« Sud Ouest » lit le « Journal of Arizona and Mexico » de l’académicienne Chantal Thomas, six mois à Tucson en 1982

« Sud Ouest » lit le « Journal of Arizona and Mexico » de l’académicienne Chantal Thomas, six mois à Tucson en 1982
« Sud Ouest » lit le « Journal of Arizona and Mexico » de l’académicienne Chantal Thomas, six mois à Tucson en 1982
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Au début, il y a comme une envie de paradis blanc. Alaska. C’est là, à l’aube des années 1980, qu’un jeune universitaire français, installé à New York depuis plusieurs années, postule pour enseigner sur le campus de Fairbanks. Elle s’appelle Chantal Thomas, elle écrit dans la lumière jamais très lointaine de Roland Barthes, n’a pas encore publié (elle est aujourd’hui la grâce et la beauté de notre littérature). En attendant, changement de programme. Comme l’Alaska ne veut finalement pas d’elle, elle se rabat, avec quelque malheur, sur le prochain État américain de la liste alphabétique : ce sera donc l’Arizona. Adieu le Grand Nord et bonjour le désert.

Sa façon unique de voir dans les hommes, les femmes, les paysages, ce que personne ne sait y voir

Pendant six mois, de janvier à juin 1982, elle enseigne Marivaux, à Tucson, à des cowboys qui ne sont pas tous des Ronald Reagan, et des cow-girls aussi radicales que parfois fragiles. La belle affaire qu’elle consigne scrupuleusement le soir, entre flirts plus ou moins poussés et solitude parfaitement choisie, dans son journal.

Le rêve et son imposture

C’est celui-ci, à peine retouché, assure-t-elle, que l’auteur des « Adieux à la Reine » et des « Souvenirs de marée basse » publie ce printemps – une saison qui convient à son teint et à son style. . Disons-le tout de suite, c’est enchanteur. On y retrouve, même si pour la première fois en tant que chroniqueur, tout ce qui fait la singularité profonde, parfaite, presque adamantine de l’écriture et finalement de toute l’œuvre de Chantal Thomas. Sa façon unique de voir chez les hommes, les femmes, les paysages, ce que personne ne sait y voir, sauf elle et donc son lecteur.

C’est l’Amérique. Sa promesse, son rêve, son imposture parfois.

Jardins sous la lune

Dans ce désordre fécond qu’est Tucson, entouré de silence et de désert, de sauvagerie et de délicatesse mêlés, la professeure de littérature française imagine réunir Georges Simenon et Jack Kerouac, ayant résidé dans ces lieux avant elle. C’est sa liberté. Elle est souveraine. Elle écrit des cartes postales à sa mère. Elle suscite des voyages (au Mexique notamment, dans la dernière partie du livre, parcouru comme dans un rêve).

Elle écrit ses rêves. Elle s’abandonne à la nuit, celle des rencontres, des amours aussi, des grands jardins sous la lune. Elle pense à Marivaux, Barthes et Bécassine…

Elle a de gros problèmes de conduite (pages proprement hilarantes comme un portrait de l’artiste en Buster Keaton). Brefs chagrins. Des joies violentes. Elle boit du vin et de la tequila. Elle se fond dans la foule, jamais dans la foule. Un jour elle partira puisqu’elle sait, après Cendrars, que “quand on aime il faut partir”. Ce n’est pas triste puisque la tristesse est une mauvaise manière. Et puis, de toute façon, elle reviendra. Dans un livre. Et nous l’accompagnerons.

« Journal de l’Arizona et du Mexique » de Chantal Thomas, éd. Seuil, 178 p., 21 €, ebook, 14,99 €.

 
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