La maladie d’Alzheimer représente 70 % des maladies neurodégénératives. Cette pathologie complexe se caractérise par une évolution lente mais progressive des facultés cognitives (mémoire, langage, raisonnement, attention), réduisant progressivement l’autonomie des sujets atteints. Si son origine est multifactorielle, les chercheurs estiment qu’un cas sur trois pourrait être évité grâce à l’adoption d’un meilleur mode de vie. En France, un million de personnes sont concernées, principalement des femmes. Et, avec le vieillissement de la population, on anticipe un triplement du nombre de cas d’ici 2050. Il est donc urgent de faire progresser la recherche. D’autant que les seuls médicaments disponibles à ce jour ne guérissent pas la maladie mais ralentissent les symptômes, avec peu d’amélioration de l’état du patient.
L’arrivée sur le marché de molécules à vocation curative marque donc un tournant. Le 14 novembre, l’Agence européenne des médicaments a autorisé la commercialisation du lécanemab (Leqembi), du laboratoire japonais Eisai et du fabricant américain Biogen. Il n’est pas encore distribué en France, mais Eisai va déposer une demande d’accès anticipé afin que les patients puissent en bénéficier le - que la Haute autorité de santé rende son avis sur sa commercialisation. La molécule peut alors être prescrite par des spécialistes, notamment des neurologues, dans des centres et services adaptés.
La pathologie se manifeste par l’accumulation autour des neurones de plaques constituées de protéines anormales, bêta-amyloïde et tau, qui altèrent la connexion entre les cellules neuronales, entraînant leur mort. « Le traitement utilise l’immunothérapie : un anticorps monoclonal, fabriqué par génie génétique, qui cible les plaques amyloïdes comme un missile balistique et les détruit. L’objectif est d’arrêter le processus évolutif de la maladie pour permettre au patient de retrouver une qualité de vie acceptable », explique le Dr Riadh Caïd-Essebsi, président du conseil médical de l’Hôpital américain de Paris.
« L’objectif est d’arrêter la progression de la maladie pour redonner au patient une qualité de vie acceptable »
Un accès aux soins très contrôlé
La suite après cette annonce
Administré par voie intraveineuse toutes les deux semaines, le lécanemab réduit la charge amyloïde de 70 %. Exposant des risques d’œdème cérébral et d’hémorragie pouvant être fatals, il est réservé à des patients sélectionnés ne possédant pas, ou une seule copie, du variant génétique ApoE4, connu pour favoriser les effets secondaires. Ce risque est malheureusement courant puisque seulement 5 à 15 % des patients sont éligibles au traitement. Ces derniers doivent subir une imagerie par résonance magnétique avant de débuter Leqembi, ainsi qu’avant de prendre les 5ème, 7ème et 14ème doses, et à tout moment en cas de symptôme alarmant pour permettre une détection précoce d’une lésion.
D’autres molécules dans le futur
Avec un mode d’action similaire, le donanemab (Kisunla) est attendu pour 2025. Le laboratoire américain Eli Lilly, qui le fabrique, annonce des résultats supérieurs au Leqembi. « Nous entrons dans une nouvelle ère pharmacologique avec des traitements encore imparfaits mais permettant d’offrir une solution aux patients qui sont au début de leur maladie. Cependant, ces immunothérapies sont coûteuses. A voir si l’entreprise est prête à prendre en charge le coût de ce traitement, qui s’élève à 26 000 euros par an ! » indique le Dr Caïd-Essebi. Mais la recherche avance rapidement. Des molécules ciblant la protéine tau sont étudiées. Tout comme les médicaments anti-obésité, qui préviennent la sénescence cérébrale en agissant sur l’inflammation. À l’avenir, la solution passera sans aucun doute par une combinaison de traitements.
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