Dengue, virus du Nil, maladie X… Trois ans après le covid, ces nouvelles pandémies qui menacent la France

Dengue, virus du Nil, maladie X… Trois ans après le covid, ces nouvelles pandémies qui menacent la France
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Mars 2024 a été le dixième mois consécutif le plus chaud jamais enregistré, selon les données de Copernicus, le programme européen d’observation de la Terre. Une énième alerte sur la progression du réchauffement climatique, qui aggrave également le risque sanitaire en favorisant notamment la prolifération de nouvelles épidémies. “Ce sujet n’est pas suffisamment abordé et donc pas assez anticipé, même s’il a un peu évolué depuis la Cop28 de Dubaï qui, pour la première fois, discutait des effets sanitaires du changement climatique”, explique le sénateur centriste de la Somme Stéphane Demilly.

Cet élu, qui a lui-même survécu à un paludisme cérébral, contracté dans le cadre d’un déplacement parlementaire, a organisé mercredi 10 avril au Sénat une table ronde sur le lien entre réchauffement climatique et épisode sanitaire, réunissant plusieurs scientifiques. Selon l’OMS, sans mesures préventives, le nombre de décès imputables aux maladies qui se développent sous l’effet du réchauffement climatique – déjà estimé à 700 000 par an dans le monde – va continuer d’augmenter, touchant de nouveaux territoires.

« Au Pakistan, les infections liées au paludisme ont quadruplé après les inondations dévastatrices de 2023, atteignant 1,6 million de cas selon l’OMS », souligne Stéphane Demilly. Au Malawi, le cyclone Freddy « a généré une augmentation spectaculaire des cas de paludisme ». Dans les deux cas, les eaux stagnantes constituaient un terrain fertile pour les moustiques porteurs de maladies.

« La dengue est aujourd’hui considérée comme une maladie ré-émergente. Entre 2000 et 2019, le nombre de cas signalés est passé de 500 000 à 5,2 millions dans le monde », rappelle encore le sénateur. Endémique des régions tropicales et subtropicales, elle touche désormais de nouvelles zones géographiques, comme l’Europe depuis le début des années 2010. A cela s’ajoute la fonte du permafrost et des glaciers, qui pourrait libérer jusqu’à 100 000 tonnes de microbes au cours des 80 prochaines années, selon un calcul de l’université d’Aberystwyth au Pays de Galles.

Une évaluation des risques majeurs pour la France

En France, un organisme est chargé de travailler sur les menaces épidémiologiques qui pèsent sur le pays : le Comité de surveillance et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS), qui a succédé en juillet 2022 au Conseil scientifique mis en place lors de la pandémie de covid-19.

« Nous avons la responsabilité d’assurer la veille scientifique, d’anticiper les crises qui peuvent survenir et surtout les moyens de les prévenir et de guérir ces problèmes infectieux », explique Brigitte Autran, professeur d’immunologie et présidente du COVARS, reçue au Sénat avec plusieurs autres de ses collèges mercredi. « Toute l’histoire des épidémies depuis l’aube de l’humanité montre qu’elles sont liées à l’environnement et aux migrations de populations, mais on assiste aujourd’hui à une accélération de ce mouvement. »

Le 3 avril, la commission a publié un avis adressé au gouvernement, dans lequel elle estime les risques sanitaires majeurs qui pourraient frapper la France dans les cinq prochaines années.

« Nous ne savons pas où, quand, comment un nouveau coronavirus peut apparaître, mais il est probable qu’il puisse émerger »

« Dans le top 5 des risques infectieux susceptibles d’affecter majeurement notre pays, il y a arbovirus [maladie virale transmise par la piqûre de certains insectes, notamment les moustiques, ndlr] qui peut survenir en France métropolitaine et outre-mer », indique Brigitte Autran. Et particulièrement le risque de dengue“pour lequel la métropole n’est pas suffisamment préparée”, et sur lequel le COVARS a déjà alerté l’exécutif en 2023.

Mais aussi Virus du nil occidental, une fièvre brutale « beaucoup moins connue en France, mais qui sévit depuis de nombreuses années en Italie, dans les régions aquatiques. C’est une maladie encore plus grave que la dengue qui sévit déjà dans le Sud-Ouest et en Gironde, et qui risque de se propager”, souligne l’immunologiste.

Dans le registre des maladies respiratoires, on retrouve coronavirus, famille à laquelle appartient le covid-19. « Nous ne pouvons absolument pas prédire une nouvelle épidémie. Nous ne savons pas où, quand, comment cela peut survenir, mais il est probable que cela survienne », prévient le président du COVARS.

“Maladie X”

L’avis rendu par le COVARS attire également l’attention sur d’autres infections, qui présentent actuellement un risque de prolifération moindre, mais qui méritent de faire l’objet d’une attention particulière. Le vétérinaire Thierry Lefrançois, également membre du comité, évoque le cas de Fièvre hémorragique de Crimée-Congo. « Nous avons la preuve de sa circulation virale en France. Il y a eu 13 cas humains en Espagne au cours des dix dernières années, avec deux décès. C’est une fièvre avec une mortalité élevée, je ne dis pas qu’elle aura une ampleur pandémique, mais il faut la surveiller. »

Et puis il y a ce qu’on ne sait pas encore, l’imprévisible : « En plus de toutes ces maladies, il y a une autre maladie qu’on appelle ‘maladie“, dont on ne sait pas quand cela peut survenir”, et qui serait lié à un pathogène que les scientifiques n’ont pas encore identifié, explique Brigitte Autran.

La prolifération du moustique tigre en ville, une préoccupation croissante

Principal vecteur de menaces en France : le moustique, et notamment le moustique tigre, reconnaissable à ses pattes rayées noires et blanches. Arrivée en France via l’Italie au début des années 2000, elle est aujourd’hui présente dans 71 départements. Il peut être porteur de différents virus comme le chikungunya, la dengue et le zika.

« Il existe environ 3 500 espèces de moustiques dans le monde, dont seulement 15 % piquent les humains pour se nourrir. En France, nous avons 67 espèces, dont une seule, le moustique tigre, est invasive, c’est-à-dire que sa biologie lui permet d’envahir l’ensemble de notre écosystème », explique Anna-Bella Failloux. , professeur d’entomologie médicale à l’Institut Pasteur, responsable de l’unité arbovirus et insectes vecteurs. « Ce moustique est capable de pondre des œufs qui résistent à la sécheresse, parfois pendant des années, mais aussi aux basses températures de l’hiver. »

“Le changement climatique, avec les canicules, permet aux moustiques de s’installer plus largement et durablement”, ajoute Brigitte Autran. Cette situation interroge également nos capacités d’adaptation et les limites des stratégies développées pour lutter contre la chaleur.

Ainsi, le verdissement des villes, s’il permet de réduire l’impact du réchauffement climatique sur le bien-être, de lutter contre la pollution atmosphérique et sonore et la perte de biodiversité, présente également certains effets secondaires. « Il existe un lien entre le réchauffement climatique, le verdissement des villes et la prolifération des moustiques. Il faut vraiment réfléchir à l’urbanisme, notamment avec la question des retenues d’eau », insiste Brigitte Autran.

Climat, environnement, santé… privilégient une approche globale

Dans ce climat, COVARS appelle à un renforcement du système de santé, mais aussi au développement de pratiques transversales, notamment en termes de recherche. « Nous recommandons à notre pays de se préparer de manière significative. Cette préparation passe par la prévention et le développement de la recherche. Il existe encore beaucoup de lacunes dans les connaissances et la recherche n’est pas une dépense publique, c’est un investissement pour mieux se défendre, au même titre qu’un investissement militaire. Nous plaidons pour que ces recherches soient menées de manière intersectorielle, entre santé et environnement », résume Brigitte Autran.

Cette approche globale est parfois résumée par la formule « One Health ». « Une seule santé est un mot à la mode, mais nous travaillons sur ces sujets depuis plusieurs décennies. L’approche intégrée de la santé est ancienne. L’un des bénéfices du covid-19 est d’avoir mis en lumière cette interconnexion entre le climat, les animaux et la santé », estime Thierry Lefrançois. « La France est-elle en retard sur One Health ? Plus ou moins. »

 
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