Et si l’endométriose pouvait être détectée… dans les selles ? C’est l’indice que vient de révéler une équipe de scientifiques américains, après avoir analysé des échantillons fécaux de plusieurs femmes atteintes d’endométriose.[1]. Il s’est avéré que contrairement aux autres, ils présentaient une « signature intestinale » commune révélant une faible présence de métabolites 4-hydroxyindole, molécules issues des bactéries intestinales.
Un constat encourageant pour faciliter la détection de la maladie : “Nos résultats sont les premiers à apporter une signature distincte des métabolites fécaux chez les femmes atteintes d’endométriose, qui pourrait servir de diagnostic non invasif basé sur les selles”, se félicitent les auteurs de l’étude. . Par ailleurs, la molécule 4-hydroxyindole en question pourrait ouvrir une nouvelle dimension thérapeutique pour le traitement de l’endométriose. Il est en effet identifié comme protecteur contre la maladie et son évolution. Bien que prometteurs, ces premiers résultats nécessitent des investigations plus approfondies pour mesurer plus précisément leur impact. Des travaux antérieurs avaient déjà montré un lien entre altération du microbiote intestinal et endométriose, même si les contours de cette corrélation ne sont pas encore bien compris.
Maladie complexe, l’endométriose se caractérise par la présence anormale de cellules endométriales (tissu tapissant l’utérus) à l’extérieur de la cavité utérine. Ces lésions peuvent toucher l’utérus, l’abdomen, les ovaires, mais aussi la vessie et le rectum, voire, dans les cas les plus étendus, le diaphragme, les poumons, le foie, ou encore les intestins.
Un test salivaire déjà utilisé en Suisse
Le fardeau financier de l’endométriose
Un rapport complet du McKinsey Health Institute[2] a examiné l’impact de la santé des femmes sur l’économie globale. Le constat est clair : les disparités en matière de santé des femmes affectent non seulement leur propre qualité de vie, mais aussi leur capacité à travailler pour subvenir aux besoins de leur famille et, plus largement, leur participation économique à la société. L’endométriose, qui touche 10 % des femmes en âge de procréer[3]et la ménopause ont donc un impact considérable. Leurs symptômes, qui altèrent la vie personnelle, ont également des conséquences dans le cadre professionnel en provoquant absentéisme et perte de productivité.[4].
Dans cette même volonté de développer des tests de diagnostic non invasifs de l’endométriose, un appareil basé sur la salive est déjà disponible depuis 2023. Mettant en avant la présence de micro-ARN spécifiques à la maladie, ces tests, dont la fiabilité dépasse les 95 %, permettent confirmer un diagnostic chez des femmes présentant des symptômes importants, mais dont les résultats d’imagerie (échographie et IRM pelvienne) n’ont pas été concluants. Face à un test salivaire positif, une évaluation clinique spécialisée reste nécessaire pour proposer des options de traitement à la patiente, prenant en compte par exemple si elle souhaite ou non tomber enceinte.
«L’endométriose est une maladie très hétérogène dans sa localisation, ses symptômes, son évolution et sa réponse aux traitements», explique le Dr Nicola Pluchino, chef de l’unité de médecine de la fertilité et d’endocrinologie gynécologique au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Ces tests non invasifs ont, plus largement, l’ambition de devenir des outils permettant d’identifier des « profils » de patients, pour des soins plus ciblés, comme c’est le cas dans le domaine oncologique par exemple.
Un diagnostic encore trop tard
Identifier précocement l’endométriose permet non seulement de proposer un traitement adapté aux symptômes qu’elle provoque, mais également de ralentir l’évolution de la maladie. Pour rappel, celle-ci est présente chez 30 % des patientes présentant un trouble de la fertilité.[5]. Cependant, de nombreuses femmes sont encore confrontées à l’errance médicale. Une étude néerlandaise révèle un retard moyen de 7,4 ans[6] entre l’apparition des symptômes et le diagnostic. « Ce temps de latence important a plusieurs explications : des manifestations qui ne sont pas toujours spécifiques, des symptômes intimes souvent négligés par l’entourage ou les médecins, mais aussi une maladie qui, touchant uniquement les femmes, ne bénéficie pas de fonds suffisants alloués à sa recherche… » constate amèrement le Dr Pluchino.
Bien que considérée comme bénigne, l’endométriose est une maladie gynécologique chronique dont les répercussions touchent toutes les sphères de la vie : reproductive et sexuelle, mais aussi sociale, amoureuse, professionnelle et financière.
Vers des soins personnalisés
Intensité des douleurs, localisation des lésions, symptômes : les différents aspects de l’endométriose peuvent varier d’une femme à l’autre. «De plus, il existe une faible corrélation entre l’étendue de la maladie et les symptômes associés», note le Dr Nicola Pluchino, chef de l’unité de médecine de la fertilité et d’endocrinologie gynécologique au CHUV. Une femme atteinte d’une maladie bénigne peut ressentir une douleur chronique très intense et, à l’inverse, une patiente présentant un stade avancé de la maladie peut présenter peu de symptômes. D’où l’importance d’un accompagnement personnalisé. Cela peut s’appuyer sur différentes approches :
- Médicaments : leur objectif premier est de soulager la douleur, voire de ralentir la progression de la maladie. Cela peut inclure un traitement hormonal ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
- En chirurgie : elle consiste à retirer les tissus affectés entourant les organes. Il est recommandé de contacter des centres d’expertise pour ces interventions délicates.
- Médicaments complémentaires : L’acupuncture, la physiothérapie, le régime anti-inflammatoire, l’ostéopathie, la méditation ou encore l’hypnose sont parfois utilisés dans les troubles gynécologiques pour soulager les douleurs chroniques, en association avec des traitements médicamenteux.
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-Published in Le Matin Dimanche on 12/22/2024
[1] Talwar C. et coll. Identification de métabolites distincts dans les selles chez les femmes atteintes d’endométriose pour un diagnostic non invasif et un potentiel de thérapies basées sur le microbiote. Méd. 3 octobre 2024 : S2666-6340(24)00373-8.
[2] Combler l’écart en matière de santé des femmes : une opportunité de 1 000 milliards de dollars pour améliorer la vie et l’économie
17 janvier 2024 | Rapport
[3] Source : Organisation mondiale de la santé
[4] Kelechi E. Nnoaham et al., Impact de l’endométriose sur la qualité de vie et la productivité du travail : une étude multicentrique dans dix pays. Fertilité et stérilité. Août 2011, volume 96, numéro 2.
[5] Source : CHUV
[6] Acier AHJ, M. van der Zanden, AW Sieste ; Retard diagnostique de l’endométriose aux Pays-Bas. Gynecol Obstet Invest 6 juillet 2016 ; 81 (4) : 321-324