Vous souvenez-vous du célèbre portrait de Winston Churchill (1874-1965) par Graham Sutherland (1903-1980), dévoré par les flammes dans la série La Couronne ? Une excellente étude préparatoire à cet ouvrage disparu dans des circonstances juteuses sera vendu aux enchères le 6 juin par Sotheby’s à Londres !
On croirait le voir en chair et en os. Sur fond noir, en quelques coups de pinceau agités, le peintre Graham Sutherland dévoile le visage de Churchill. Aux trois quarts, l’ancien Premier ministre britannique semble perdu dans ses pensées, l’air à la fois inquiet et intrigué, peut-être même légèrement amusé – pas aussi maussade en tout cas que sur le fameux ouvrage final pour lequel cette étude a été réalisée. Avec talent, l’artiste parvient à nous faire ressentir tout ces petites nuances vivantescomme si les muscles et les rides du « vieux lion » bougeaient sous nos yeux.
Le cadeau d’anniversaire pas si apprécié de Churchill
Peint en 1954cette étude pétrolière de 61 sur 51 centimètres est estimée entre environ 580 000 et 927 000 euros (500 000 et 800 000 livres sterling). L’œuvre promet de se vendre à bon prix compte tenu de son histoire savoureuse, racontée en 2016 par le neuvième épisode de la première saison de série La Couronne…
En 1954, pour le 80ème anniversaire de Churchilldes membres du Parlement britannique s’associent pour offrir au Premier ministre un portrait de lui réalisé par Graham Sutherland, réputé pour son travail au pinceau réaliste et brut. Au cours de l’été 1954, l’artiste visite à plusieurs reprises la maison de campagne de Churchill à Chartwell pour réaliser des croquis au fusain et des études à l’huile. Les deux hommes s’entendent bien, et jouent même aux cartes ensemble. Le peintre puis se retire dans son atelier pour réaliser secrètement les derniers travaux…
Qualifiant le tableau de « dégoûtant » et « malveillant », le Premier ministre s’exclame qu’il ressemble « à un ivrogne » pris sur le trône !
Mais, face au résultat, Churchill se met en colère. Le peintre le représente accroché à son fauteuil, massif et maussade, presque menaçant. Qualifier la toile « dégoûtant » et « malveillant », le Premier ministre s’exclame qu’il ressemble à « un ivrogne » pris sur le trône ! Pour éviter d’offenser ses sponsors, la cérémonie de remise du tableau a eu lieu à Westminster. Mais l’ouvrage ne sera jamais accroché au Parlement : elle finit dans le placard chez Chartwell, avant de disparaître définitivement. Depuis 1978, la rumeur court que sa femme l’aurait fait brûler pour apaiser la colère de son mari – une scène dûment dramatisée dans La Couronne !
Une précieuse étude qui dévoile les coulisses de ce tableau disparu
Ce « morceau d’histoire » dégage une « intimité de charme » et montre « l’amitié improbable qui a germé » entre le peintre et son modèle avant cette issue houleuse, précise Sotheby’s à propos de l’étude à vendre. Propriété de la famille écossaise Ogilvyqui en avait hérité en 1991 à la mort du marchand d’art Alfred Hecht, à qui l’artiste l’avait offerte, cette huile a pu être admirée par les passionnés du 16 au 21 avril à Palais de Blenheim en Angleterre, dans la pièce où est né Winston Churchill il y a 150 ans.