Une autre histoire d’enfants et d’écrans

Une autre histoire d’enfants et d’écrans
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J’ai reçu un déluge de témoignages suite à ma chronique du dimanche sur le mur des études scientifiques qui montrent que grandir sur des écrans est loin d’être sain.1.


Publié à 02h41

Mis à jour à 5h00

Je faisais écho à un merveilleux article dans le magazine L’Atlantique où Jonathan Haidt a dévoilé en avant-première son livre sur le recalibrage du cerveau des jeunes qui n’ont pas connu l’enfance sans internet mobile2.

À l’appui d’études et de statistiques, Haidt montre qu’à la fin des années 2000 et au début des années 2010, avec l’essor du smartphone – y compris dans la vie des mineurs – on a accéléré des changements radicaux dans la manière de vivre l’enfance.

Des études supplémentaires seront nécessaires. Mais chez les jeunes, des troubles anxieux à l’automutilation en passant par le suicide, tous ces indicateurs sont en hausse aux Etats-Unis.3 et ailleurs, avec l’omniprésence des écrans.

Ce qui inquiète les experts, c’est que le temps passé en ligne a entraîné une réduction du temps passé dans la vie réelle, en face à face, qui a fortement diminué chez les jeunes. Cependant, la réalité a toujours donné aux petits humains des outils qui guident leur développement et leur bien-être.

Arrêtez-vous à ce temps passé en 3D avec d’autres humains et vous jouez avec des circuits neuronaux façonnés par des milliers d’années d’évolution.

Je cite Jonathan Haidt sur la façon dont les écrans et les réseaux sociaux sont devenus ancrés dans la vie des enfants occidentaux il y a environ 15 ans : « Nous n’avions aucune idée de ce que nous faisions. »

Véronique est enseignante dans la grande région de Montréal. Elle a demandé l’anonymat pour s’exprimer librement et ne pas attirer l’attention sur sa classe.

Récemment, elle a dû intervenir auprès des parents pour leur demander de réfléchir à l’impact de TikTok et Snapchat dans la vie de leurs enfants… et de sa classe.

L’enseignante a raconté aux parents à quel point le monde virtuel débordait dans sa classe. Elle leur a dit que sur ces plateformes, des photos circulent, des insultes, des commentaires cinglants. Derrière leur écran, Véronique explique aux parents, les enfants ne réfléchissent pas. Ils disent des choses qu’ils ne diraient pas en 3D.

Toutes ces frustrations virtuelles débordent à l’école, où les disputes éclatent dans la réalité : « Cela nuit à l’estime de soi des enfants, m’a dit l’enseignante, certains sont très blessés, il y a des commentaires sur leur apparence, des menaces, des insultes. »

Un reportage photo sur TikTok a créé une sorte de crise parmi les élèves de la classe. Certains ont passé une heure dans le bureau du technicien d’éducation spécialisée pour discuter et démêler les chicanes créées dans le numérique qui perduraient à l’école.

L’enseignant : « Leur groupe TikTok est un espace où sont tenus des commentaires irrespectueux. Ils ont entre les mains un outil qui dépasse leur capacité de jugement. Les enfants sont impulsifs par nature. Ils se retrouvent à envoyer des messages sans réfléchir, des messages dont ils n’apprécient pas la signification. »

J’ai oublié un détail : on parle ici d’élèves de 5e année, donc… 10, 11 ans.

La communication de Véronique avec les parents a porté ses fruits. Une discussion a commencé. Les parents ont témoigné de l’impact des écrans et des mondes virtuels sur l’humeur de leurs enfants.

Un parent a déclaré avoir ressenti un sentiment dans son âme d’enfant depuis qu’il a été autorisé à aller sur TikTok, à faire partie de la vie virtuelle de ses camarades de classe. D’enfant heureux, il était devenu triste. Le parent a donc ouvert le compte de son enfant pour voir ce qui se passait…

Et il a fait des découvertes effrayantes : langage vulgaire, propos dégradants. Les enfants que ce parent connaissait, très respectueux dans la vraie vie, disaient des choses qu’ils n’auraient jamais dites en personne, face à face.

Le parent a décidé de fermer le compte TikTok de son enfant. Résultat : il a confié à Véronique qu’il avait retrouvé son enfant d’avant les réseaux sociaux.

Un autre parent a également coupé le TikTok de son enfant, devenu anxieux à cause de ce qu’il vivait dans le monde virtuel. Aujourd’hui, dit Véronique, cet enfant va mieux.

Au Québec, l’âge légal pour utiliser TikTok est de 14 ans, il est de 13 ans pour Snapchat.

Plusieurs parents m’ont écrit pour me parler de l’impact des réseaux sociaux sur leurs enfants, sur leurs adolescents. Nous sommes au début d’un mouvement visant à réveiller les effets sur l’humeur et le développement émotionnel et social des jeunes pour qui les écrans et les réseaux sociaux ont toujours fait partie de leur vie.4.

Au printemps 2023, le directeur du service de santé publique des États-Unis (Chirurgien général) a lancé une mise en garde sur l’effet des écrans sur les jeunes cerveaux5. Citant les taux croissants de dépression et d’anxiété chez les adolescents, Vivek H. Murthy a déclaré : « Il n’est plus possible d’ignorer la contribution potentielle des médias sociaux à la douleur ressentie par des millions d’enfants et leurs familles.6. »

Le directeur du Public Health Service des États-Unis constate que 40 % des Américains âgés de 8 à 12 ans utilisent encore les réseaux sociaux, même si l’âge minimum pour s’inscrire est généralement de 13 ans.

Pour M. Murthy, l’âge minimum de 13 ans pour pouvoir s’inscrire sur un réseau social est bien trop bas.

Il n’est pas le seul, j’y reviendrai bientôt.

1. Lire la chronique « Nos enfants, le téléphone et le virtuel »

2. Lisez l’article de L’Atlantique (En anglais)

3. Lisez un article de New York Times (En anglais)

4. Lisez « Protection de l’enfance : Mark Zuckerberg s’excuse auprès du Sénat américain »

5. Lisez l’avertissement du directeur du service de santé publique des États-Unis (en anglais)

6. Lisez un article de Washington Post (En anglais)

 
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