Pourquoi les ambassades sont-elles, en principe, inviolables ? – rts.ch

Pourquoi les ambassades sont-elles, en principe, inviolables ? – rts.ch
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Même si de rares cas d’intrusion existent, les autorités d’un pays ne peuvent pénétrer sans autorisation dans les ambassades situées sur leur territoire. Quelles règles régissent ces sites diplomatiques et pourquoi sont-ils, en théorie, inviolables ? L’émission Tout un monde s’est penchée sur la question.

Vendredi dernier, la police a fait irruption à l’ambassade du Mexique en Equateur pour arrêter l’ancien vice-président Jorge Glas qui y avait trouvé refuge. L’événement a provoqué une crise diplomatique, le Mexique ayant immédiatement annoncé qu’il rompait ses relations avec le pays sud-américain.

>> Lisez à ce sujet : Le Mexique rompt ses relations diplomatiques avec l’Équateur

Selon le droit international, les autorités d’un pays ne peuvent pénétrer sans autorisation dans les ambassades situées sur leur territoire. L’intrusion de la police équatorienne contrevient ainsi aux Convention de Vienneconclu en 1961, qui réglemente les relations diplomatiques et stipule que les ambassades sont inviolables.

Les autorités équatoriennes affirment que le Mexique s’est immiscé dans les affaires intérieures du pays en accordant l’asile à Jorge Glas, accusé de corruption. Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a pour sa part dénoncé un « acte autoritaire » que « même Pinochet ou d’autres n’avaient pas osé commettre ». Il a annoncé que le Mexique porterait l’affaire devant la Cour internationale de Justice (CIJ).

Des intrusions rares

Les cas d’intrusion restent très rares, mais ne sont pas totalement nouveaux. En 1979 par exemple, des manifestants iraniens ont pris d’assaut la mission américaine à Téhéran et ont retenu en otage une cinquantaine de personnes pendant plus d’un an.

Le pays hôte peut déclarer un membre d’une ambassade persona non grata et lui demander de quitter le pays.

Sylvie Hofer-Carbonnier, chef de section à la Direction du droit international public du DFAE

L’ambassade de Suisse en Haïti a également connu une intrusion, toutefois plus anecdotique : en 2014, un collaborateur a vu arriver des membres des gardes du corps du président haïtien de l’époque, Michel Martelly, lui demandant d’accéder au toit du bâtiment afin d’assurer la sécurité du dirigeant qui se rendait à l’église d’à côté, affirme Sylvie Hofer-Carbonnier, cheffe de section à la Direction du droit international public (DDIP) rattachée au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), dans l’émission Tout un monde.

Leur demande a finalement été acceptée, mais l’ambassade a ensuite réagi en précisant qu’une autorisation, demandée au préalable, était nécessaire pour entrer dans l’enceinte diplomatique, quel qu’en soit le motif, et qu’elle devait être renouvelée. à chaque occasion.

Action limitée des autorités

Si elles disposent de leurs propres règles diplomatiques, les ambassades ne peuvent être considérées comme des morceaux de territoire du pays auquel elles appartiennent, le principe d’extraterritorialité ne s’applique pas. Ils doivent respecter la législation du pays d’accueil. Mais en cas d’incident, le pays d’accueil a besoin de l’accord de l’ambassade pour perquisitionner les lieux.

Cet accord n’est pas toujours donné. En 1984, lors d’une manifestation d’opposants au régime de Mouammar Kadhafi devant l’ambassade de Libye à Londres, des coups de feu furent tirés, tuant une policière. Les autorités ont encerclé pendant plusieurs jours le bâtiment d’où semblaient provenir les tirs, mais le suspect et les diplomates ont finalement pu quitter le Royaume-Uni grâce à leur immunité diplomatique.

Les États sont conscients que le maintien de relations diplomatiques indépendantes est absolument nécessaire pour continuer à fonctionner ensemble.

Sylvie Hofer-Carbonnier, chef de section à la Direction du droit international public du DFAE

Le Parlement britannique a modifié sa législation trois ans plus tard afin de pouvoir lever, dans certains cas, le principe d’inviolabilité des ambassades. Toutefois, Londres n’a pas réellement intérêt à mettre en œuvre ces exceptions, en raison du principe de réciprocité.

Privilèges diplomatiques

L’immunité du personnel diplomatique est également garantie par la Convention de Vienne. Ce privilège accordé aux diplomates vise à les protéger, eux et leurs familles, des menaces ou des pressions, pour leur permettre d’accomplir leur travail en toute indépendance. Mais s’ils sont accusés d’un délit ou d’un crime, l’État hôte peut demander au pays d’origine des diplomates de lever leur immunité.

Le pays hôte peut aussi « demander à l’autre État de rappeler son diplomate. Elle peut aussi déclarer le membre de l’ambassade persona non grata, c’est-à-dire ne plus le reconnaître comme diplomate, et lui demander de quitter le pays», sans être poursuivi, explique Sylvie Hofer-Carbonnier.

Dans certains cas, des accords bilatéraux existent pour empêcher les diplomates d’échapper à la justice en cas d’infractions au code de la route ou d’autres délits.

La tolérance à l’égard de cette immunité a évolué depuis les années 1960. Selon Sylvie Hofer-Carbonnier, il y a aujourd’hui « davantage de questions sur la raison de ces privilèges et immunités ». « Les États sont cependant également conscients qu’il est absolument nécessaire de maintenir des relations diplomatiques aussi indépendantes que possible pour continuer à fonctionner ensemble », note-t-elle.

Des pressions systématisées

Lever ce principe d’immunité comporterait de nombreux risques. Dans certains pays, les intimidations et les pressions contre les diplomates sont de plus en plus fortes, comme en Russie pour les diplomates américains, selon Washington. Le secrétaire d’État John Kerry s’en était déjà plaint auprès de Vladimir Poutine en 2016.

Le fait que les diplomates soient soumis à des pressions est [un phénomène] aussi vieux que le monde

Jean-Maurice Ripert, ancien ambassadeur de France en Russie et en Chine

Pour Jean-Maurice Ripert, auteur du livre « Combat Diplomatie » et ancien ambassadeur de France en Russie et en Chine entre 2013 et 2019, le fait que les diplomates soient soumis à des pressions est un phénomène « vieux comme le temps ». Il reconnaît cependant que cela s’est systématisé ces dernières années en Russie et en Chine. “Il arrivait que je sois convoqué à 23 heures ou qu’un de mes collègues soit convoqué à minuit pour recevoir une leçon de morale diplomatique ou se faire expliquer des choses extrêmement désagréables, afin de déstabiliser l’ambassade”, raconte l’auteur.

« Il existe également des pratiques de surveillance et d’écoute clandestine, que le développement des technologies modernes rend cela plus facile qu’avant. En Chine par exemple, les images disparaissent des téléphones. Et puis il y a le phénomène des salariés locaux [travaillant dans les ambassades étrangères] qui subissent de terribles pressions de la part des services, qui s’approchent parfois d’eux pour demander des nouvelles de leur famille restée dans les villages, constituant une forme de menace s’ils ne trahissent pas un certain nombre de [d’informations]. Tout cela rend la vie assez difficile et rend un peu compliqué le fonctionnement des ambassades », souligne Jean-Maurice Ripert.

Les fermetures d’ambassades dans d’autres régions du monde sont aussi le signe que la situation sécuritaire est critique ou que les relations bilatérales se dégradent sérieusement, à l’image de la France qui, après le putsch au Niger, a fini par fermer début janvier son ambassade au Niger. pays africain, comme cela avait été le cas au Soudan.

Isabelle Cornaz/iar

 
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