« Une attaque directe contre l’Iran entraînerait le Hezbollah dans la guerre »

« Une attaque directe contre l’Iran entraînerait le Hezbollah dans la guerre »
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LLes échanges de tirs sont quasi quotidiens entre l’armée israélienne et le Hezbollah, allié du Hamas, depuis le début de la guerre à Gaza. P.Puissant, déterminé, menaçant envers Israël, le Hezbollah libanais n’est cependant pas entré dans la guerre ouverte par l’attentat terroriste du 7 octobre. Même s’il y était prêt.
Auteur de Géopolitique du Hezbollah*grand journaliste à Monde et spécialiste du Moyen-Orient, Christophe Ayad revient sur la vision stratégique et les options militaires des milices libanaises.

Indiquer : Alors que la guerre fait rage entre le Hamas et Israël, le Hezbollah libanais est resté loin derrière et n’a pris aucune initiative militaire. Pour quoi ?

Christophe Ayad : Si le Hezbollah n’a pas choisi de profiter de cette opportunité, c’est parce qu’il a été pris par surprise par l’attaque surprise du 7 octobre. Très semblable d’ailleurs à celle qu’il préparait lui-même contre le nord d’Israël, comme l’atteste leur formation basée sur le franchissement de clôtures, les manœuvres de moto, l’envoi de drones. Ils préparaient une opération offensive et l’avaient fait savoir, pour convaincre Israël qu’ils en étaient capables. Je pense qu’on leur a volé leur idée. Autre point : le très mauvais état du Liban. En cas de guerre, c’est toute son infrastructure qui s’effondrerait et le Hezbollah n’est pas certain de pouvoir y faire face. Finalement, il n’a pas eu le feu vert iranien pour lancer une attaque.

Selon vous, deux hypothèses pourraient conduire le Hezbollah à une guerre « totale » : une attaque d’Israël contre l’Iran, ou une invasion israélienne du Liban…

Rappelons que l’Iran n’est pas le parrain du Hezbollah. C’est son père. Il l’a créé. Une attaque directe contre lui entraînerait le Hezbollah dans la guerre. L’autre hypothèse est celle d’une attaque généralisée contre le Liban, du type de l’opération Paix en Galilée de 1982, ou de la guerre de 2006. Le Hezbollah, qui cherche à dissuader Israëlne pouvait pas le laisser passer, sous peine de perdre toute crédibilité.

Pourquoi évoquez-vous un « jumelage stratégique » entre la Force Al-Quds, l’unité d’élite des Gardiens de la révolution iraniens, et le Hezbollah ?

Les objectifs de la Force Qods, du moins du vivant de son chef Qassem Soleimani, assassiné en 2020, sont identiques à ceux du Hezbollah. Il n’y avait pas la moindre différence entre eux au Yémen, en Irak ou en Syrie. Dans ce dernier pays, c’est sur instructions de l’Iran que le Hezbollah est intervenu au secours de Bachar al-Assad en 2013. En Irak, le Hezbollah a contribué à entraîner militairement les milices qui sont aujourd’hui le relais du pouvoir iranien. Au Yémen, il a littéralement entraîné les Houthis, soutenus logistiquement par l’Iran. Il s’agit d’une collaboration étroite dans toute la région, bien au-delà de ce qui peut arriver entre Israël et le Liban.

La milice du Hezbollah est devenue une armée de haut niveau, dotée d’armes sophistiquées en quantités incroyables dans tous les domaines.

Quelles sont les principales figures de cette relation ?

A l’origine, Qassem Soleimani et le religieux-diplomate Ali Akbar Mohtashamipur, ancien ambassadeur d’Iran en Syrie, tous deux portés disparus. Et du côté du Hezbollah, les figures de proue sont Hassan Nasrallah, en relation personnelle très forte avec le guide suprême iranien Ali Khamenei, Naïm Kassem, présent en Iran depuis 1979. Et, bien sûr, le chef des opérations extérieures Imad Moughniyah, assassiné. à Damas en 2008. Il est notamment responsable des attentats commis pour le compte de l’Iran contre des marines américains et des soldats français au bâtiment du Drakkar en 1983.

Dans votre ouvrage, vous décrivez l’énormité de l’arsenal du Hezbollah, diversifié et abondant. Comment expliquer une telle accumulation ?

Cela fait près de deux décennies depuis la guerre de 2006 que le Hezbollah s’est doté d’armes de tous types. Ils transitent par voie maritime ou terrestre par le nord de l’Irak et la Syrie, grâce à une liaison entre l’Iran et la plaine de la Bekaa au Liban, établie lors de la guerre contre Daesh. Cet arsenal est le fruit d’une accumulation patiente, tenace, constante et sans faille. Roquettes, missiles de tous types, drones et équipements de toutes sortes remplissent d’innombrables entrepôts. Il semble que le nombre de roquettes et de missiles dont dispose le Hezbollah, estimé à 15 000 en 2006, soit passé à 150 000. Cette milice est devenue une armée de haut niveau, dotée d’armes sophistiquées en quantités incroyables dans tous les pays. zones (terrestre, aérienne, maritime) et une logistique adaptée. Le territoire syrien est exploité : il fait partie de la profondeur stratégique du Hezbollah.

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Enlèvements, attentats : le Hezbollah s’est révélé par le passé maître des stratégies indirectes. Quoi de neuf aujourd’hui ?

Cela n’a pas changé. Mais d’une certaine manière, le Hezbollah est devenu trop important pour mener ce type d’opérations. C’est une armée, dont les préoccupations essentielles concernent la gestion des forces, des hommes, des équipements, des établissements. Il existe une force fantôme, parfois active en Asie du Sud et surtout en Amérique latine. Les réseaux de soutien financier du Hezbollah sont très entreprenants et les services de renseignement américains s’y intéressent particulièrement. Le très bon documentaire de Jérôme Fritel et Sofia Amara, Hezbollah, l’enquête interdite, démantèle les rouages ​​de ce financement clandestin, notamment à travers les réseaux de trafic de drogue. Le Hezbollah est présent aux États-Unis, où il se garde bien d’entrer dans une confrontation ouverte.

Vous décrivez le Hezbollah comme « un cas unique au monde de parti milicien aux ramifications terroristes ». Faut-il craindre d’éventuelles initiatives en Europe ?

Ses activités sont suivies de près en Europe, où la surveillance s’est renforcée. Le réseau existe, mais quel est son objectif stratégique ? Il ne s’agit pas uniquement de pouvoir faire exploser des bombes dans les capitales occidentales, il faut aussi savoir quand et pourquoi… Mais on peut imaginer que ces réseaux seront activés un jour, dans un avenir plus ou moins proche. Avec une présidence américaine plus agressive, voire avec des Européens plus disposés à se débarrasser de la menace iranienne, les choses pourraient changer. Le Hezbollah n’a pas particulièrement réagi lorsqu’Emmanuel Macron a déclaré à son sujet à Beyrouth qu'”il ne peut pas être à la fois une armée en guerre contre Israël, une milice déchaînée contre les civils en Syrie et un parti respectable au Liban”. La situation pourrait changer en cas d’attaque de l’Iran.

* Géopolitique du Hezbollah, de Christophe Ayad, éd. PUF, 205 pages, 15 €.

 
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