Prise en charge des patients non communicants, difficulté de nommer les états de conscience

Prise en charge des patients non communicants, difficulté de nommer les états de conscience
Prise en charge des patients non communicants, difficulté de nommer les états de conscience

L’actualité du thème de cette chronique n’est autre que la publication de nos derniers résultats dans la prestigieuse revue Nature Medicine. Une publication qui valide l’utilité clinique du travail en équipe que j’ai initié il y a plus de 20 ans à la Salpêtrière.

Nous sommes en 2001. Jeune chercheur neurologue, je reviens à la Salpêtrière après trois années de thèse scientifique passionnantes avec Stanislas Dehaene au cours desquelles nous avons posé les bases d’une nouvelle approche neuroscientifique de la conscience.

J’ai alors commencé à consacrer une partie de mes recherches à l’amélioration de la prise en charge des patients non communicants dont l’état de conscience est extrêmement difficile à déterminer. À la suite d’un traumatisme crânien grave ou d’un arrêt cardiocirculatoire, certains patients traversent une première période de coma, puis reviennent à un état d’éveil. Ils deviennent ainsi capables d’ouvrir les yeux pendant de longues périodes, mais sans pouvoir communiquer ni montrer de signes de conscience univoques.

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État végétatif, conscience minimale, expressions incorrectes

Les termes « état végétatif » et « conscience minimale » posent problème. L’expression état végétatif a été inventée en 1972 par Plum et Jennett pour exprimer la dissociation entre le contrôle nerveux des fonctions dites végétatives qui restent préservées (c’est-à-dire le contrôle nerveux de la digestion, de la circulation, de la ventilation, de la transpiration, etc.), et de l’autre l’abolition de la conscience. Mais dans de nombreuses langues, l’adjectif végétatif se confond avec celui de plante, et provoque l’indigne assimilation de ces malades aux légumes, aux plantes vertes. Une façon de contrer cette grave atteinte à la dignité des patients consiste à expliquer, comme je viens de le faire, le sens correct de cette expression.

Il faut également noter que le système nerveux de ces patients continue, le plus souvent, à remplir bien d’autres fonctions que les seules fonctions végétatives. A cet égard, cette expression est donc non seulement périlleuse, mais incorrecte.

Enfin et surtout, un examen clinique attentif et répété permet de corriger ce diagnostic chez environ 30 % des patients. Attention cependant, cela ne signifie pas que ces patients diagnostiqués à tort comme étant dans un état végétatif sont tous conscients, mais plutôt qu’ils présentent des comportements qui vont au-delà des réponses du système nerveux végétatif ou de simples réponses réflexes.

C’est en partant de ce triple constat qu’un groupe d’experts dirigé par mon collègue Steven Laureys a proposé, en 2010, de remplacer l’expression état végétatif par celle de : syndrome d’éveil insensible.

Cette proposition échappe à la confusion végétatif/plante et reconnaît un état clinique souvent plus riche que celui apporté par le seul système nerveux végétatif. Parler du syndrome d’éveil insensible permet aussi de rester descriptif, et d’exprimer la nécessité d’enrichir cette description comportementale par des mesures de la structure et de l’activité cérébrale.

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Le terme « syndrome d’éveil insensible » est également problématique.

Malgré les intentions louables et les efforts salutaires de mes collègues, l’expression syndrome d’éveil insensible reste également problématique.

Tout d’abord, l’expression utilisée est complexe, ce qui explique sans doute sa faible diffusion au-delà d’un milieu très spécialisé.

En revanche, l’examen de ces patients non répondeurs met en évidence de nombreuses réponses comportementales à la stimulation : ces réponses sont certes le plus souvent des réflexes, mais leur présence entretient la confusion entre réponses réflexes et réponses intentionnelles. Surtout pour les proches.

Enfin et surtout, définir cet état par l’absence de réponse peut alimenter l’idée que le principal problème du patient réside dans un handicap de communication. Un peu comme le modèle tragique aussi du syndrome du lock-in, dans lequel un patient bien conscient mais paralysé ne peut répondre en dehors d’un code oculaire. Les patients réellement éveillés et inconscients présentent des troubles cognitifs et de conscience qui vont bien au-delà d’un problème de communication.

A défaut de nom satisfaisant, il faut donc prendre le temps, à chaque fois, d’expliquer tout cela, et s’efforcer de faire ressortir la singularité de chaque situation, de chaque patient qui reste une personne.

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