« Si vous vous sentez malade, portez un masque», précise une affiche à l’entrée des urgences du CHU de Nantes, plutôt calme en cet après-midi glacial. Depuis le 6 janvier, l’établissement a activé son plan blanc pour faire face à l’épidémie de grippe qui encombrait les urgences. «C’est plus intense que l’année dernière mais pas plus virulent qu’il y a deux ans», commente le professeur David Boutoille, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Nantes, ajoutant que les patients les plus touchés sont principalement les personnes âgées souffrant de problèmes de santé (diabète déséquilibré, obésité, insuffisance cardiaque, pathologie pulmonaire, etc.).
Le plan blanc permet d’activer trois mesures : ouverture de lits en aval des urgences, coopération avec les soins de suite du territoire pour répartir les sorties du CHU et déprogrammation des interventions chirurgicales non urgentes. “On parle d’opérations dont le report n’a aucun impact sur la santé”, précise David Boutoille. Ce sont les chirurgiens qui, service par service, révisent leur programme opératoire. Les interventions vitales (cancer, greffes…) sont maintenues et les reports concernent par exemple la chirurgie bariatrique (anneau gastrique), l’ophtalmologie ou la pose de prothèses articulaires non urgentes.
81 opérations reportées
La première semaine du plan blanc, 24 lits ont été ouverts sur les deux sites hospitaliers (14 en centre-ville et 10 au nord de Nantes) et 65 opérations ont été reportées. La semaine suivante, 16 interventions ont été annulées mais cette semaine, aucune. Seuls 8 lits restent ouverts sur le site hospitalier Nord. « Nous avons dépassé le pic épidémique, la situation s’est améliorée, note Ségolène Lebreton, directrice de la plateforme qui supervise la gestion des urgences. Mais la grippe circule encore beaucoup, il faut donc rester prudent. »
Ces mesures ont en tout cas permis, aux yeux de la direction, de «déboucher les urgences » et réduire la durée des soins aux patients de quinze à huit heures. Depuis le 13 janvier, l’agence régionale de santé (ARS) a également instauré la régulation de l’accès aux urgences la nuit, entre 20 heures et 8 heures, dans tout le département. «Les trois premières nuits se sont bien passées. salue le directeur de la plateforme. Sur les 96 patients ayant demandé l’accès aux urgences via la 15, renforcée pour l’occasion, 56 y sont entrés, 14 ont reçu un avis médical et 26 ont été pris en charge par la médecine de ville.
« Une simple variable d’ajustement » ?
Le recours au plan blanc ne devrait-il pas être réservé à des circonstances exceptionnelles, comme un grave accident de la route, un attentat ou une crise sanitaire ? “Ces plans blancs ne doivent pas se banaliser et devenir une simple variable d’ajustement”, prévient Olivier Terrien, secrétaire général de la CGT au CHU de Nantes, qui souligne que, pendant cette période, les agents sont amenés à effectuer des heures supplémentaires et à réduire leurs repos ou congés pour prodiguer des soins.
-« Aucune leçon n’a été tirée vous Covidse lamente-t-il. On a continué à fermer des lits et des professionnels ont déserté la profession. Résultat : on risque de déclencher chaque année un plan blanc à la moindre épidémie hivernale, faute de personnel… »
Faible couverture vaccinale
L’hôpital subit un effet de ciseaux en raison de longues années de fermetures de lits et d’une démographie médicale au plus bas, privant de plus en plus de patients d’un médecin traitant. «Mais la prise de conscience est là et de nouveaux lits vont être ouverts pour faire face au vieillissement et à l’augmentation de la population de notre territoire »assures Professor Boutoille.
Une autre nécessité selon lui est d’augmenter la couverture vaccinale des plus vulnérables et de leur entourage pour créer un « effet cocon ». Mais cette année, seul un tiers des personnes ciblées ont franchi le pas. «J’ai des patients qui sont morts de la grippe alors qu’ils étaient très fragiles, mais ils ont préféré ne pas se faire vaccineril regrette. Nous payons très cher la désinformation sur les réseaux sociaux… »