Après une première partie d’une étude de cas sur « la santé et le changement climatique », nous présentons ci-dessous la résolution de l’affaire et expliquons pourquoi elle est liée à ce thème.
Les premiers symptômes du patient, en particulier la diarrhée postprandiale, semblent indiquer que l’atteinte débute dans les mastocytes du tube digestif. L’aggravation progressive des symptômes peut être due à une sensibilisation provoquée par une exposition répétée à l’allergène. Il est possible qu’un événement particulier ait déclenché une nouvelle allergie. Les sources les plus courantes chez l’adulte sont le poisson, les crustacés et les noix.
En revanche, chez les patients atteints de mastocytose systémique, la libération de médiateurs par les mastocytes peut être déclenchée par de nombreuses causes, telles que les médicaments, le stress, l’exercice ou les procédures médicales. La numération sanguine de ce patient et l’absence d’hépatomégalie et de splénomégalie ne confirment pas ce diagnostic mais ne l’excluent pas non plus.
Nous avons confirmé la présence d’une mastocytose médiée par les immunoglobulines E (IgE). La réapparition des symptômes au quatrième jour suggère une réexposition au même facteur déclenchant. En interrogeant à nouveau le patient, il se souvient avoir mangé de la viande rouge le quatrième jour de son hospitalisation, ce qui coïncide avec l’aggravation, alors qu’il n’avait jamais eu de problèmes avec la viande auparavant. Il affirme être chasseur de cerf et avoir mangé du cerf deux jours avant de se rendre aux urgences.
Le tableau est très évocateur d’une allergie à l’alpha-galactose ou à la viande rouge (syndrome alpha-gal). C’est un glucide présent chez tous les mammifères non primates. Les humains peuvent développer des anticorps IgE en réponse à une exposition à cette substance via la consommation de viande rouge et développer une nouvelle allergie. Ce syndrome se caractérise souvent par l’apparition tardive des symptômes (environ 3 à 8 heures après l’ingestion), contrairement aux autres allergies alimentaires qui se manifestent rapidement. Dans un pourcentage très élevé de cas, il en résulte une réaction anaphylactique.
Le vecteur d’exposition le plus courant en Europe est la tique Ixodes ricinusOn le trouve le plus souvent dans les zones boisées ou dans les zones où abondent les arbustes et les hautes herbes. La salive de cette tique peut contenir de l’alpha-galactose provenant des animaux dont elle s’est nourrie, notamment les cerfs. C’est pourquoi le syndrome alpha-gal est plus fréquent chez les personnes vivant dans les zones rurales, les chasseurs, les gardes forestiers, les éleveurs ou les vétérinaires.
Le syndrome alpha-gal a été décrit à l’origine dans le sud, l’est et le centre des États-Unis, en Australie et dans certaines parties de l’Europe et de l’Asie, mais il s’est répandu ces dernières années, avec des cas signalés en France, en Italie et en Espagne. Cette expansion est attribuée aux effets du changement climatique, avec une augmentation des températures et des changements dans les précipitations, les habitats et les types de mammifères hôtes.
Le patient est sorti de l’hôpital avec un traitement à doses décroissantes de corticostéroïdes et d’antihistaminiques, ainsi qu’une recommandation d’éviter la viande rouge. Quinze mois plus tard, il passe un examen de contrôle et subit des tests d’allergie. Ses taux de tryptase et d’IgE à l’alpha-galactose étaient normaux. Il n’a eu aucun nouvel épisode d’anaphylaxie.
Ce cas illustre à quel point les maladies auxquelles un patient est exposé, et qui devraient être incluses dans son diagnostic différentiel, sont influencées par le changement climatique. Dans les années à venir, notamment en Europe, il faudra être attentif à détecter ces changements car, dans de nombreux cas, il s’agira de pathologies que nous n’avions pas l’habitude de considérer.
Cette étude de cas a été initialement publiée sur Univadis.es.
