Pourquoi les « prescriptions de la nature » gagnent du terrain

Pourquoi les « prescriptions de la nature » gagnent du terrain
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Au jardin, dans un parc ou en forêt, les sorties dans la nature procurent de multiples bienfaits. Au point que les professionnels de santé commencent à les prescrire.

A l’issue d’un rendez-vous chez le médecin, le kinésithérapeute ou le psychiatre, vous pourriez repartir avec un ordonnance étrange. Au-dessus du cachet du prestataire, pas de médicament, juste cette seule indication : « Promenade dans la nature, minimum 4×30 minutes/semaine ». Un tel ordre peut paraître simpliste, tant l’initiative est, pour certains, évidente. L’idée même de prescrire à partir de la nature semble tout droit sortie d’un film de science-fiction. Mais l’urbanisation croissante, les écrans et le sentiment d’insécurité perdurent s’éloigner du contact avec la nature et de la vie quotidienneen dehors d’un indéniable regain d’intérêt lors des confinements de 2020 et 2021.

De 2008 à 2019, le nombre d’enfants jouant dans l’espace public aurait diminué de 37%, selon une enquête réalisée par l’association flamande Kind en samenleving. Une tendance structurelle, puisqu’on observait déjà une baisse de 50 % entre 1983, année de la première étude, et 2008. D’autres travaux menés aux Pays-Bas, à la demande de l’association Jantje Beton, révèlent que 11% des enfants ne jouent jamais dehors sans la surveillance d’un adulte. En Belgique, une enquête réalisée par le bureau d’Indiville, pour le compte du panel citoyen BPact, indique que près de 80% des enfants belges interrogés jouer dehors seulement pendant une heure, voire pas du tout, un jour de semaine ordinaire. Et cela’un parent sur dix ne pratique jamais d’activité extérieure avec ses enfants.

Un boost pour l’immunité

Quelle que soit sa forme, le contact avec la nature contient de nombreux avantages pour la santé humaine. Durant l’enfance, cela permet renforcer les défenses immunitaires. En Finlande, des scientifiques ont comparé le système immunitaire de jeunes enfants grandissant dans des terrains de jeux de garderie d’abord entièrement pavés, puis largement plantés de végétation. Verdict : en à peine un mois, les contacts répétés avec la nature (cinq fois par semaine) autorisés pour augmenter la diversité microbienne de la peau des enfantsaidant, entre autres, à prévenir l’apparition de maladies auto-immunes (comme le diabète de type 1) ou d’allergies.

« Toutes les cours de garderie devraient être transformées en espaces verts, car cela améliorerait la régulation du système immunitaire des enfants », recommandent les chercheurs. De plus, leurs capacités motrices et leur capacité de concentration s’amélioreront également.» D’autres recherches ont en effet démontré qu’à tout âge, l’activité dans la nature s’avère bénéfique en cas de trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité (ADD/HD). Plus largement, les sorties actives dans la nature contribuent à réduire risques de maladies cardiovasculairesdiminuer pression artérielle systolique et aider à s’endormir.

Regarder un nuage, observer des oiseaux, sentir le vent peuvent faire partie de la palette d’activités pour renouer avec la nature. © Getty Images

Au service de la santé mentale

Il en va de même pour la santé mentale. Selon les dernières statistiques de l’Institut national d’assurance maladie et invalidité (Inami), certains 118.000 Belges les personnes en incapacité de travail souffraient, en 2021, de burn-out ou de dépression (soit un quart du total). C’est 46% de plus qu’en 2021. Du côté de Sciensano, l’institut national de santé publique, l’enquête « Belgian Health and Wellbeing Cohort » dresse un constat édifiant, à partir d’un panel de plus de 7.100 participants (18 ans et plus). À la lumière de son dernier bulletin, publié en mars dernier, 20% des répondants déclarent souffrir d’anxiété généralisée et 18% de dépression – ces proportions atteignant respectivement 26% et 27% chez les 18-29 ans. De plus, 14 % des répondants ont admis avoir a pris un sédatif dans les deux semaines précédant l’enquête.

Face à des chiffres aussi sombres, la nature vient une fois de plus à la rescousse. Dans des proportions variables, bon nombre d’études ont confirmé que la majorité des patients suivis dans un contexte de burn-out ou de dépression je me sentais mieux après des sorties répétées. Jardiner, marcher en forêt, s’asseoir sur un banc dans un parc… Ces sorties peuvent prendre différentes formes. Or, les modes actifs comme la marche seraient encore plus efficaces que d’autres, selon une modélisation réalisée par des chercheurs norvégiens. De plus, il apparaît qu’en termes de santé mentale, les sorties dans la nature bénéficient beaucoup plus pour les personnes qui y sont sensibles que ceux qui se disent plutôt indifférents.

C’est dans ce contexte que le les prescriptions de la nature entament une timide percée en Belgique. À Sprimont, le Centre intégré de carrière en santé (CSIC) les propose depuis un mois. « Le concept est né dans les années 1980, de ce que les Japonais appellent shinrin-yokuc’est-à-dire un bain de forêt», rappelle Nolwenn Lechien, coordinatrice des projets de santé communautaire au CSIC et auteur d’une récente thèse sur le sujet, nominée aux Hera Awards 2024, un prix récompensant des travaux abordant le développement durable de manière transversale. « En revanche, les premières références à la prescription de la nature sont apparues à la fin des années 1990, à travers ce que les Néo-Zélandais appelaient ordonnances vertes: il s’agissait de pratiquer un sport basique, mais en extérieur. Par la suite, cette tendance s’est étendue aux États-Unis, au Canada, puis en Europe.

Faites reconnaître les « soins verts »

Aujourd’hui, les fondations des parcs nationaux des États-Unis et du Canada se préparent à les subventionner en conséquence, pour que les patients à qui la nature a prescrit puissent s’y promener gratuitement, poursuit Nolwenn Lechien. En Angleterre, des centres développent le concept de prescriptions sociales vertes, c’est-à-dire des sorties dans la nature à faire en groupe. En Écosse, d’autres professionnels de la santé mentale ont opté pour une approche plus ésotérique, avec activités de reconnexion avec la nature comme regarder un nuage, observer les oiseaux, sentir le vent.

De son côté, le CSIC commence à émettre des prescriptions naturelles, en s’appuyant notamment sur l’expertise d’un naturaliste et l’implication de bénévoles (dont des patients). Balades sportives, découverte de fleurs ou de plantes comestibles, visites de jardins communautaires, initiation à la pleine conscience… Le le contact avec la nature peut prendre différentes formesparticulièrement individuel : trouver un chêne aux alentours et y marcher, faire pousser un légume à partir de restes de repas, chercher du bois mort et observer ce qui l’abrite… « En plus des bienfaits pour la santé, tout cela permet de redécouvrir le rôle de la nature. , que nous avons un peu perdu de vue », résume Nolwenn Lechien.

« En travaillant la terre, les pensées négatives s’arrêtent, vous vous videz l’esprit. »

Benoît Gillain, chef du service de psychiatrie à la clinique Saint-Pierre, à Ottignies.

D’autres initiatives voient le jour. En janvier, un collectif composé d’associations et de professionnels de la santé a publié une note à l’attention des partis politiques fédéraux, pour tenter de avoir des soins verts reconnus par l’Inami. Leur démarche : offrir à des personnes mentalement fragiles la possibilité d’effectuer des tâches auprès d’agriculteurs, de maraîchers, de gestionnaires forestiers… « Le quotidien de ces personnes se structure à nouveau, cela leur donne un nouvel élan », confiait récemment à Les tendances Docteur Benoît Gillain, chef du service de psychiatrie à la clinique Saint-Pierre d’Ottignies, et signataire de la note. En travaillant la terre, leurs pensées négatives cessent, ils se vident l’esprit. Répéter les mêmes gestes, comme arracher les mauvaises herbes dans un champ de betteraves, a le don de arrêter la rumination mentale

Pourquoi une ordonnance ?

Sachant que la nature est à la portée de presque tout le monde, ne serait-ce qu’en passant du temps dans un jardin ou un parc, une prescription médicale est-elle forcément nécessaire ? « Non, évidemment », répond Nolwenn Lechien. Mais des études ont montré que les professionnels de santé, notamment les médecins, sont considérés comme des personnes de confiance, ce qui encouragera davantage les patients à suivre leurs recommandations. De même, d’autres travaux ont prouvé que la diligence avec laquelle un patient suit une indication médicale est plus important lorsqu’il est donné par écrit plutôt qu’oralement. En bref, la nature de la prescription augmenterait les chances d’une action à la fois significative et durable.

Si seuls les médecins ont le droit de délivrer des prescriptions médicales, ce n’est pas le cas des prescriptions naturelles. Le CSIC prévoit également étendre au personnel soignant. « Dans notre pays, les médecins sont débordés de travail, poursuit la coordinatrice. Étant donné que nous sommes confrontés des déserts médicaux de plus en plus importantsil me semble pertinent de permettre aux kinés, infirmiers et psychologues de prescrire la nature.

« La diligence avec laquelle un patient suit une indication médicale est plus importante lorsqu’elle lui est prescrite. »

Nolwenn Lechien, coordonnatrice des projets de santé communautaire au CSIC.

Malgré un engouement perceptible pour ces prescriptions naturelles, elles ne seront pas probablement pas l’unanimité parmi le corps médical. « Lors des entretiens réalisés dans le cadre de ma thèse, certains étaient plus sceptiques », reconnaît Nolwenn Lechien. Ils estimaient que ce message ne trouverait pas d’écho auprès des patients qui consultent uniquement pour obtenir leur Xanax. Et pour les autres, notamment en centre-ville, de se promener dans la nature ça ressemble à un luxe, par opposition aux priorités comme une bonne nutrition ou joindre les deux bouts. J’insiste sur le fait que les prescriptions de la nature n’ont aucune pas destiné à remplacer la médecine traditionnelle. Mais ils peuvent être un plus pour les personnes qui ne vont pas bien ou qui ont besoin de faire plus d’activité physique.

Outre son lien évident avec des initiatives favorables à la biodiversité ordinaire, l’opération En mai, tondre à l’arrêt proposée par Le Vif est aussi un appel à bénéficier des multiples bienfaits de la nature, qui commencent indéniablement au jardin.

EMTA, mode d’emploi

Étape 1
S’inscrire!
À partir du 18 avril

Envie de participer ? Rendez-vous sur levif.be/enmaitontealarret.be et remplissez le formulaire d’inscription. Déjà enregistré? Connectez-vous à votre compte pour accéder à votre profil et enregistrer votre jardin. Vous recevrez un email de confirmation.

2ème étape
Laissez-le grandir et observez
À partir de 1euh au 26 mai

Début mai (ou avant), délimitez une zone de non-tonte sur votre pelouse – idéalement la plus grande possible – et laissez-la pousser. Sur votre profil, vous pourrez bientôt enregistrer sa superficie totale. N’hésitez pas à en parler autour de vous et sur les réseaux sociaux (un kit est disponible sur le site de l’opération).

Étape 3
Comptez les fleurs pour 1 m²
Du 24 au 26 mai

Délimitez au hasard un mètre carré dans votre zone interdite à la tonte. Rendez-vous ensuite sur levif.be/enmaitontealarret pour saisir le nombre total de fleurs que vous y avez compté. Enregistrez ces données au plus tard le 26 mai. Vous recevrez instantanément votre index nectar personnalisé.

Étape 4
6 juin
Les résultats

Découvrez les résultats globaux de l’opération (indice nectar total, mètres carrés non fauchés, contribution aux populations d’abeilles) dans Le Vif du 6 juin et sur levif.be.

 
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