air très vieux”, a déclaré l’agriculteur, en marge d’une longue journée passée dans ses champs de soja.
J’étais quand même surpris de voir ça. Que la souche ait 3 700 ans, je n’y aurais pas pensé.
Roger Beaudry
M. Poisson a conservé le morceau de bois dans son bureau pendant plusieurs années. Puis, en 2019, des arbres enterrés sur ses terres ont été déterrés et envoyés au Maryland pour analyse. La mystérieuse souche a également été envoyée au laboratoire.
Les résultats ont stupéfié les chercheurs : malgré son âge vénérable, la souche n’avait pas pourri. Il avait perdu moins de 5 % de son carbone initial. Et donc, il n’avait pas émis les gaz à effet de serre (GES) associés à la pourriture. Ni, évidemment, les GES émis lors de la combustion du bois.
« De par son âge, la souche démontrait ainsi le concept de séquestration du carbone », explique M. Poisson.
L’étude de Science estime que cette méthode – enfouir le bois dans l’argile – pourrait éliminer jusqu’à 10 gigatonnes de GES (en équivalent CO) de l’atmosphère2) par an. Le tout à un coût allant de 30 à 100 dollars par tonne, ce qui est compétitif par rapport aux taxes actuelles sur le CO.2. Cela représente plus de 15 % des émissions annuelles mondiales de GES d’origine humaine.
Et le bois ?
Le bois séquestre également le CO2 atmosphérique lorsqu’il est utilisé pour la construction de bâtiments de grande hauteur. Mais Ning Zeng n’a pas pris en compte le bois dans ses calculs. Il admet que son bilan est « maximaliste » (estimation de haut niveau). Et par conséquent, l’approche « coffre-fort en bois » pourrait avoir un impact inférieur à 10 gigatonnes par an.
M. Poisson estime qu’en enfouissant le bois dans de l’argile, on pourrait éviter beaucoup de brûlures.
Tous les matériaux ligneux n’ont pas un potentiel de récupération. Lorsque les producteurs coupent du bois de mauvaise qualité, ils l’entassent dans un sous-bois et il se décompose. Dans le cas contraire, ils demandent un permis de feu ouvert.
Ghislain Poisson, agronome au MAPAQ
L’agronome ajoute que beaucoup de bois pourrit ou est brûlé au Québec. « À proximité de nos cours d’eau, il y a beaucoup de saules et d’érables à Giguère qui n’ont pas vraiment de valeur marchande. Et dans les barrages du Grand Nord, le bois flotté capté par les réservoirs est souvent trop éloigné pour être utilisé par les scieries. »
Selon M. Poisson, il existe beaucoup de sols argileux, composés d’argile, dans la vallée du Saint-Laurent. Le bois n’aurait donc pas besoin de parcourir de longues distances avant d’être enfoui, ajoute-t-il.
Patrick Bonin, responsable climat chez Greenpeace Canada, se montre plus circonspect quant à la découverte de la souche millénaire en Montérégie. « Nous parlons d’une souche au même endroit. Il faudra voir si cela se confirme ailleurs et à plus long terme, et évaluer les coûts de la mise en décharge. Une solution présentée comme miraculeuse ne doit pas nous détourner de la nécessité de réduire les émissions de GES provenant des énergies fossiles. »
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