Le retour du scorbut dans les pays riches – Counter Attack

Le retour du scorbut dans les pays riches – Counter Attack
Le retour du scorbut dans les pays riches – Counter Attack

Chronique du capitalisme dans sa phase terminale


Le scorbut est cette maladie effrayante qui provoque des saignements et des chutes de dents, qui provoque une fatigue extrême, des douleurs et des bleus voire des troubles de la cicatrisation et qui peut entraîner la mort.

Cela nous rappelle une époque révolue : c’était la maladie des marins qui partaient en mer plusieurs mois sans produits frais. C’est aussi le mal qui a frappé les travailleurs les plus misérables pendant la révolution industrielle. Une période d’exploitation presque inégalée dans l’histoire de l’humanité, qui consistait à faire travailler douze heures par jour des prolétaires pour un salaire misérable, entassés dans de grands centres urbains insalubres et sous-alimentés.

Cette maladie est provoquée par l’absence prolongée de consommation de Vitamine C, donc de fruits et légumes frais. C’est un signe alarmant de malnutrition, qui avait disparu depuis le milieu du XXe siècle dans les pays occidentaux. Ces dernières années, le scorbut a fait son grand retour dans les pays dits « développés ».

C’est le cas en . Un pédiatre parisien, le professeur Ulrich Meinzer, a constaté une forte augmentation des cas chez les enfants alors même que la maladie avait « complètement disparu » de France. “Notre étude révèle une augmentation des hospitalisations après le début de la pandémie de Covid-19”, explique-t-il sur RTL. L’étude a identifié un total de 888 patients atteints du scorbut hospitalisés entre le 1er janvier 2015 et le 31 novembre 2023, en forte augmentation depuis 2020, et avec un âge moyen des patients de 11 ans.

Ce retour très symbolique d’une maladie quasiment oubliée depuis un siècle n’est pas spécifique à la France. En novembre 2021, la presse anglaise annonçait déjà le retour du scorbut outre-Manche. Le Guardian, grand quotidien britannique, a pointé la responsabilité des conservateurs au pouvoir depuis près de quinze ans, qui ont procédé à des coupes budgétaires dans l’aide sociale et la santé, alors que le coût de la vie augmentait.

Dans le Times, des professionnels de santé alertent sur le retour de « maladies de l’ère victorienne », comme le rachitisme qui affecte le développement des os et qui indique aussi une malnutrition sévère, voire la gale. 10 000 Britanniques ont été hospitalisés pour malnutrition en 2021, un chiffre quatre fois supérieur à celui mesuré 12 ans plus tôt. Selon le journal, une personne sur six au Royaume-Uni était « dans une pauvreté relative » en 2021-2022.

Comme souvent, les États-Unis sont pionniers en matière de précarité. Dès 2018, des médecins déclaraient à la presse que le premier cas de scorbut avait été mesuré chez eux cinq ou six ans plus tôt. « Ce premier cas […] C’était pour le moins impressionnant », a rappelé le docteur Eric Churchill dans une revue scientifique. « La personne ne mangeait que du fromage et du pain. Depuis, nous avons diagnostiqué entre 20 et 30 cas », rien que dans son hôpital, a-t-il déclaré.

En février dernier, aux Etats-Unis, le PDG de Kellogg’s conseillait à la télévision aux familles américaines de manger des « céréales pour le dîner » si elles veulent manger à moindre coût, dans un contexte d’inflation alimentaire. Les communicants de la marque avaient lancé une campagne incitant les consommateurs à manger des « céréales pour le dîner », capitalisant sur l’impossibilité de manger sainement pour une partie de plus en plus importante de la population. Kellogg’s conseille donc de remplacer un repas équilibré par des céréales ultra-transformées, riches en sucres et en pesticides.

Pour éviter le scorbut, il faut ingérer moins de 10 mg de vitamine C par jour pendant un à trois mois. Une orange en contient 80 à 100. Les marins avaient aussi compris qu’il suffisait d’emporter à bord des agrumes, éventuellement mélangés à de l’alcool – ce qui a donné naissance au punch – pour éviter ce « fléau marin ». La vitamine C est également présente dans les pommes de terre, les agrumes, les épinards, etc. Découvrir le scorbut au XXIe siècle est donc une anomalie historique, et le signal qu’une alimentation est devenue profondément toxique pour les personnes les plus précaires, qui n’ont plus accès à des produits frais. produire. En réalité, qui peut s’offrir les fameux « 5 fruits et légumes du jour » recommandés par les nutritionnistes ?

Aux États-Unis, les autorités estiment à 10 % la proportion de la population confrontée à l’insécurité alimentaire. En France en 2023, plus d’un habitant sur deux sautait au moins un repas par jour et 9,3 millions vivaient sous le seuil de pauvreté. L’aide alimentaire en France concerne 7 millions de personnes et les Restos du Cœur ont annoncé être en sérieuse difficulté face à l’afflux de personnes dans le besoin il y a quelques mois.

Alors que l’humanité n’a jamais produit autant de richesses et que le nombre de milliardaires explose, il s’avère que, même dans les pays riches, une part croissante de la population n’a pas accès à une quantité et une qualité suffisantes. assez de nourriture pour vivre correctement.

Autre paramètre de cet effondrement : les fruits et légumes eux-mêmes sont de moins en moins sains. Outre les pesticides et les OGM, il a été prouvé qu’une pomme ou une tomate sélectionnées par l’agro-industrie et cultivées de manière intensive contiennent bien moins de nutriments que les variétés consommées il y a 50 ou 100 ans. Il faudrait manger deux ou trois fois plus pour obtenir la même quantité de vitamines. Paradoxalement, notre alimentation est à la fois de plus en plus calorique tout en étant vide de nutriments.

Pour se maintenir, les capitalistes ont vendu le mythe du « progrès » sans fin, qui serait garanti par la croissance économique. Cependant, notre époque est bel et bien celle d’un déclin généralisé. Aux États-Unis, l’espérance de vie diminue déjà, tout comme en Angleterre. En France, l’espérance de vie en bonne santé diminue. Rien n’indique que les générations nées depuis les années 1980 vivront plus longtemps que celles du baby-boom, qui ont mangé « bio » durant toute leur jeunesse – les pesticides étaient encore très peu utilisés – qui ont bénéficié du maximum de l’État social et qui vivent donc plus longtemps que les générations précédentes. les précédents.

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