Guerre civile | La guerre vue par le cinéaste, vécue par le journaliste

Dans Guerre civile, Kirsten Dunst incarne une photojournaliste américaine qui documente un conflit armé dévastateur dans son propre pays. En plus de discuter avec le réalisateur et scénariste Alex Garland, nous avons vu son film avec notre collègue à la retraite Michèle Ouimet et en avons discuté avec celle qui a couvert plusieurs zones de guerre au cours de sa carrière de journaliste.


Publié à 1h31

Mis à jour à 6h00

Dans une scène du début de l’acte final, après avoir à nouveau échappé à la mort, Jessie, l’aspirante photographe de guerre interprétée par Cailee Spaeny, confie au personnage de Kirsten Dunst, Lee : « Je n’ai jamais eu aussi peur et je ne me suis jamais sentie aussi vivante. »

«C’est une phrase qui est très vraie», nous confirme Michèle Ouimet après notre visionnage. C’est cette adrénaline qui nous fait réussir dans ce métier. »

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PHOTO FOURNIE PAR A24

Kirsten Dunst (Lee Miller) et Cailee Spaeny (Jessie Cullen) dans Guerre civile

Celui qui s’est rendu entre autres en Afghanistan, en Syrie, au Liban, au Pakistan et au Rwanda afin de témoigner de la guerre pour La presse précise qu’elle est “toujours restée très prudente”. « Des journalistes qui se jettent à corps perdu dans le danger parce qu’ils ont besoin de leur dose d’adrénaline, ça existe. J’ai vu des accros à l’adrénaline, mais je dirais que c’est une minorité », ajoute-t-elle.

L’auteur de Laisse dire et de La promesse souligne que les photographes prennent beaucoup plus de risques que les journalistes.

On peut rester un peu en retrait pour observer, pendant que les photographes doivent être dans l’action.

Michèle Ouimet, journaliste retraitée

Le père d’Alex Garland, Nicholas, était dessinateur pour Le Daily Telegraph, à Londres. Il ne couvrait pas la guerre, mais plusieurs de ses amis, correspondants à l’étranger, le faisaient. Alex Garland a travaillé avec eux et éprouve un grand respect pour leur profession.

« Je les ai vus en dehors du travail, ils étaient sarcastiques, drôles et chaleureux, mais dans leur travail, ils étaient sérieux, rationnels et vraiment courageux. Au cours des dix dernières années, j’ai remarqué une augmentation des attaques contre les principes du journalisme, notamment de la part des hommes politiques. C’est entre autres parce que ce constat m’irrite que j’ai ainsi représenté les journalistes dans mon film”, explique le réalisateur deEx MachinadeAnnihilation et de Hommes.

Fictif, mais plausible

Lee et Jessie sont accompagnés de Joel (Wagner Moura) et Sammy (Stephen McKinley Henderson) dans leur voyage. Le premier est le collègue reporter du photographe expérimenté de l’agence Reuters et l’autre est un vétéran du New York Times. Guerre civile raconte le long et dangereux voyage du quatuor de New York à Washington DC, qui les mènera entre autres à Pittsburgh et Charlottesville, car les autoroutes sont impraticables.

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PHOTO VALERIE MACON, ARCHIVES DE L’AGENCE FRANCE-PRESSE

Le réalisateur et scénariste de Guerre civileAlex Garland, lors d’une présentation spéciale du film à Los Angeles

Alex Garland imaginait les États-Unis déchirés par un conflit politique jamais expliqué. Le président, interprété par Nick Offerman, en est à son troisième mandat – alors que la limite est de deux – et n’a pas accordé d’interview depuis plus d’un an. Il a diffusé à la télévision et à la radio des messages se voulant rassurants sur la « menace » des groupes sécessionnistes, parmi lesquels les West Texas and California Forces ainsi que la Florida Alliance. La majeure partie du pays se tire dessus sans aucun doute. Le chaos règne et la violence est omniprésente.

“Je ne suis pas pessimiste, mais le problème n’est pas que nous nous dirigeons vers cette situation puisque nous y sommes déjà”, estime le Britannique. Des actes terribles et inhumains ont lieu au moment où nous parlons et certains sont planifiés, réfléchis et motivés avec un tel sérieux qu’il existe un réel danger de contamination. »

J’ai grandi à une époque où il était impensable de répéter les erreurs de la Seconde Guerre mondiale. Ces leçons ont été oubliées et cela me choque profondément.

Alex Garland, réalisateur et scénariste de Guerre civile

“La vie est plus forte que tout”

Quelques scènes de Guerre civile offrent un contraste saisissant entre la désolation des champs de bataille et la beauté de la vie. De doux rayons de soleil, des fleurs dans l’herbe, mais aussi des humains qui s’amusent et rient.

« Le monde est un lieu aux multiples textures où le bien et le mal rivalisent », explique Alex Garland, qui a également écrit le roman. La plage et le scénario de 28 jours plus tard. Il est assez étonnant que dans un endroit où se déroulent des atrocités, il puisse y avoir des gens à proximité qui jouent au football ou admirent le paysage. »

Michèle Ouimet confirme.

Alep [en Syrie] C’était à feu et à sang, mais un peu plus loin, les gens allaient au marché, à l’école. Les cafés étaient ouverts. La vraie vie côtoie l’horreur, et c’est le cas un peu partout. Je pense qu’il le représente bien avec la scène « Twilight Zone ».

Michèle Ouimet, journaliste retraitée

Même dans les camps de réfugiés, où elle se rend souvent, la journaliste observe une résilience et des lueurs de bonheur, comme le montre le film. « Les gens sont traumatisés et ne savent pas combien de temps ils vont rester là, mais la vie est plus forte que tout. »

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PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Michèle Ouimet à Azaz, en Syrie, en 2012

Entre autres choses qui lui plaisent, elle souligne « le danger des routes vides : il n’y a personne là-bas et du coup on voit des gens et on ne sait jamais s’ils sont dangereux ou pas ».

Les conseils prodigués par Dean Sammy lui semblaient également pertinents. “Il faut dormir quand on le peut, car on ne sait jamais ce qui va se passer.” Marcher dans un pays en guerre est délicat et compliqué, car il faut manger, boire, dormir, trouver du carburant… »

Quelques incohérences

Certains aspects de Guerre civile manque cependant de réalisme, selon Michèle Ouimet.

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PHOTO FOURNIE PAR A24

Wagner Moura incarne Joel, journaliste pour Reuters.

« Vous ne pouvez pas entrer dans une base militaire comme bon vous semble. En Afghanistan, j’ai rempli des kilomètres de paperasse. Ensuite, une fois que vous avez été accepté, ils ne vous font pas subir une opération chirurgicale complète. Pensez-vous qu’ils veulent s’embêter avec les journalistes ? Et si vous avez cet accès, c’est parce que vous avez créé un lien de confiance. Mais ils ne mettront pas votre vie en danger », assure-t-elle.

Le chroniqueur à la retraite se souvient aussi du détachement parfois excessif de Lee. « Vous ne pouvez moralement pas accepter de voir des actes de torture. Elle s’est peut-être endurcie… Quant à moi, plus les choses allaient mal, plus je devenais fragile. J’ai subi un choc post-traumatique au Rwanda. Elle [Lee], force est de constater qu’elle en a fait un ou plusieurs. »

“Plus ça avance, moins cela devient réaliste, mais il y a quand même des moments qui m’ont beaucoup touché car ils sont vrais et justes”, conclut-elle.

Guerre civile est exposé.

 
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