Rester humain, le grand défi de la médecine du futur

Rester humain, le grand défi de la médecine du futur
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Où commencer ? La santé est au carrefour de tellement de transformations qu’il est difficile de les énumérer. Découvertes et innovations spectaculaires, technologies révolutionnaires (IA en tête), production et partage de données sans précédent… Mais aussi propagation de pathologies (obésité, diabète, maladie d’Alzheimer, cancers, fléau des opiacés), effets explosifs des bouleversements climatiques, environnementaux et urbanisme – l’OMS estime que 250 000 personnes devraient mourir chaque année dans le monde d’ici la décennie 2030 –, conséquences sanitaires des flux migratoires, vieillissement de la population, chronicité des maladies, résistance aux antibiotiques…

Sans oublier la crise du financement public et de l’organisation des soins, l’érosion des vocations, l’inflation des coûts des nouvelles thérapies qui remet en cause l’égalité d’accès, le rôle des mutuelles, la paupérisation de certaines spécialités (comme la santé mentale), la multiplication des questions éthiques…

Système globalement efficace

Ajoutons à ce cocktail les effets d’une pandémie aussi imprévisible et dévastatrice que celle du Covid-19 : des effets contrastés – drames humains, économiques, sociaux mais prouesses scientifiques – qui ajoutent encore au désordre, sonnant le tocsin de la souveraineté sanitaire et industrielle. déménagement.

Dans ce contexte, notre système de santé reste globalement efficace – comme en témoigne l’espérance de vie post-Covid-19 en baisse de 3 mois contre 10 en Angleterre ou 30 aux États-Unis. Mais il reste victime de poisons “bon francais”. LE numéro claususcréé en 1971, a sérieusement freiné le développement des promotions de médecins et explique, en partie, la crise sanitaire actuelle, ainsi que ” dans la ville “ que dans les zones extra-urbaines. Sa levée en 2019 ne laisse présager que des améliorations à partir de 2030.

La technocratie maltraite l’organisation politique et administrative, et menace le démembrement des chapelles et des opérations claniques.

Co-construction

Co-construire, dépasser les doctrines, briser les silos, expérimenter, est une mission parfois impossible. Le travail d’équipe souvent critiqué que forment dirigeants administratifs et médecins dans la gouvernance hospitalière en est une illustration. Et le sommet n’est pas toujours exemplaire : en témoigne la présomption – aux fortes répercussions symboliques – de l’ancien ministre Olivier Véran de pratiquer de la chirurgie esthétique dans une clinique des Champs-Elysées après avoir réglé le sort d’un personnel soignant en détresse.

En matière de financement, les biotechs peuvent compter sur les plans d’investissements d’avenir (PIA) et, depuis 2021, sur le dispositif France 2030. Sur les 7,5 milliards d’euros qui doivent être alloués à la santé, 2,3 milliards ont déjà été engagés, dont 338 millions pour le secteur des biothérapies/bioproduction. Ainsi, au classement européen de ces dernières, la France précède désormais l’Allemagne et devance seulement la Grande-Bretagne. Cependant, revendiquer la victoire serait présomptueux. La dynamique d’amorçage reste insuffisante, les circuits de financement privés sont inégaux.

Quant aux géants pharmaceutiques, à l’autre extrémité du spectre, leur renoncement dans la course au vaccin contre le Covid-19 a mis en évidence les limites de leur modèle : l’aléa et le long terme consubstantiels à la recherche sont difficilement compatibles avec la sécurité, l’immédiateté et la rentabilité exigées par le marché financier. Les risques scientifiques, industriels et boursiers ne vont pas toujours de pair.

L’état de la recherche est également au centre des préoccupations. En 2021, le secteur dit public n’occupait que 2,21 % du PIB (2,32 % en 1993), se situant dans la simple moyenne européenne, et loin des 3,14 % pratiqués outre-Rhin. Grâce à la pandémie de Covid-19, la France n’a même pas tenté d’inverser la tendance : 700 millions d’euros ont été consacrés à la lutte contre le virus, l’Allemagne en débloquant 1,6 milliard, la Grande-Bretagne 1,2 milliard. Même les Pays-Bas ont fait bien mieux : 450 millions d’euros, soit 26 euros/habitant contre 10 en France…

Défis éthiques

La médecine est-elle au carrefour d’immenses bouleversements ? Un euphémisme donc. Son avenir se construit-il dans un maquis inextricable de contraintes ? Un truisme. Un aspect mérite cependant d’être éclairé. C’est l’un des principaux défis éthiques soulevés par les voies parallèles de l’innovation et de l’individu : comment conjuguer la mise en œuvre de formidables progrès scientifiques et technologiques avec le devoir d’humanité propre à la relation médecin-malade et réclamé avec force par ce dernier ?

Internet et les réseaux sociaux donnent aux patients accès à des hypothèses, à l’illusion du savoir, qui influencent leurs relations avec le corps médical. L’impatience, la misère sociale et l’agressivité que l’on peut ressentir au sein de l’hôpital n’y sont pas étrangères. Les rapports de force ou de confiance changent, en fonction également d’un exercice de responsabilité, d’une participation aux prises de décision, d’une quête d’une médecine personnalisée, d’une judiciarisation, eux-mêmes en mouvement. De l’autre, e-médecine, télémédecine, robots, IA, santé connectée “technoaffectent l’exercice de la médecine dans des proportions sans précédent – ​​et fragilisent également l’avenir de certains spécialistes, radiologues en tête. Cependant, la médecine ne peut être réduite à cette fraction, et l’innovation doit embrasser une telle portée extra-technique. Plus la place de la technologie s’étend, plus le besoin de relations humaines va s’accroître. L’extension de l’un et les besoins de l’autre sont indivisibles. Dans ce contexte, le rôle du médecin est appelé à évoluer. Invoquant la formation, l’organisation du travail et le management. L’extinction du numerus clausus adossée aux gains de temps générés par les nouvelles technologies devrait libérer » temps humain » au bénéfice de la relation avec le patient, si et seulement s’il ne profite pas excessivement de produire davantage d’actes pour rentabiliser des investissements matériels eux-mêmes inflationnistes

Santé, 70% de prévention

L’organisation du travail doit faire face à plusieurs tendances : la féminisation des vocations, l’aspiration à un meilleur équilibre vie personnelle et vie professionnelle, des critères de management (parité, respect, implication) qui eux-mêmes évoluent. L’époque du médecin généraliste travaillant quatorze heures par jour et s’accordant quelques fragments de repos hebdomadaire est révolue. Ce qui limite par ailleurs les vertus de l’arrêt du numerus clausus : malgré les gains de productivité » technologique « , un nombre plus élevé de personnel sera nécessaire pour accomplir le même volume de tâches et pour » bâton » aux spécificités d’une population vieillissante. Le développement des métiers périphériques à celui de médecin – certains, comme l’interface entre collecte de données numériques et diagnostic, sont nouveaux -, et l’accélération de la délégation d’actes – il a fallu attendre la pandémie de Covid-19 pour que les pharmaciens sont enfin autorisés à vacciner – devrait, une fois jumelés, libérer également du temps (pour la formation, l’écoute, le dialogue) pour les médecins.

Il faut enfin de la disponibilité humaine pour investir dans un autre levier clé de la santé publique : la prévention. Selon l’OMS, la santé, c’est 70 % de prévention et 30 % de médecine. Or, cette dernière absorbe l’essentiel de la mobilisation institutionnelle, scientifique et entrepreneuriale. Et la prévention ne peut se limiter à des campagnes de dépistage ou de dissuasion (tabac, alcool) ; elle appelle à la pratique du sport, à la culture du bien-être, à une meilleure hygiène, à la lutte contre la sédentarité, à la chasse au management toxique – cause du burn-out et du bore-out -, aux risques psycho-sociaux, à l’école. infirmerie, etc. Qui sont des leviers moins spectaculaires, moins visibles, moins commercialisables aussi que ceux dédiés à la chaîne de soins. Si la médecine est à l’heure du choix, « humaniser » les conditions de sa pratique et investir (dans) la prévention devraient figurer en bonne place à l’ordre du jour.

 
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