« Le Chant des autres », ou l’épopée européenne, envers et contre tout

Aujourd’hui, qu’est-ce que l’Europe ? Tourmenté par cette question, le cinéaste Vadim Jendreyko s’est lancé dans une vaste quête historique, politique et culturelle. Construit par touches, très personnel, ce voyage nous emmène à la rencontre des gardiens de la mémoire et de la relève générationnelle de demain au fil des visites.

(Un article de Laurine Chiarini de Visions du Réel 2024)

Invité à monter sur scène avant la projection de son film, présenté en première mondiale dans la compétition internationale du festival Visions du Réel, le premier réflexe du cinéaste a été de demander à tous les membres de son équipe présents dans la salle de le rejoindre. S’arrêtant sur chaque personne, détaillant son rôle et la remerciant, cette introduction était un prélude aux images qui allaient suivre. Collaboration, respect et inclusion, le tout sous une vision subjective assumée, résument à la fois la vision du documentariste, mais aussi sa manière de travailler.

Tout commence au fond du Rhin, à Bâle, fleuve frontalier et objet de fascination pour Jendreyko depuis son enfance. Rapidement, les images évoluent vers un autre type de frontière, construite cette fois de la main de l’homme, tendancieuse et liberticide. Nous sommes en Hongrie où, en 2015, la première barrière de barbelés anti-migrants a été érigée en Europe. Se posant des questions autant qu’il en pose aux autres, le cinéaste entretient délibérément des moments de réflexion ramenant le film à son propre dispositif. A l’arrivée des policiers, il assure qu’il ne filme pas, et que les images déjà filmées ne seront pas diffusées.

N’apprenons-nous jamais de l’histoire ? Le narrateur regrette que l’homme ait la mémoire si courte. Quand les horreurs du passé semblent trop vite oubliées, ses vestiges se chargent de nous les rappeler. Sur le milliard et demi d’obus tirés pendant la Première Guerre mondiale, un tiers n’a pas explosé. Remontant peu à peu à la surface, sorte d’anachronisme entraînant l’arrêt de sites entiers, les munitions, toujours plus sophistiquées, gagnaient sans cesse en pouvoir destructeur, comme l’explique un expert belge des mines. Le cerveau humain n’est pas seulement au service du bien.

S’il y a un certain vent de nostalgie qui plane sur le film, il n’y a pas de place au découragement. Au cours de ses pérégrinations, le récit revient sur l’engagement absolu de Simone Voile avec la cause européenne. Voyageant aux racines de la démocratie, le voyage s’arrête à Athènes, sur les ruines de l’Agora antique. Sur une pierre, une inscription sépare clairement le commerce de la politique : pourquoi et comment les deux se sont-ils mélangés, semant le chaos et la pauvreté ? Heureusement, l’Europe, c’est aussi ses jeunes citoyens, les artisans de demain. Mis en scène par une classe d’écoliers internationaux, le mythe du Viol de l’Europe est raconté à travers des jeux d’ombres expressifs qui ne manquent pas d’humour. Réécrire l’histoire est aussi une belle manière de se la réapproprier.

3/5 ★

« La Chanson des autres » est présenté en Compétition internationale des longs métrages 2024.

Bande-annonce de « La chanson des autres »

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