Dans le sud de la France, “les larves commencent à se développer lentement”, observe Grégory L’Ambert, entomologiste médical, responsable du pôle moustique tigre et santé publique à l’EID Méditerranée (Entente interministérielle de lutte contre les moustiques du littoral méditerranéen) basée à Montpellier (Hérault). Il faudra attendre encore « deux à trois semaines » pour que ce soit le cas pour les régions plus au nord.
“Mais que vous ayez des larves qui commencent à se développer dans vos récupérateurs d’eau, ou que ce soit imminent, la mi-avril est le bon moment pour débuter la lutte contre les moustiques tigres”, précise le spécialiste. Voici ce qu’il faut savoir sur le développement de l’espèce, et les bons gestes à adopter pour éviter sa prolifération.
Comment se développe le moustique tigre ?
Cette espèce invasive apparue en France il y a tout juste vingt ans, en 2004, d’abord via le sud-est du pays, a besoin de deux facteurs pour se développer, rappelle Grégory L’Ambert. Après une diapause hivernale (une sorte d’hibernation) à l’état d’œuf, les spécimens auront besoin « d’une prolongation de la photopériode (durée du jour), que l’on retrouve à partir du mois d’avril, et d’une température d’au minimum 15°C, pour permettre aux œufs d’éclore. A partir de là, le développement des larves est totalement « dépendant de la température » : plus il fait chaud, plus il est rapide.
Ensuite, « on commence à voir les premiers moustiques tigres voler fin avril dans les endroits où il fait le plus chaud, et ils montent en intensité au cours du mois de mai jusqu’à l’été. C’est pourquoi la stratégie anti-dengue et anti-chikungunya [virus transmis à l’homme via le moustique-tigre] ne sera mis en œuvre qu’à partir du 1er mai.
Dans quel environnement prolifère-t-il ?
La particularité du moustique tigre « c’est qu’il vit au plus près de l’homme, contrairement à d’autres espèces », analyse Grégory L’Ambert. « Il pousse en ville, dans votre jardin, sur votre terrasse. » Il prolifère dans de très faibles concentrations d’eau, « en grande partie dans les récupérateurs d’eau de pluie, mais aussi dans les godets des bacs à fleurs, les arrosoirs, les bâches qui traînent, les gouttières mal lavées, les terrasses sur parcelle… », énumère Pierre Ouallet, adjoint au maire de Bègles (Gironde). ) en charge de la transition écologique.
Le moustique tigre a été identifié pour la première fois dans la métropole bordelaise en 2014, et a été signalé à Bègles en 2015. « Les mesures de sensibilisation ont commencé vers 2019-2020 », rappelle Pierre Ouallet. Aujourd’hui, les gens connaissent assez bien les mesures à prendre, mais encore faut-il y penser, c’est pourquoi l’enseignement nécessite la répétition. »
Quelles sont les mesures efficaces pour lutter contre le moustique tigre ?
“Le moustique tigre a absolument besoin d’eau pour se développer, c’est aussi sa faiblesse”, poursuit Grégory L’Ambert. Il suffit de vider ces récipients d’eau où il se reproduit une fois par semaine, pour éviter sa prolifération, la difficulté étant de retrouver tous ces petits récipients. » Et c’est donc le bon moment pour le faire. Il faut aussi savoir que le moustique tigre, contrairement à d’autres espèces, se déplace peu. « Une centaine de mètres en moyenne, 200 mètres maximum, donc si vous éliminez l’eau de votre environnement immédiat, les résultats seront flagrants », assure l’entomologiste. « Tout le reste ne peut être que complémentaire », ajoute-t-il. Vous pouvez mettre tous les pièges que vous voulez, si vous ne retirez pas l’eau, cela ne servira à rien. »
Combien d’œufs une femelle pond-elle ?
La femelle pond « entre 80 et 150 œufs à chaque fois », estime Grégory L’Ambert. « Au cours de sa vie, qui dure entre deux et quatre semaines, il répète le même cycle jusqu’à six fois : il pique pour reprendre des forces et pond entre 48 heures et 72 heures plus tard, il attend 24 heures, et pique encore. Elle peut donc pondre environ 800 œufs dans sa vie, et produire 400 femelles… Ce sont des parasites qui envahissent très rapidement l’environnement, c’est pourquoi il faut prendre les choses en main dès le début. » Il faut savoir aussi que seule la femelle mord, « le mâle ne se nourrit que de choses sucrées (nectar, fruits mûrs, etc.) ». C’est pourquoi il est conseillé de récolter les fruits mûrs au sol.
La végétation est-elle un facteur de développement du moustique tigre ?
On entend parfois dire qu’il faudrait également limiter la végétation pour éviter la prolifération du moustique tigre. Un facteur à nuancer selon l’entomologiste. « En été, lorsqu’il fait très chaud et que le temps est très sec, le moustique tigre aura effectivement besoin d’ombre et d’humidité, qu’il trouvera dans la végétation. Ainsi, un jardin luxuriant crée un environnement favorable pour que les moustiques adultes survivent toute la journée. Maintenant, je ne dis pas qu’il ne faut pas avoir de végétation et bétonner tout votre jardin, sinon vous allez avoir d’autres problèmes. Il faut bien relativiser cela, d’autant que cela dépend des régions et qu’au final, tailler les haies ne sera jamais aussi décisif que vider ses points d’eau. »
Les fortes pluies de cet hiver favoriseront-elles le moustique tigre cette année ?
Pas nécessairement. “C’est vrai que nous avons eu un hiver et un début de printemps favorables au développement du moustique, mais pour le moustique tigre, c’est un peu différent, puisqu’il a certes besoin d’eau pour se développer, mais au bon moment, c’est-à-dire maintenant. Et trop d’eau n’est pas non plus favorable à cette espèce, car elle « emporte » l’arrosoir, la coupe où elle prolifère, et les larves avec elle. En revanche, s’il pleut une fois par semaine d’ici août, cela pourrait être très piquant. »
