30 ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, survivants et ex-génocidaires vivent ensemble [2/7] – .

30 ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, survivants et ex-génocidaires vivent ensemble [2/7] – .
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Au Rwanda, le 7 avril 2024 marquera le début des cent jours de commémorations officielles du génocide de 1994 perpétré contre les Tutsi. Comment vivre ensemble ? Trente ans plus tard, un grand nombre de génocidaires ont quitté les prisons et sont retournés dans leurs villages aux côtés des survivants qui ont perdu leurs proches dans les tueries. Au niveau gouvernemental, un ministère de l’Unité nationale a été créé. Sur le terrain, des associations comme l’ONG Interpeace tentent d’aider les villageois à vivre ensemble malgré le traumatisme. C’est notamment le cas dans le district de Bugesera, anciennement Nyamat.

Envoyé spécial au Bugesera,

De retour de son terrain où il cultive des bananes, des haricots et des patates douces, Innocent Gatanazi, 65 ans, nous reçoit dans son salon. Petite salle sobre, presque vide, dans le village de Kabeza. Il a passé 8 ans en prison et a effectué 4 ans de travaux d’intérêt général : « En prison, j’ai fait des cauchemars. Je me suis dit que personne ne me pardonnerait. J’avais peur que les gens que j’avais trahis en tuant leurs proches se vengent et me tuent, dit Innocent Gatanazi, Une fois dehors, même libre, je rêvais de prison. Quand j’ai croisé une survivante, je me suis dit : « Ah non, elle m’a vu, elle pense sûrement à ce que j’ai fait. Mvura Nkuvure m’a aidé. »

Ses voisins savaient qu’il avait tué »

Mvura Nkuvure » : (« Tu prends soin de moi, je prends soin de toi », en kinyarwanda) est un programme développé par leAssociation Interpaix pour les dialogues dans les communautés entre survivants et anciens génocidaires. Innocent nous emmène chez Aurélie Uwimana. Connue pour sa prédication à l’Église, elle a été choisie pour diriger la cellule Musovu.

Lorsque Gatanazi est sorti de prison, c’était comme s’il entrait dans une autre prison. Il vivait en reclus parce que ses voisins savaient qu’il avait tué pendant le génocide. Au début, personne ne pouvait envisager l’avenir. Qu’il s’agisse d’anciens détenus ou de survivants. C’est un long processus, précise Aurélie Uwimana. Les survivants, lorsqu’ils réalisent qu’ils se sentent mieux, demandent aux autres de participer. Ceux qui ont commis le génocide pensent d’abord qu’on les invite à les piéger et à les arrêter à nouveau. Mais eux aussi, une fois qu’ils voient que cela aide, ils en parlent aux autres et nous demandent de créer d’autres groupes. »

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“J’étais rempli de haine”

C’est dans ce contexte qu’Innocent a revu Françoise Mukaremera, agricultrice, également originaire d’un village voisin. Il a tué sa sœur de 5 ans en 1994.«Je me méfiais de tout le monde. J’étais rempli de haine. Je voulais tuer ceux qui avaient tué le mien. Puis j’ai rejoint le groupe Mvura Nkuvure. Quand j’ai vu Gatanazi, j’ai eu très peur. Je pensais qu’il était là pour me tuer, explique Françoise. Après une première séance, une deuxième, une troisième, une quatrième… Je me suis progressivement calmée. (…) Je lui ai demandé « est-ce vrai que tu as tué ma sœur ? Il a dit oui. Il a dit. Il m’a demandé pardon. Après plusieurs rencontres, je lui ai dit que j’y avais réfléchi, que j’avais trouvé un moyen de vivre avec.

Ne pouvant proposer un suivi individuel à chaque citoyen traumatisé, des formes de thérapies de groupe apparaissent comme des options. L’enjeu est de pouvoir le faire à grande échelle car entre 17 000 et 20 000 génocidaires sortiront de prison. Selon les Nations Unies, plus d’un million de personnes – en majorité des Tutsis, mais aussi des Hutus et autres opposants au génocide – ont été systématiquement tuées en moins de trois mois.

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