Pourquoi les hommes préfèrent-ils se sentir mal plutôt que d’entrer chez un psychiatre ?

Pourquoi les hommes préfèrent-ils se sentir mal plutôt que d’entrer chez un psychiatre ?
Pourquoi les hommes préfèrent-ils se sentir mal plutôt que d’entrer chez un psychiatre ?

Dans son essai, « Il faudrait voir quelqu’un », la journaliste et autrice Maud Le Rest s’intéresse à un impensé sociétal : la santé mentale des hommes.

Pourquoi la santé mentale des hommes est-elle taboue ? C’est la question à laquelle la journaliste et auteure Maud Le Rest tente de répondre dans son nouvel essai intitulé Tu devrais voir quelqu’un (Editions Anne Carrière). Au début de la trentaine, Maud Le Rest a eu l’occasion à plusieurs reprises dans sa vie amoureuse de rencontrer des hommes, qui malgré leur détresse psychologique évidente, préféraient mettre leurs problèmes psychologiques sous le tapis plutôt que de pousser la porte d’un bureau. de psychologue.

Rien d’étonnant quand on sait que seulement 30% des personnes ayant recours à la psychothérapie sont des hommes. Préfèrent-ils rester malheureux, stressés, anxieux ? Sont-ils dans le déni ? Pourquoi ont-ils du mal à verbaliser leurs émotions, ou simplement à les identifier ? En allant à leur rencontre et en interviewant des experts, Maud Le Rest explore le « tacite sociétal » autour de la santé mentale des hommes, observe comment les stéréotypes de genre les éloignent de leur bien-être et décortique l’impact néfaste de leur immobilité psychologique sur les couples hétérosexuels.

Comment êtes-vous devenu intéressé par la santé mentale des hommes ?

Je suis parti d’un constat tiré de mon expérience personnelle autour des couples hétérosexuels et des relations hommes-femmes, ainsi que de discussions avec mes amis. J’ai observé au fil des années qu’il existe une asymétrie flagrante entre la relation à la santé mentale des femmes et celle des hommes hétérosexuels. Les femmes de mon entourage étaient toutes déjà allées voir un psychologue ou un psychiatre ou avaient exprimé leur envie de le faire et elles se sont rendu compte que leur partenaire était totalement fermé à cette idée même si elles éprouvaient sans doute des problèmes. Pour ma part, j’ai vécu plusieurs relations amoureuses avec des hommes psychologiquement violents et ayant une santé mentale fragile et pourtant, ils refusaient complètement l’idée d’en parler avec un professionnel de la santé. Ils considéraient même mes suggestions dans ce sens comme une insulte. J’ai voulu vérifier si ce constat était une idée préconçue ou si c’était vrai à une échelle plus large, je suis donc également allé à la rencontre d’hommes, de femmes et d’experts du domaine.

La détresse psychologique des hommes passe-t-elle plus facilement inaperçue que celle des femmes ?

Oui, déjà parce que les hommes consulteront moins, ensuite parce qu’on n’assimilera pas immédiatement certains de leurs comportements, comme la consommation excessive de substances ou les comportements à risque, à une souffrance de leur part et cela, est lié aux stéréotypes de genre. Le fait qu’ils en parlent moins fait que personne ne voit qu’ils vont mal. Enfin, il existe des préjugés misogynes très forts en matière de prise en charge médicale et c’est pourquoi on constate que les femmes se voient prescrire deux fois plus d’anxiolytiques que les hommes en Europe.

Dans le livre, vous évoquez une prise de conscience toujours tardive chez les hommes…

Oui, c’est ce que m’ont expliqué les psychologues et les psychiatres : la plupart du temps, lorsque les hommes arrivent au cabinet, ils sont déjà très avancés dans la dépression ou les troubles psychologiques. Il existe également un autre archétype du patient masculin, c’est l’homme qui vient en consultation parce que sa compagne lui dit qu’il est « ennuyeux ». On n’en est même pas au stade de la prise de conscience et selon le docteur en psychologie et psychologue Monique Renard Kuong, on ne peut pas parler de déni à ce stade car pour qu’il y ait déni, il faut qu’il y ait un acquis, un point de départ et dans ces cas, il n’y en a pas.

Comment expliquer la méfiance des hommes à l’égard de la psychothérapie ?

Tout au long de mes entretiens, j’ai identifié deux facteurs principaux. Il y a d’abord le manque de connaissances, l’ignorance qui va bien sûr avec tout un tas de préjugés : ils pensent que c’est du bla-bla, que ça ne sert à rien, que c’est « un truc de filles » pour dire vulgairement. Et il y a aussi la prétention, l’orgueil, l’ego : pourquoi se confieraient-ils à quelqu’un qu’ils considèrent comme moins brillant qu’eux ?

D’après les témoignages que vous avez pu recueillir, ce sont souvent des femmes proches qui poussent les hommes à demander conseil. Pourquoi?

C’est la théorie du « care », les femmes sont socialisées pour prendre soin des autres et cela s’applique évidemment aux couples. Les femmes prennent soin de leur conjoint ainsi que de leurs enfants, c’est un rôle social qui leur a été assigné et c’est pour cette raison que ce sont elles qui les poussent à demander conseil. Car il ne faut pas oublier que la mauvaise santé mentale des hommes a un impact sur celle des femmes.

Quel est l’impact des stéréotypes de genre sur la santé mentale des hommes ?

Vous devez être un vrai gars, un homme fort donc soit vous êtes un homme silencieux, soit vous êtes un homme en colère. Aucune émotion autre que la colère n’est autorisée pour les hommes. Ce stéréotype de genre crée une figure répugnante de l’homme fragile, de l’homme efféminé, de l’homme homosexuel et nous ne devrions certainement pas ressembler à cela pour beaucoup d’hommes. Ne dites donc pas quand vous êtes anxieux, stressé ou triste. Je suis convaincue que si les stéréotypes de genre étaient moins forts aujourd’hui, les hommes auraient beaucoup moins de difficultés à parler de leurs problèmes.

Comment les normes culturelles jouent-elles un rôle dans la santé mentale des hommes ?

J’ai beaucoup travaillé sur les représentations audiovisuelles des hommes et j’ai notamment interviewé un expert dans mon livre, Lou Delbarre, producteur et auteur d’un mémoire sur la représentation des masculinités sans séries qui a identifié dans le récit trois séquences. La première commence dans les années 1950 avec la figure de la masculinité hégémonique, le héros qui exerce une violence légitime à la John Wayne. La seconde commence dans les années 90, avec des archétypes masculins qui exercent eux aussi la violence mais sont happés par leurs humeurs, leurs problèmes, comme Tony Soprano. Et puis aujourd’hui, on voit apparaître des figures masculines plus inclusives et l’exemple typique, ce sont les personnages de Éducation sexuelle comme Otis Milburn. Quand, depuis des années, on voit sur les écrans des héros forts, hétérosexuels, souvent en colère et qui ne se posent pas vraiment de questions, quand on est bombardé d’images aussi stéréotypées, c’est d’autant plus difficile à comprendre. admettez vos faiblesses.

Tu devrais voir quelqu’unMaud Le Rest, Editions Anne Carrière.

 
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