Quelles sont les caractéristiques des gliomes mutants IDH de haut grade en rechute ?
Les tumeurs du système nerveux central (SNC) sont rares : environ 2 000 nouveaux cas par an en France ; les gliomes, qui se développent à partir de cellules gliales, constituent la majorité. Au sein de ces gliomes, deux grands groupes peuvent être distingués selon le statut mutationnel de la protéine IDH, impliquée dans le métabolisme cellulaire.
Les gliomes « mutants IDH », objet de notre étude, sont souvent diagnostiqués chez des patients âgés de 25 à 50 ans. Ces tumeurs ont un meilleur pronostic et répondent mieux aux premiers traitements, généralement chirurgicaux suivis de radiochimiothérapie. Cependant, ces patients souffrent de symptômes graves et de séquelles importantes : crises d’épilepsie, handicap moteur, perte visuelle, troubles du langage ou de la cognition, souvent irréversibles en raison de la localisation de la tumeur et de l’œdème. qui l’entoure. Les traitements permettent, au mieux, de stabiliser ces signes.
La rémission après traitement peut durer plusieurs années, mais les patients finissent toujours par rechuter. En cas de rechute, il n’existe pas de traitement standard : lorsque la chirurgie ou une nouvelle irradiation n’est plus possible, les options thérapeutiques sont limitées. Nous recourons donc aux essais cliniques. Dans ce contexte, nous avons conçu et réalisé REVOLUMAB, un essai destiné aux patients atteints de gliome « mutant IDH » de grade 3 ou 4, en rechute après un traitement par radio- et/ou chimiothérapie.
Quels étaient les objectifs de l’étude REVOLUMAB et comment s’est-elle déroulée ?
L’étude REVOLUMAB, un essai de phase 2 financé par PHRC-K en 2016, visait à évaluer l’efficacité de nivolumabune immunothérapie avec des inhibiteurs de points de contrôle, en espérant que l’hypermutation des gliomes traités [c’est-à-dire les nombreuses modifications génétiques qui apparaissent dans les gliomes après les traitements, NDLR] peut provoquer une réponse immunitaire. En effet, lorsque ces tumeurs ont déjà été soumises à une chimiothérapie, elles mute davantage, ce qui provoque l’apparition d’antigènes et peut permettre au système immunitaire de réagir.
Ce projet multicentrique a impliqué sept centres du réseau POLA/RENOCLIP-LOC (premier réseau « cancers rares » en neuro-oncologie labellisé par l’INCa en 2009) et a inclus 42 patients dont 39 ont finalement reçu le traitement. Ces patients, d’un âge médian de 43 ans, avaient déjà reçu une radiothérapie et au moins deux lignes de chimiothérapie. Le protocole consistait en des perfusions bimensuelles pendant quatre mois, puis mensuelles pour les patients répondant au traitement, pour une durée totale de traitement de 1 an. Le critère de survie sans progression a été estimé par un suivi clinique et IRM tous les deux mois.
Quels sont les résultats de cette étude et quelles suites pourraient lui être données ?
Sur les 39 patients traités, dont plus de la moitié étaient déjà en progression au moment de leur inclusion, notre étude n’a pas atteint son objectif principal de survie sans progression à six mois : seuls 28 % des patients étaient stables ou en réponse. Cependant, 17 patients (44 %) ont présenté une stabilisation (13) ou une réponse partielle (4), avec une durée médiane sans progression de huit mois : ce n’est ni mieux, ni pire que le traitement standard. Nous avons essayé de trouver des marqueurs simples pour distinguer ces patients des autres, sans succès jusqu’à présent. Autre point important : une bonne tolérance au traitement, sans altération notable de la qualité de vie, cruciale dans cette population de patients jeunes souvent très handicapés par leur cancer.
Au final, même si le principal critère retenu pour REVOLUMAB, à savoir la survie sans progression, est négatif, ce traitement a permis de maintenir la stabilisation de la tumeur pendant quelques mois chez 44% des patients inclus, ce qui n’est pas négligeable. compte tenu du mauvais pronostic des gliomes mutés IDH en rechute. Nos résultats, publiés notamment dans leeuropéen Journal du cancer en mai 2024, confirment la complexité de l’environnement immunitaire des gliomes. De futures études combinant des inhibiteurs de points de contrôle avec d’autres thérapies ciblées, telles que les inhibiteurs de mutation IDH, pourraient représenter une voie prometteuse pour stimuler davantage la réponse immunitaire.
« Je tiens également à saluer la remarquable dynamique de structuration française des réseaux cancers rares labellisés et financés par l’INCa, qui a permis d’identifier rapidement et facilement les centres participants, de motiver le laboratoire à nous donner le produit et d’inclure des patients en moins d’un an, plus vite que prévu, même si nous l’avons fait en pleine pandémie de COVID ! La structuration de ces réseaux par l’Institut National du Cancer s’avère déterminante pour accélérer la recherche et le développement de nouvelles approches thérapeutiques. »
Dr Caroline DEHAIS
Zoom : comprendre l’étude REVOLUMAB
L’étude REVOLUMAB visait à évaluer l’efficacité du nivolumab chez des patients atteints d’une tumeur cérébrale appelée « gliome de haut grade avec mutation de la protéine IDH », en rechute, sachant qu’il n’existe pas de traitement standard après récidive et que ces cancers ont un mauvais pronostic. Cet essai clinique a été réalisé sur 42 patients dans 7 centres du réseau POLA/RENOCLIP-LOC.
Le nivolumab est une immunothérapie, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un anticorps monoclonal agissant sur le système immunitaire pour détruire la production de cellules cancéreuses.
Bien que l’étude n’ait pas atteint son objectif principal consistant à prolonger la survie sans progression à 24 semaines (6 mois), elle a montré que ce traitement était globalement bien toléré. De plus, un groupe de participants (17 sur 39, soit 44 %) ont connu une réponse partielle ou une stabilisation de leur tumeur, ce qui est encourageant pour l’avenir.
Cette recherche ouvre la voie à d’autres études visant à améliorer les options de traitement des gliomes mutants IDH récurrents, apportant ainsi de l’espoir aux patients concernés.