Quand la Russie aura-t-elle récupéré toutes les capacités militaires perdues face aux forces ukrainiennes ? Dans cinq à huit ans, comme le martèle Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense ? « Une attaque russe contre un pays de l’Otan serait possible dans les trois à cinq prochaines années », s’inquiétait récemment Troels Lund Poulsen, son homologue danois. Quant aux renseignements norvégiens [Etterretningstjenesten ou E-tjenesten]il estime que les forces russes auront retrouvé leur potentiel au moins trois ans après la fin de la guerre en Ukraine, ce qui est assez vague.
Haut responsable de la diplomatie américaine, Kurt Campbell a défié toutes ces estimations. « Nous avons constaté au cours des derniers mois que la Russie s’est presque complètement reconstituée militairement », a-t-il déclaré le 3 avril lors d’un événement organisé par le Center for a New American Security. Et ce, grâce à la Chine, qui a « contribué à reconstruire la base industrielle de défense russe », via une augmentation significative des échanges commerciaux. Le soutien de l’Iran et de la Corée du Nord y a également contribué.
Pourtant, les annonces faites ce 5 avril par le gouvernement norvégien en matière de défense s’inscrivent dans la durée… En effet, grâce à la publication d’un livre blanc décrivant une « situation sécuritaire durablement dégradée » dans son voisinage immédiat, la Norvège va accroître ses budget militaire à environ 3% de son PIB d’ici 2036, grâce à un investissement supplémentaire de 600 milliards de couronnes [52 milliards d’euros] au cours des douze prochaines années.
“Une défense plus forte ici aura un effet dissuasif contre ceux qui souhaitent menacer notre sécurité et celle de nos alliés”, a justifié Jonas Gahr Støre, le Premier ministre norvégien. “Notre hypothèse de départ est que nous aurons affaire à un voisin plus dangereux et plus imprévisible pendant de nombreuses années”, a-t-il ajouté en faisant référence à la Russie. [qui partage des frontières terreste et maritime avec la Norvège].
Actuellement, le budget des forces norvégiennes s’élève à près de 8 milliards d’euros. Avec les investissements annoncés, son montant atteindra 14 milliards d’euros. Cette augmentation de 83% bénéficiera principalement aux capacités navales et terrestres, même s’il est prévu d’acquérir quatre systèmes de défense aérienne NASAMS supplémentaires.
Il est ainsi question de commander cinq nouvelles frégates, au moins un cinquième sous-marin U212CD et jusqu’à 28 nouveaux navires de types différents. Oslo devra également se doter au plus vite d’hélicoptères spécialisés dans la lutte anti-sous-marine.
Le format des forces terrestres norvégiennes sera considérablement élargi, avec deux brigades supplémentaires [contre une seule actuellement]ce qui impliquera un recours accru à la conscription.
Pour rappel, la Norvège a maintenu le service militaire obligatoire [récemment étendu aux femmes]. Le nombre de conscrits varie en fonction des besoins des forces norvégiennes, ce qui signifie qu’elles retiennent environ 9 000 conscrits par an, sur les 60 000 individus en âge d’être mobilisés.
«Maintenant que les forces armées norvégiennes vont se développer, le gouvernement va augmenter le nombre de conscrits de 50 % dans les années à venir. Les effectifs augmenteront de 4 500 personnes », a annoncé Bjørn Arild Gram, le ministre norvégien de la Défense.
