Un café avec Denis Côté

Qui est le meilleur joueur de l’histoire du hockey : Wayne Gretzky, Mario Lemieux, Connor McDavid ou Michel Lenoir ?


Publié à 1h32

Mis à jour à 5h00

Michel qui ?

Les Québécois de ma génération qui ont lu étant enfants les livres de la série jeunesse « Les Inactifs », écrite par l’auteur Denis Côté dans les années 1980, savent bien sûr qui est Michel Lenoir.

Il est le hockeyeur québécois vedette des Lost Ark Raiders, le héros de cette série jeunesse. Quand j’étais enfant, mes parents m’offraient ces livres en cadeau. À la fin de l’école primaire, c’était ma série préférée. J’ai dû relire dix fois les aventures de Michel Lenoir, star du sport qui se retrouve malgré lui au centre d’une révolution mondiale.

Des années plus tard, j’étais curieux de rencontrer l’auteur de la série, Denis Côté. Pour avoir des nouvelles de Michel Lenoir. Mais surtout, pour en savoir plus sur la création de cet univers de science-fiction qui m’a marqué étant enfant.

La série utilise le hockey pour parler des luttes sociales, de l’environnement, des dangers de la technologie et des robots.

Pour écrire «Les Inactifs», Denis Côté dit s’être inspiré du film Rollersorti en 1975. Dans ce film, la popularité du héros James Caan, un athlète de haut niveau, menace le groupe corporatif qui gouverne la société.

« Ce film m’a secoué. C’était un film de science-fiction extrêmement politique qui parlait d’autre chose que du voyage dans l’espace. C’était une exagération de nos problèmes. Je voulais écrire quelque chose comme ça, avec un leader charismatique, un capitaine d’équipe de hockey, parce que j’étais un amateur de hockey», raconte Denis Côté, attablé au café du Musée national des beaux-arts. arts du Québec, à deux pas des plaines d’Abraham, au Québec.

Après avoir trotté ses idées dans sa tête pendant des années, Denis Côté publie le premier tome d’« Inactif » en 1983. Le jeune auteur a alors 29 ans.

Dans cette histoire de science-fiction qui se déroule dans le futur (dans les années 2010 !), les robots ont remplacé les humains dans presque toutes les sphères de la société. Les inégalités économiques et sociales sont effroyables. Les inactifs, qui n’ont plus de travail, vivent dans la pauvreté dans la vieille ville très polluée. Les quelques actifs qui continuent à travailler vivent dans la Nouvelle Ville. Et les ultra-riches, devenus des êtres éternels grâce à la science, vivent retranchés avec leur fortune dans la Zone Privée. Les Inactifs se consolent en adulant leur héros, le hockeyeur Michel Lenoir, qui se rebelle contre son ultra-riche propriétaire.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

C’est le film Roller qui a inspiré l’auteur à écrire sa série jeunesse « Les Inactifs ».

Dans mes livres, je parle de ce dont j’ai peur. J’avais peur de la robotisation de la société, qui avait déjà commencé il y a 100 ans lorsque les ouvriers étaient remplacés par des machines dans les usines.

Denis Côté

Il craignait également des inégalités économiques croissantes et une concentration excessive des richesses. Il est bien placé pour en parler. «Je viens d’un milieu pauvre», dit-il. Comme beaucoup de Québécois de sa génération, nés avant la Révolution tranquille. «Pendant les 18 premières années de ma vie, nous étions sept à vivre dans un quatre et demi, sans eau chaude, sans douche ni bain», raconte Denis Côté, qui a grandi dans la Basse-Ville de Québec. Cette séparation entre les lieux où vivent les riches et les pauvres est universelle. J’ai simplifié cela dans « Les Inactifs ». »

« Des années après avoir écrit « Les Inactifs », j’ai réalisé que c’était moi, Michel Lenoir. Il a un côté Don Quichotte, il est naïf, il se sacrifie pour les autres. Il estime que les révolutions armées échouent toujours. J’ai toujours été un activiste. Pas au point d’être Michel Chartrand, mais plus militant que le citoyen moyen», affirme Denis Côté, qui fut président de son syndicat lorsqu’il enseignait au collégial.

Denis Côté le dit sans détour : c’est un grand pessimiste dans la vie. Il faut l’être pour imaginer un monde apocalyptique comme celui des « Inactifs ». « J’envie les optimistes… s’ils sont lucides. » L’auteur de jeunesse se méfie également du politiquement correct et du « wokisme ». « La société a la peau sensible du politiquement correct. Il faut que tout soit noir ou blanc, ça manque de nuances. »

Denis Côté a publié « Les Inactifs » à une époque où l’on publiait beaucoup moins de livres jeunesse québécois. La série fut un succès critique et populaire. Chacun des quatre volumes s’est vendu à plus de 10 000 exemplaires, confie l’auteur. En 1983, le premier volume remporte le Prix du Conseil des Arts du Canada, le prix littéraire le plus important au pays à l’époque.

L’auteur québécois spécialisé dans la science-fiction, le fantastique, le suspense et l’horreur a contribué à démocratiser la littérature jeunesse dans les années 1980 et 1990. L’écrivain a écrit une quarantaine de livres, tous destinés aux enfants et à la jeunesse.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Denis Côté est l’auteur d’une quarantaine de livres pour enfants,

Quand j’étais enfant et adolescent, j’avais un réel plaisir à lire de la science-fiction, Bob Morane. Je me suis dit que je voulais être écrivain pour enfants, pour leur procurer autant de plaisir que de lire.

Denis Côté

Très peu d’écrivains au Québec parviennent à vivre de leur plume, et Denis Côté ne fait (malheureusement) pas exception à la règle. Même s’il estime avoir vendu plusieurs centaines de milliers d’exemplaires de ses livres. Même s’il a été traduit en anglais, espagnol, italien, néerlandais, chinois, danois.

Parallèlement à son écriture, il est professeur de français au collège, libraire, fonctionnaire pendant quelques mois, et enseigne la bande dessinée à l’université.

Malgré la concurrence internationale accrue – appelons-la le phénomène Harry Potter – « trop de livres pour enfants sont publiés au Québec, les éditeurs en sont conscients », estime-t-il.

Même à 70 ans, Denis Côté (à ne pas confondre avec le cinéaste du même nom) continue d’écrire. Son livre le plus récent, Le cinéma d’horreura été libéré l’automne dernier.

La veille de notre rencontre, il venait d’envoyer un nouveau manuscrit à son éditeur.

A ma grande déception, ce n’est pas la suite des aventures de Michel Lenoir.

Les quatre volumes des « Inactifs » ont cependant été réédités en 2013, sous le titre Joueurs de cyberhockey. Lorsque j’ai offert ce livre à mes filleuls, j’ai été frappé à quel point les thèmes abordés par Denis Côté dans les années 1980 sont toujours d’actualité aujourd’hui.

«Je n’ai rien contre la technologie, Internet ou le téléphone cellulaire, mais nous sommes en train de transformer les relations humaines», affirme Denis Côté. Dans mes livres, j’ai exagéré la réalité. Des robots capables de jouer au hockey, on n’en est pas encore là. Mais les robots représentent la possibilité pour la technologie de remplacer les humains. L’intelligence artificielle peut écrire des romans, composer des chansons, peindre. Cette affaire est loin d’être réglée et je trouve cela effrayant ! »

Joueurs de hockey cybernétiques – L’intégral

Joueurs de hockey cybernétiques – L’intégral

Denis Côté

Editeur Soulières

504 pages

Questionnaire sans filtre

Le café et moi : J’ai toujours aimé le café. Je viens d’un milieu pauvre, nous avions toujours du café instantané dans nos poches. Plus tard, j’ai découvert le vrai café. En France, c’est toujours parfait. Quand j’écrivais, je buvais quatre cafés filtres par jour. Désormais, un café par jour me suffit.

Le dernier livre que j’ai lu : je viens de relire Kafka sur le rivagepar Haruki Murakami, et Le Golem, de Gustav Meyrink. Ce sont des livres bizarres. Bizarre, ce n’est pas assez fort. C’est très ésotérique.

Une personne qui m’inspire : Gilles Vigneault est la personne vivante pour laquelle j’ai le plus d’admiration. Ses œuvres sont toujours positives, jamais sombres. Il est le plus grand auteur-compositeur-interprète de la francophonie.

Qualités que j’aime chez les autres : Honnêteté et générosité. Les deux vont de pair. Être honnête est une façon d’être généreux.

Des personnes, mortes ou vivantes, que j’aimerais réunir autour d’une table : Alexandre Dumas, un de mes écrivains préférés. Son ami Victor Hugo. Je compléterais avec Nelson Mandela et Gandhi.

Qui est Denis Côté?

  • Né au Québec en 1954, il a publié une quarantaine de livres jeunesse, la majorité chez La Courte Escale.
  • De 1983 à 1993, il publie les quatre volumes de la série « Les Inactifs », réédité en 2013 sous le titre Joueurs de cyberhockey.
  • Il a contribué à démocratiser la littérature jeunesse au Québec.

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