Carte blanche Baudriller | 24 heures – .

Pendant ma carte blanche du 3 marsje parlais déjà de l’immense catastrophe qui frappe Gaza depuis les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre. Le nombre de victimes, tuées, blessées, disparues ou déplacées, n’a cessé de croître depuis.

Cette nouvelle catastrophe humanitaire n’est pas sans rappeler celle de mai 1948 où des centaines de milliers de Palestiniens durent quitter leurs terres. Dans le récent et émouvant long métrage « Bye Bye Tiberias », Lina Soualem filme sa mère, l’actrice palestinienne Hiam Abbass, qui revient sur les traces des femmes de sa famille. Elle raconte l’exode de sa grand-mère qui a dû quitter sa ville de Tibériade il y a 76 ans. Les images d’archives de maisons détruites et de personnes déplacées résonnent fortement avec ce qui se passe aujourd’hui à Gaza.

« Comment conserver la force d’imaginer et de créer dans un contexte de guerre et de crise humanitaire ?

Depuis, plusieurs générations de Palestiniens ont vécu dans des camps de réfugiés. Le film « Les Enfants d’Arna » (2003) raconte le destin souvent tragique de plusieurs enfants du camp de Jénine, en Cisjordanie, que l’on découvre dans les années 90 en train de jouer du théâtre dans la Maison des Enfants créée par Arna Mer, une femme juive engagée auprès du peuple palestinien. Treize ans plus tard, en 2002, après une intervention militaire israélienne dans le camp, cette maison fut détruite et le fils d’Arna, Juliano Mer-Khamis, réalisateur du documentaire, y revint pour filmer à nouveau ces garçons. Poursuivant le geste de sa mère, il crée en 2006 le Théâtre de la Liberté à Jénine, lieu de création et de formation, lieu de résistance culturelle pour la liberté et la paix. Il a été assassiné en 2011. L’actuel directeur artistique du Freedom Theatre, Ahmed Tobasi, a également grandi à Jénine, il a découvert la force et le plaisir de la représentation théâtrale dans cette école. Dans son spectacle « Et me voici », il raconte son parcours : son enfance dans le camp, les deux intifadas, les quatre années dans les prisons israéliennes puis au théâtre, à Jénine et en Norvège. Il sera à Vidy du 31 mai au 2 juin dans un autre spectacle : « Le métro de Gaza », mis en scène par Hervé Loichemol, ancien directeur de la Comédie de Genève qui travaille régulièrement en Palestine depuis une dizaine d’années. Il s’agit d’une pièce inspirée d’une œuvre du plasticien palestinien Mohamed Abusal qui imaginait, en 2012, un métro à Gaza, un rêve de circulation et de liberté. Ces créations artistiques racontent et interrogent l’histoire et le présent de manière sensible et intime, elles produisent aussi de nouveaux imaginaires.

Comment conserver la force de créer dans un contexte de guerre et de crise humanitaire ? Rashid Masharawi, réalisateur palestinien, s’est mobilisé cet automne pour offrir les moyens de tourner des courts métrages à une vingtaine de cinéastes encore vivant à Gaza. Avec leurs courts métrages, fictions ou documentaires, ils utilisent l’art cinématographique pour créer, s’exprimer et témoigner de ce que vit aujourd’hui la population de ce territoire. Certains de ces films seront également présentés à Vidy les 1^euh et le 2 juin lors des Rencontres Artistiques pour la Palestine.

Conversation publique

Ils se concluront dimanche après-midi par une conversation publique initiée notamment par la réalisatrice Adeline Rosenstein. En 2016, elle présente « Décrire-Ravage » à Vidy, une passionnante fresque théâtrale qui raconte la question de Palestine, de Napoléon à nos jours. Elle réalise ensuite une bande dessinée avec le dessinateur Baladi.

Face à l’urgence de la situation à Gaza, pour comprendre le drame qui s’y joue, et rêver malgré tout d’un avenir possible et apaisé pour les populations israéliennes et palestiniennes, la parole des artistes est précieuse.

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