Exposition du peintre André Masson au Centre Pompidou-Metz, la conception transgressive de l’acte de peindre

Exposition du peintre André Masson au Centre Pompidou-Metz, la conception transgressive de l’acte de peindre
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La commémoration, à partir de septembre 2024, de cette chose bizarre qu’on appelle le « centenaire du surréalisme » – imaginons le millénaire de l’éclair ou le bicentenaire du double backflip, certaines choses coulent mal dans la discipline historique du rétroviseur et de la vision dans le mauvais sens – cette commémoration, dis-je, permet néanmoins de renouer avec le pinceau paratonnerre et la palette sanglante de certains visionnaires, plus compagnons que disciples actifs de la galaxie surréaliste.

Le peintre, designer et décorateur André Masson à qui, sous le très juste titre de « Il n’y a pas de monde achevé », le centre Pompidou-Metz consacre une rétrospective, visible jusqu’au 2 septembre, symbolise le mieux cette famille d’esprits.

Pour André Masson, le monde ne se raconte qu’à travers l’exagération

Pour Masson, en effet, il n’y a pas d’achèvement du monde, pas de délimitation du monde. Si le monde devait être achevé, ce serait comme une bête malade, non comme une œuvre. Pour lui, on ne peut pas conduire le monde au succès, on ne peut pas le conduire du tout, mais à sa ruine. Le monde n’est raconté qu’à travers l’exagération, une ouverture incessante. Il n’y a pas de lave à récupérer au robinet.

Jamais vraiment revenu des tranchées de la Première Guerre mondiale, vivant à Paris – rue Blomet, dans un atelier qui fut un camp de base du surréalisme – concepteur de dessin automatique et de peinture sur sable, décorateur de théâtre notamment pour Jean-Louis Barraudin solidaire des anarchistes espagnols et porteurs de valises pendant les guerres d’Espagne et d’Algérie, André Masson développe une conception sismique, sacrificielle et transgressive de l’acte de peindre.

Plantant son chevalet à l’épicentre de certains tremblements de terre mentaux et paniques charnelles que flèchent au mieux les noms de Dionysos et d’Héraclite de Sade et de Rimbaudof Lautréamont.

Les encres que l’on peut voir à Metz, toutes en trépointes fouettées et lacérations, traduisent bien le désir inhérent à cette œuvre d’une orgie élémentaire.

Autre élément passionnant de cette exposition, la reconstitution de la bibliothèque du peintre, bibliothèque qui ressemble à une véritable sainte barbe intellectuelle, tout y sent la poudre métaphysique et la nitroglycérine poétique, à commencer par les œuvres de ceux avec qui Masson fut intime à l’extrême : Georges Bataille, Michel Leiris et Antonin Artaud.

Cet ensemble de dynamiteroségalement au centre, puis à l’extérieur, puis autour du groupe surréaliste, apporte à André Masson le contrechamp verbal de son œuvre au premier leader Georges Bataille, dont Masson a dessiné, visible bien sûr dans l’exposition, la silhouette de l’acéphale, pour le magazine qu’il avait créé, emblème d’un magazine du même nom.

L’homme sans tête, l’homme décapité, dont les mains au bout de ses bras tendus saisissent un cœur brûlant et un poignard de sacrificateur, incarne avec splendeur le désir d’un homme déraisonnable, d’un homme allogique.

Comme l’écrivait Bataille en 1936, l’homme s’échappe de sa tête comme le condamné de sa prison.

C’est ce rêve d’un homme qui s’est fait beau en dehors de son incarcération mentale et organique, pour la fête et pour le sacrifice que l’on peut voir et revoir à Metz jusqu’au 2 septembre.

 
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