Les journées sont de plus en plus courtes – l’hiver arrive bel et bien. Faut-il courir à la pharmacie pour acheter de la vitamine D ? A quoi ça sert ? Etat des connaissances auprès de deux chercheurs en nutrition.
Début novembre, La presse a publié un article sur les moyens de « renforcer » son système immunitaire, et les conseils étaient résumés ainsi : bien manger, soigner les maladies, bouger, bien dormir, éviter de fumer, boire peu d’alcool, se faire vacciner.
«Vous oubliez les bienfaits majeurs de la vitamine D pour le système immunitaire», écrit notre lectrice Julie Tessier. Les gens gagneraient à le prendre de novembre à mai, pour plusieurs raisons. »
La vitamine D est un nutriment essentiel. Elle est même au centre de la théorie qui explique pourquoi les populations ayant évolué loin de l’équateur (en Europe par exemple) ont la peau pâle. Une peau pâle a besoin de moins de lumière pour produire de la vitamine D. Selon cette hypothèse, cette capacité à produire de la vitamine D était donc un avantage suffisant pour survivre dans ces régions moins ensoleillées. Rien de moins.
La vitamine D a cette particularité : l’organisme la produit lui-même lorsqu’il est exposé aux rayons ultraviolets B. Durant la saison froide, il faut donc se rabattre sur d’autres sources de vitamine D (et encore plus lorsqu’on a la peau foncée !) : les aliments et les compléments.
Au Canada et aux États-Unis, c’est l’Institute of Medicine qui fait des recommandations concernant l’apport alimentaire. Pour la vitamine D, le marqueur ultime est la santé des os : elle contribue à l’absorption du calcium et du phosphore dans le sang. «La vitamine D peut avoir d’autres effets que celui sur la santé des os, mais pour le moment, les recherches sont contradictoires», précise-t-on sur le site de Santé Canada. C’est la raison pour laquelle La presse Je n’en ai pas parlé dans l’article sur l’immunité.
Nous n’avons pas suffisamment de preuves scientifiques pour affirmer que vous avez besoin d’autant de vitamine D pour renforcer votre santé immunitaire. Mais cela n’empêche pas plusieurs études d’être réalisées.
Geneviève Mailhot, professeure au département de nutrition de l’Université de Montréal
Notre lectrice Julie Tessier a raison : le rôle de la vitamine D est probablement multiple.
«La vitamine D peut affecter l’expression de plus de 1000 gènes», souligne la chercheuse May Faraj, professeure à l’Université de Montréal. Ce n’est pas seulement lié au calcium : cela a beaucoup à voir avec le système inflammatoire et le système immunitaire. »
Les fonctions de la vitamine D
L’effet de la vitamine D sur le squelette est étudié depuis longtemps. Une carence en vitamine D peut entraîner un trouble osseux appelé rachitisme chez les enfants et ostéomalacie chez les adultes. Cela peut également aggraver l’ostéoporose.
«La vitamine D a cette capacité de pénétrer dans le noyau des cellules et de moduler l’expression de gènes qui vont permettre l’entrée du calcium et du phosphore dans la cellule intestinale», explique la professeure Geneviève Mailhot, qui a obtenu son doctorat sur la vitamine D au début des années 2000.
À cette époque, des chercheurs ont découvert lors d’études en laboratoire que la vitamine D pourrait avoir des fonctions similaires dans d’autres tissus, notamment les cellules immunitaires.
C’est un anti-inflammatoire, de la vitamine D, et ça module un peu la fonction des cellules immunitaires.
Geneviève Mailhot, professeure au département de nutrition de l’Université de Montréal
« Lorsque les cellules voient des virus ou des bactéries, elles augmentent les réactions inflammatoires pour les tuer ; la vitamine D est nécessaire pour avoir cette réaction », explique May Faraj.
Les scientifiques ont donc vérifié si, dans la population, les personnes ayant un faible taux de vitamine D dans le sang couraient un plus grand risque d’avoir des problèmes de santé. C’était effectivement le cas : ils étaient plus sujets à certaines maladies, comme les maladies auto-immunes, les allergies et l’asthme, entre autres, mais aussi aux infections respiratoires et à leurs complications. Des études plus récentes suggèrent que la carence en vitamine D semble également être associée à des cas plus graves de COVID-19.
Cela signifie-t-il qu’en prenant des suppléments de vitamine D, on réduit notre risque de développer ces maladies ? C’est là que les recherches sont encore contradictoires. Des études ont montré un effet protecteur, d’autres n’ont noté aucune différence entre la vitamine D et le placebo. Selon une méta-analyse de 2021, la vitamine D aurait un effet protecteur « modeste » contre les infections, mais les études sont très hétérogènes (dose, durée, population…).
Consulter la métaanalyse (en anglais)
Si les personnes qui ont un faible taux de vitamine D ont plus de maladies, est-ce vraiment dû à leur statut en vitamine D, ou est-ce révélateur d’autres choses, comme le fait qu’elles sortent moins ou que leur alimentation est plus monotone ?
Geneviève Mailhot, professeure au département de nutrition de l’Université de Montréal
La relation semble également aller dans les deux sens : l’inflammation chronique semble diminuer l’absorption de la vitamine D…
Les chercheurs ont également testé l’impact d’un supplément de vitamine D sur les personnes qui contractent le COVID-19. Les résultats sont prometteurs, mais encore une fois, les études sont trop hétérogènes pour établir une recommandation.
Les dernières recommandations de l’Institute of Medicine datent de 2011 et seront éventuellement mises à jour. «Ils intégreront peut-être à terme d’autres paramètres de santé, mais pour l’instant, ce n’est pas clair», explique Geneviève Mailhot.
La science évolue. En attendant, une chose est claire : vous ne pouvez pas vous tromper en veillant à consommer suffisamment de vitamine D. Pour la santé de vos os et pour tout le reste. « Lorsqu’il existe une opportunité d’améliorer la santé avec quelque chose, pourquoi pas ? », conclut May Faraj.
Quelles sont les recommandations de Santé Canada?
De 2 à 50 ans : Vous pouvez soit manger quotidiennement des aliments contenant de la vitamine D, soit prendre chaque jour un supplément contenant 10 microgrammes (μg) de vitamine D.
51 ans et plus : Prenez chaque jour un supplément contenant 10 μg de vitamine D tout en continuant à consommer des aliments contenant de la vitamine D dans le cadre d’une alimentation saine.
L’apport journalier total recommandé est de 15 µg de vitamine D par jour de 1 an à 70 ans, et de 20 µg après 70 ans.
Apprendre encore plus
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- 32 %
- Un Canadien sur trois n’a pas suffisamment de vitamine D dans son sang, et 8,2 % des personnes sont considérées comme « déficientes ». Les adolescents et les jeunes adultes sont les plus susceptibles de souffrir d’une carence.
Source : Santé Canada 2016-2019