Leni Riefenstahl, propagandiste et cinéaste d’Hitler

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Vanity Fair en rêvait, Helmut Newton l’a fait. En 1992, le photographe volontiers provocateur, juif berlinois contraint de fuir l’Allemagne nazie dans sa jeunesse, immortalise sur papier glacé Leni Riefenstahl, la sulfureuse égérie du Troisième Reich qui fête alors ses 90 ans. La cinéaste venait de faire un retour fracassant : son Mémoires (1987), traduit en anglais, vendu par milliers, elle venait de remporter une moisson de prix à travers le monde, et s’apprêtait à s’offrir une tribune de plus de trois heures dans un documentaire de Ray Müller. Son succès est tel que l’actrice et réalisatrice Jodie Foster envisage d’adapter et d’interpréter sa vie à l’écran… Ce retour en grâce s’amorce au milieu des années 1970, lorsque son travail photographique sur les Noubas, populations du sud du Soudan, est applaudi aux quatre coins du monde. monde.

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Ces femmes envoûtées par Hitler

Mais le septième art continue obstinément de lui fermer ses portes. « Dans le monde du cinéma, […] elle était devenue radioactive», commente son biographe américain Steven Bach, dans Leni Riefenstahl, une ambition allemande (éd. Actes Sud, 2008). Il faudra attendre 2002, à l’occasion de son centième anniversaire, pour que son documentaire Impressions sous-marines soit projeté sur grand écran. L’astre maudit se croyait alors sans doute définitivement innocenté. Et sa disparition, un an plus tard, met fin à la litanie interminable de procès en diffamation qu’elle a engagés de son vivant contre ses opposants. Mais les accusations continuent de s’accumuler contre le cinéaste le plus controversé de l’histoire…

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Ces films ont établi « une grammaire de la propagande »

Née à Berlin en 1902, Hélène Riefenstahl fut d’abord danseuse, puis comédienne, avant de passer avec succès à la réalisation en 1932, avec Lumière bleue, inspiré d’un conte des frères Grimm. Hitler a trouvé beaucoup de charme chez cette jeune fille au look d’oiseau de proie. Enthousiasmée par Mein Kampf, publié en 1925, Riefenstahl assiste à l’une de ses réunions en 1932. Elle décrit plus tard un choc émotionnel : « J’ai eu l’impression très physique que la Terre s’ouvrait devant moi. […]. Je me sentais paralysé, son discours exerçait sur moi une véritable fascination. Elle lui envoie une lettre, le rencontre sur une plage en mai 1932 où, affirme-t-elle, elle fut contrainte de rejeter ses avances. Sans ressentiment, Hitler lui aurait alors dit :

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Quand nous serons au pouvoir, il faudra faire des films pour moi.

L’étoile montante du cinéma allemand a dépassé toutes les attentes : ses documentaires La victoire de la foi (1933), Journée de la liberté (1935) et surtout Le triomphe de la volonté (1935) exaltait au plus haut point la force du nazisme. Quant à son blockbuster Olympie (1938), tourné en 1936 lors des Jeux Olympiques de Berlin, il fut la vitrine héroïque du Troisième Reich.

Ces films ont établi « une grammaire de la propagande » si efficace et si définitive qu’elle est encore parfaitement perceptible dans les œuvres de fiction contemporaines, note l’historien du cinéma Jérôme Bimbenet dans son ouvrage. Leni Riefenstahl, la cinéaste d’Hitler (éd. Tallandier, 2015). En fait, la marche des soldats impériaux en Guerres des étoiles (1977) de George Lucas, ou le ballet des hélicoptères au son de la chevauchée des Valkyries dans Apocalypse maintenant (1979) de Francis Ford Coppola, doivent beaucoup à ses décors épiques…

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La fiancée d’Hitler

Dans les années 1940, le réalisateur entreprend le tournage d’un film adapté d’un opéra particulièrement populaire du Führer, Tiefland (« Les Basses Terres »), dont la sortie, retardée par les troubles de la guerre, n’a pas eu lieu. seulement en 1954. Et c’est dans la station de ski huppée de Kitzbühel, en Autriche, qu’elle fut arrêtée au printemps 1945, avant d’être transférée en Allemagne, près de Fribourg-Brisgau, alors sous occupation française. Celle que la presse française présente fréquemment comme « l’épouse d’Hitler » a fait l’objet d’une longue procédure visant à évaluer son degré de proximité avec le régime. Par deux fois, en décembre 1948 et en juillet 1949, la commission d’enquête, supervisée par les Allemands, la déclara « non concernée » par les mesures d’enquête. Et à deux reprises également, le gouvernement militaire français, qui administrait la zone d’occupation française, a fait appel de cette décision. En décembre 1949, la commission reclasse Riefenstahl comme Mitlaüferin (« sympathisant ») nazi. Face aux enquêteurs, sa défense avait été finement travaillée. Elle affirme s’être depuis éloignée d’Hitler et avoir subi l’hostilité de Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande. Elle a en outre affirmé n’avoir jamais adhéré à des théories antisémites ni rejoint le parti nazi. Autre argument : son statut d’artiste faisait d’elle un électron libre, étranger à la politique.

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Mais au fil du temps, cet édifice savant fut démantelé pièce par pièce par les historiens. Ses liens affaiblis avec Hitler ? Non seulement la cinéaste n’a jamais cessé de fréquenter le Führer, mais elle a obtenu de lui une multitude de privilèges, dont celui de pouvoir le joindre par téléphone dans son bunker berlinois. Quant à la thèse de l’animosité de Goebbels, elle a été mise à mal par la découverte, à Moscou en 1992, du journal intime du ministre de la Propagande.

On découvre un homme d’abord enchanté, en 1933, par cette artiste, « la seule de toutes les stars à nous comprendre », puis impressionné par le talent et la poigne de « cette foutue bonne femme » même s’il s’avoue agacé par ses « scènes d’hystérie » et son mépris des budgets. Dans ces pages, il n’est jamais question d’aversion. Lorsqu’en 1993 le documentariste Ray Müller fit cette remarque à Rie Fenstahl, alors nonagénaire, celle-ci rota devant les caméras : « Goebbels était le roi du mensonge ! »

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Si Goebbels était le roi, elle était la reine. Elle affirme ne pas être antisémite, mais, sans jamais tomber dans une hostilité doctrinaire, elle déplore à plusieurs reprises la « toute-puissance des Juifs » dans le cinéma d’avant-guerre et la dénonce. En 1933, l’année où éclatent les violences antisémites en Allemagne, elle dénonce comme juif le cinéaste hongrois Béla Balázs, avec qui elle avait coréalisé Lumière bleue et qui lui a demandé de l’argent pour son travail… Quant à sa non-appartenance au parti nazi, qu’elle a brandie haut et fort pendant cinquante ans, est-ce vraiment un argument ?

« Seules 5 % des Allemandes en étaient membres », rappelle Steven Bach. Et Riefenstahl s’est imposé si rapidement dans le cercle intime du Führer que toute adhésion aurait été superflue. Cette proximité lui permet d’obtenir d’importants budgets pour ses films, notamment pour Tiefland, l’un des plus chers jamais réalisés en Allemagne, financé presque entièrement par les fonds propres du Führer. Même Olympia n’a pas échappé à la règle : son chef-d’œuvre, acclamé dans le monde entier, n’a pas reçu de subventions du Comité d’organisation olympique, comme elle l’a longtemps prétendu, mais du ministère de la Propagande, dirigé par celui qu’elle a toujours présenté comme son ennemi juré : Goebbels.

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Jusqu’au bout, elle a nié avoir été antisémite et membre du parti.

Pourtant, celle qui a porté le cinéma de propagande à son point incandescent n’a cessé de plaider pour la neutralité de l’artiste. Mieux : elle affirmait n’avoir rien vu des atrocités commises par le régime. « Rien de vu », vraiment ? En 1939, elle part comme journaliste indépendante couvrir l’avancée des troupes allemandes en Pologne. Son baptême du feu a eu lieu le 12 septembre, lorsque 30 à 40 civils juifs ont été massacrés sous ses yeux à Końskie, une petite ville du sud-est du pays. Jusqu’au bout, elle a nié avoir été là au moment des faits et juré être revenue définitivement à Berlin. Autre mensonge : elle a rejoint Hitler à Dantzig le 19 septembre, puis à Varsovie le 5 octobre, pour filmer le défilé du Reich victorieux, assure Jérôme Bimbenet.

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Il reste encore de nombreux éléments à soutenir. Juste après sa campagne sur le front polonais, la cinéaste poursuit le tournage Tiefland, dont l’histoire se déroule au cœur de l’Espagne. En raison de la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste a déplacé le théâtre d’opérations dans les Alpes bavaroises. Quant aux figurants « de type méditerranéen », elle a décidé de les chercher dans un camp de gitans situé à Maxglan, à la périphérie de la ville autrichienne de Salzbourg. Sauf que le camp en question était d’un genre particulier : c’était un camp d’internement gardé par les SS. Par deux fois, en octobre 1940 et septembre 1941, le cinéaste en quête de « couleur locale » réquisitionne les Tsiganes du camp de Maxglan – 23 prisonniers, dont 15 enfants, pendant tout le tournage. Elle les a filmés sous surveillance policière, a promis d’intervenir en leur faveur… et les a renvoyés d’où ils venaient ! En 1982, quarante ans après les événements, la réalisatrice Nina Gladitz fait témoigner des survivants. Contre toute évidence, Rie fens tahl affirmait qu’elle avait recruté ses figurants dans « un camp social » et qu’aucun d’entre eux n’était mort pendant la guerre. « En examinant les listes, on constate que 80 % d’entre eux ont été exterminés à », souligne Nina Gladitz dans le documentaire de Michael Kloft, Leni Riefenstahl, la fin d’un mythe (Arte, 2020).

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Menteur, narcissique, opportuniste, incapable de la moindre autocritique, l’artiste multi-primé était aussi un usurpateur. Le brillant fondu de Dieux du stade (première partie du diptyque Olympie) durant laquelle le Discobole de Myron, célèbre statue antique, devient un athlète vivant ? Nous le devons au caméraman Willy Zielke. Comme le révèle encore le documentaire de Michael Kloft, non seulement la « star » Rie fens tahl ne l’a pas crédité au générique, mais, profitant de la faiblesse de Zielke, alors interné dans un hôpital psychiatrique, elle s’est attribué le mérite de ses photos. et les vendit sous son propre nom. La « prêtresse de la beauté », comme elle se décrit elle-même, recèle bien des ombres… En 1993, devant la caméra de Ray Müller, Leni Riefenstahl s’interroge : « Je n’ai pas lancé de bombe atomique, je n’ai dénoncé personne ! Alors où est ma faute ? Elle est décédée en 2003, à l’âge de 101 ans. Sans remords ni regrets.

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➤ Article publié dans le GEO History magazine n°74, Le nazisme et les femmesde mars à avril 2024.

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