Témoignages de secrétaires médicales, en première ligne du désert dans le Cher

Témoignages de secrétaires médicales, en première ligne du désert dans le Cher
Descriptive text here

Ils sont en première ligne face aux patients. Ils accueillent les griefs, les frustrations, les urgences et parfois la colère. Le métier de secrétaire médicale est incontournable dans un contexte de désertification médicale qui amplifie le phénomène d’attente. Avec passion, recul et expérience, deux d’entre eux témoignent de leur quotidien.

Le téléphone a sonné six fois. Dans trente minutes. Il est temps de rencontrer Isabelle Rigaud, dans son quotidien, un lundi matin. Secrétaire du cardiologue Frédéric Pellerin à Bourges, ce jour-là à l’hôpital privé Guillaume-de-Varye à Saint-Doulchard, elle gère les rendez-vous, seule au bureau, derrière une vitre en plexiglas, dernier vestige de l’ère Covid, mais aussi la première ligne de défense entre le patient et elle.

Immersion au cœur des équipes de soins palliatifs du Cher

« Les rendez-vous sont pris jusqu’à fin novembre », annonce-t-elle. Une attente amplifiée par la désertification médicale qu’elle déplore. « J’exerce ce métier en cardiologie depuis vingt et un ans. En 2003, quand j’ai commencé, je devais avoir un patient toutes les trente minutes, maintenant c’est tous les quarts d’heure. Mais les rendez-vous de quinze minutes avec un cardiologue sont évidemment plus longs.» Des patients qui ont déjà dû faire face à la recherche d’un médecin généraliste auparavant, étape nécessaire pour consulter n’importe quel spécialiste.

« Vociférer ne sert à rien »

Le culot de la profession est de faire entendre cette attente : « Certains sont très compréhensifs, d’autres pas du tout. L’attente engendre l’inquiétude et l’anxiété. Ils ont peur et deviennent agressifs. La phrase la plus récurrente depuis des années est : « Nous avons le temps de mourir d’ici là ». Les gens très malades, essoufflés, le minimiseront quand d’autres crieront. Dans ces cas-là, je me dis que ça va. »

D’un naturel calme, la secrétaire médicale assure ne jamais entrer dans un conflit frontal : « Ils ne m’auront pas », sourit-elle. Mon travail n’affecte pas mon état d’esprit et je n’abandonnerai pas. Vociférer ne sert à rien. » La distance permise par le téléphone empoisonne les discours :

« En personne, c’est très rare, je n’ai jamais vu de gens en colère. Au téléphone, les gens font de plus en plus de choses. Les insultes. Il y a beaucoup de violence verbale.

vide (vide)

Pour Isabelle Rigaud, un tournant semble s’être produit pendant la période du Covid-19 : « Depuis, nous n’avons plus les mêmes relations. Le Covid a semé la panique, mais de manière généralisée dans la société. Et nous ressentons encore cette stigmatisation aujourd’hui.

Facteur aggravant, l’épineuse spécialité de la cardiologie : « Avant d’être secrétaire médicale en cardiologie, j’étais en allergologie. Ce n’est pas le même travail. Neurologie, cardiologie, pneumologie, c’est délicat. Je ne parle même pas d’oncologie ou de psychiatrie. On n’accueille pas les gens de la même manière. »

Myriam Touren, secrétaire d’un cabinet de cinq kinésithérapeutes à Guillaume-de-Varye, constate plus de désarroi que de tension derrière son bureau. « Je répète souvent la même phrase : « Nous n’avons aucune disponibilité pour le moment ». Il faut aussi réussir à associer la bonne pathologie à la disponibilité du bon kinésithérapeute. Si les gens ne sont pas habitués à ce type d’attente, ils sont impuissants, car ils ont besoin de physiothérapie pour retourner au travail. C’est leur priorité. »

« On réagit différemment selon la personne avec qui on interagit, poursuit Isabelle Rigaud. Parfois je désamorce avec un peu d’humour, d’autres fois, quand je ressens de la panique, j’essaie de calmer le jeu. On demande des informations, il faut les faire parler. Cela fait déjà vingt minutes que je suis au téléphone.

Elle a également appris à composer :

Nous n’avons plus la capacité d’accueillir des gens rapidement mais si c’est vraiment grave, nous ne pouvons pas refuser des gens. Quand on n’a pas d’autres solutions, on redirige vers les urgences, mais ça peut effrayer les patients.

Myriam Touren adhère pleinement à ce vecteur social d’échange : « Je dirais que c’est 50 % du travail. Aidez les autres, apportez un soutien physique ou psychologique. » Elle était très enthousiaste à l’idée de changer de carrière il y a un an. Et l’impressionnante clientèle des kinésithérapeutes, à laquelle s’ajoutent les patients de la balnéothérapie et des groupes de soins de suivi de la clinique, ne l’a pas freinée. Au contraire : « J’aime mon métier, le contact avec les patients, l’organisation… »

Démonstration où un patient de suivi, perdu et paniqué en cherchant de la glace, a pu compter sur la disponibilité et les connaissances de la secrétaire de 27 ans : « C’est écrit sur mon front donc tu sais tout ça ? » s’étonne la patiente alors même que Myriam Touren avait déjà esquissé la solution au problème, à peine énoncée.

Chaque année, l’hôpital Jacques-Cœur de Bourges fabrique 10 000 chimiothérapies

Si la notion d’instinct reste présente, les secrétaires s’appuient aussi sur les praticiens pour prendre certaines décisions. « J’ai peur de faire des erreurs, avoue Isabelle Rigaud. J’ai la chance d’avoir un bon professeur. On regarde les dossiers ensemble, je lui demande dès que je peux. » « J’essaie de comprendre les mécanismes, j’aime apprendre, chercher des informations », appuie Myriam Touren, à l’appui photocopie de squelette. Une manière de rappeler qu’elle croit en son métier, alors que la propension à prendre rendez-vous en ligne, via Doctolib par exemple, se développe.

«C’est plus complémentaire que compétitif», relativise Thierry Baland, président de l’ordre des médecins du Cher. Les secrétaires ont l’avantage de connaître les patients, de savoir que si c’est Mme. Et il y a le lien humain, pour les personnes âgées, ça reste essentiel. »

A l’hôpital de Bourges, les syndicats, à travers leur droit d’alerte, ont participé à la tenue d’un comité F3SCT

extraordinaire sur les conditions de travail des secrétaires :

« Il y a un mal-être croissant parmi les personnels, tant physiquement que mentalement, lié à une trop grande charge de travail », confie Sophie Radet, représentante CFDT à Jacques-Cœur. En réponse, nous n’avions qu’un désir d’aide sur le plan technique. » vide

(vide)

« Il y a un retard dans la saisie des signalements, fluctuant selon les services », résume Rémi Fauquembergue, directeur de l’établissement. L’idéal serait que le patient reparte avec cette lettre. C’est un sujet que je me suis penché très rapidement, notamment à la demande du corps médical et ce comité a été un tremplin. Le personnel médical a évolué sans qu’il y ait de réhabilitation des secrétaires. »

Pour rattraper le retard des reportings, plusieurs domaines de support seront distillés, notamment la reconnaissance vocale.

« Contrairement à la dictée numérique, cet appareil permet, via un logiciel d’intelligence artificielle, que le rapport soit tapé directement automatiquement pendant que le médecin parle », résume Gaëlle Gédéas, coordinatrice des secrétaires médicales à l’hôpital Berruyer. Ensuite, il est transmis au secrétaire qui n’a plus qu’à le relire. Cela va accélérer le flux et surtout permettre aux secrétaires de revenir à leur cœur de métier, c’est-à-dire l’accueil physique et téléphonique, la programmation, l’accompagnement des patients.

Formation spécialisée en santé, sécurité et conditions de travail.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Cette pièce mode ultra populaire des années 70 fait un retour inattendu
NEXT Paul Auster est immortel | Tribune de Genève – .