Leurs positions politiques sont rares. Les gamers appellent sur les réseaux sociaux à un blocage de l’extrême droite lors des élections législatives.
“Ni dans nos vies, ni dans nos jeux”: à deux semaines des élections législatives, associations, streamers et créatifs du secteur du jeu vidéo se mobilisent contre l’extrême droite, une initiative quasi inédite dans une industrie très réticente à s’engager politiquement.
« Il est impératif de limiter la présence de l’extrême droite aussi bien dans nos vies que dans les jeux vidéo que nous créons et consommons »» ont plaidé dans un communiqué une dizaine d’associations comme Afrogameuses, qui milite pour une meilleure représentation des femmes noires dans l’industrie du jeu vidéo, Furax, qui lutte contre les violences faites aux femmes notamment dans le monde du streaming, ou encore le groupe de réflexion Game impact.
« L’extrême droite représente un danger pour nos droits et notre industrie »fait valoir le collectif, mettant en garde contre « la montée de la haine dans le contenu des jeux ». Depuis le score du Rassemblement national aux élections européennes (plus de 31 %), plusieurs acteurs de l’industrie du jeu vidéo ont exprimé leur inquiétude sur les réseaux sociaux.
« Le RN et l’extrême droite constituent une menace trop effrayante pour que je garde le silence »publié vendredi sur X Jehanne Rousseau, co-fondatrice du studio français Spiders. « Je voterai évidemment pour le Nouveau Front Populaire aux élections législatives et je vous appellerai tous à le faire »a indiqué pour sa part Julien Moya, créateur de Chants de Sennaarélu en mars meilleur jeu vidéo français de l’année aux Pégases, une cérémonie qui distingue les créations françaises sur le modèle des César du cinéma.
Sortir de « l’écosystème du jeu vidéo »
Selon Olivier Mauco, enseignant à Sciences Po et spécialiste du jeu vidéo et de la politique, le résultat des élections européennes a eu un impact “comme un choc électrique”poussant les acteurs du secteur à sortir de leurs réserves. “C’est la première fois qu’ils prennent réellement position sur un sujet qui ne touche pas l’écosystème du jeu vidéo”dit-il, un signe qu’il y a « une forme de maturité » sur ces questions.
“Mais ce ne sont que quelques voix, ce n’est pas la majorité de l’industrie”tempère le fondateur de l’agence Game in Society. « Il faut délier les langues »a déclaré à l’AFP Jennifer Lufau, fondatrice de l’association Afrogameuses, « parce que les grands studios sont le nerf de la guerre ».
S’ils sont habituellement réticents à s’engager politiquement, de peur de s’aliéner certains acteurs ou de nuire à leur image, certains grands noms du secteur ont pris position lors de l’invasion de l’Ukraine ou des manifestations Black Lives Matter. « Je pense qu’il y a des sujets plus consensuels, et d’autres qui sont beaucoup plus délicats à aborder pour eux »regrette Jennifer Lufau.
Poste occupé
Car c’est plutôt du côté des streamers que la mobilisation a été la plus visible : le vidéaste Squeezie, deuxième YouTubeur le plus suivi en France avec 18,9 millions d’abonnés et manager de l’équipe d’e-sport Gentle Mates, s’est notamment positionné face au RN. dans une longue lettre à ses abonnés.
Le streamer Mistermv, l’un des vétérans de la scène gaming francophone sur Twitch (887 000 abonnés), s’est exprimé à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’extrême droite. “Je n’ai jamais vu autant de mobilisation politique sur internet pour une élection”assure le streamer Ponce (790 000 abonnés sur Twitch), longtemps opposé à l’extrême droite, « c’est assez exceptionnel ». Il est toutefois difficile d’évaluer l’impact de ces positions sur la communauté des joueurs, dont une partie rejette tout discours politique.
