A l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille, un espace pour apporter du « sacré » face au cancer – Libération

A l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille, un espace pour apporter du « sacré » face au cancer – Libération
Descriptive text here

Le professeur Dominique Maraninchi est marseillais. Et il aime les contrastes. Hier, on le connaissait un grand oncologue, dirigeant pendant de nombreuses années l’Institut Paoli-Calmettes, le plus important centre de cancérologie du sud de la . Puis il se rend à Paris pour diriger l’Institut national du cancer. La capitale l’appelle régulièrement lorsqu’il y a des problèmes à régler, en l’occurrence en remplacement du fondateur du lieu, David Khayat. Puis on lui a demandé de diriger la toute nouvelle Agence de sécurité des produits de santé, après le scandale Mediator ; il s’agissait de remettre les choses au clair, avec de nouvelles structures, et enfin d’apporter un peu de transparence dans le monde du médicament.

Bref, c’est un médecin renommé, respectable et reconnu. Et désormais on le retrouve dans une salle de… contemplation, à Marseille, au sein de l’Institut Paoli-Calmettes. Il est là, avec sa façon de parler, avec sa voix d’ex-fumeur et son côté un peu rusé. Mi-avril, il est là pour animer une conférence « Art sacré de la santé » autour de ce lieu unique, situé au cœur de Paoli-Calmettes, lieu qu’il a créé il y a près de 25 ans, et au sein duquel se retrouvent toutes les religions. “Y compris pour ceux qui ne croient pas au paradis, car il y a un espace que nous appelons Peppone, du nom de ce maire communiste qui s’est toujours opposé au curé de Fernandel”, nous dit-il.

« L’hôpital n’est pas qu’un simple parcours de soins. Nous avons aussi besoin de quelque chose de beau, de sacré.

Depuis sa naissance, ce lieu est une réussite (pour ainsi dire). Les patients, les proches, les soignants vont et viennent. Ils arrivent en silence, pour se replier, prier aussi, ou attendre. Il y a 25 ans, le lieu était une aumônerie un peu vieillissante, orientée uniquement vers les catholiques. « Il ne restait plus grand monde » dit Dominique Maraninchi. “On s’est dit qu’on allait en faire un nouveau lieu, ouvert à tous, en demandant la participation des artistes.” Dominique Maraninchi, lui le clinicien, lui le non-croyant, change brusquement de registre. « Cancer, ce mot fait mal. C’est une vie qui s’effondre. La personne arrive, elle rencontre la maladie, elle entend des paroles qui ont mauvaise réputation. Il faut aussi se taire, prendre son temps, il faut un lieu de rencontre, se demander, pourquoi moi, pourquoi maintenant ? Et nous n’avons pas de réponses. C’était en 2000. Il fait alors appel à un artiste mondialement connu, discret et puissant : Michelangelo Pistoletto. « Ce grand maître de l’art contemporain a été séduit par la démarche, et il a accepté de dialoguer longuement avec tous les membres du groupe. »

Le projet est travaillé, puis le lieu s’ouvre, pour toutes les religions. “Faire le temple des religions, tous ensemble, et au centre, le mystère, avec la création que Michel-Ange symbolise avec l’infini moins 1. C’est-à-dire un carré de miroirs et de cordes”, a déclaré Dominique Maraninchi. Il s’agit de six miroirs rectangulaires, faces tournées vers l’intérieur, assemblés pour former un volume d’un mètre cube. Au final, l’ensemble est vaste, comme une fleur aux pétales dont chacun fait référence à chaque religion. Chrétiens, musulmans, bouddhistes, juifs, athées aussi. Avec des bancs où vous pourrez regarder et prier votre dieu, ou vous tourner vers celui des autres. « L’hôpital n’est pas qu’un simple parcours de soins. Nous avons aussi besoin de quelque chose de beau, de sacré. Et puis le temps. A l’hôpital, on n’a jamais le temps. Là, nous pouvons le perdre. » dit encore Dominique Maraninchi.

“On se place entre deux personnes, le soir, la nuit, c’est un lieu intimiste.”

De jour comme de nuit, il est ouvert. « Je suis ravi de voir un lieu de prière dans un hôpital. Nous sommes tous égaux, malgré notre religion, nous restons des humains. nous ne sommes que de passage et c’est là que nous nous rendons compte qu’il n’y a aucune différence entre nous. écrit sur le livre d’or, à l’entrée, un passant. Un autre visiteur, Georges : «Je viens d’apprendre ce qui ne va pas chez moi. Je ne comprends pas, pourquoi moi ? J’ai peur, horriblement peur, vous là-haut, faites-moi un signe, dites-moi juste comment me comporter dignement, aidez-nous à surmonter cette angoisse. Ou « Mon mari va me quitter et je suis tellement fatiguée que je n’arrive pas à dormir. J’ai été hospitalisée dans un service psychiatrique pour dépression ! D’autant qu’il ne souffre plus. Priez pour mes enfants et pour moi, je souffre trop mais je crois qu’il y a une vie après la mort. Plein de désarroi, ou de silences. « Nous franchissons pour la première fois les portes de l’Institut ; Valérie est atteinte d’un cancer du sein. Soins, rémission, tranquillité. Rechute, lésions hépatiques. L’espoir, le désespoir, le combat, celui de l’avenir, toujours penser à l’avenir, ne rien lâcher, une épouse, une main, un fil lié par un merveilleux serment d’Amour. Le combat fut long, acharné, dur, jusqu’à la dernière minute, la dernière seconde, le dernier souffle. Espérer jusqu’au bout et pourtant elle est partie, vaincue mais sereine… Plus de souffrance, plus de douleur, elle a rejoint ceux qu’elle aimait et qui l’attendaient de l’autre côté. Je reste oisive, seule avec mon fils, continuant le combat pour elle… Je t’aime, Valérie, ma femme, ma femme, toi la mère de mon fils. Je t’aime. Au revoir parce que les adieux sont impossibles. Signé Joël.

Nous sommes loin de la médecine high-tech. Lors de cette conférence, on a entendu des propos chuchotés, un peu décalés. « Ici, ce n’est pas comme un musée. L’art nous accompagne », a expliqué un historien de la santé. Les chrétiens et les musulmans sont nombreux, mais les bouddhistes et les juifs sont peu nombreux. «C’est un autre monde. Il n’y a pas de check-in, on vient entre deux personnes, le soir, la nuit, c’est un lieu intimiste. Nous nous reposons aussi. » a témoigné un soignant. Jamais depuis vingt ans il n’y a eu d’incident ou de dégradation. Quant à l’artiste Michelangelo Pistoletto, il a eu ces jolis mots : « C’est la première fois qu’on me dit que mon travail sert à quelque chose. » Comme un traitement.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV tout ce qu’il faut savoir sur cette inquiétude chronique qui bouleverse le quotidien de millions de personnes
NEXT découvrez les candidats dans la catégorie santé