ces managers qui défient les réalités – Stratégies & Management – ​​.

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Le refus du réel s’accompagne toujours du refus de l’incertitude, nous dit Clément Rosset.

Ce refus du réel et de l’incertitude est incarné par la figure du chevaucheur. Son profil et ses attributs varient selon le niveau d’expertise en doxosophie, c’est-à-dire la science des apparences :

• La première catégorie de chevaucheurs est constituée de personnes perçues comme très sérieuses et qui déclarent travailler pour la « science ». Dans cette catégorie, on retrouve une partie des chercheurs en gestion et en économie qui s’estiment légitimes pour parler de management, ceux qui partent implicitement ou explicitement du postulat que savoir, c’est pouvoir faire et défaire ; réussir, c’est comprendre ; le réel est ce qui se répète et sort de tout ce qui ne se répète pas, c’est-à-dire l’essentiel de la vie. Ces derniers, entre autres, ignorent totalement les interactions complexes entre l’Homme et son environnement. Ils pensent souvent qu’ils font des « découvertes » et qu’ils feraient donc progresser la « science ». Ce sont ces « hommes fabuleusement médiocres » dont parlait Ortega y Gasset, car les « savants ignorants » et les mauvais essayistes qui s’ignorent eux-mêmes finiront tôt ou tard par tout savoir de rien.

La 2ème catégorie de chevaucheurs est majoritairement composée de consultants en management et autres consultants en entreprise adeptes de « bonnes pratiques » qui en réalité ne sont que « bonnes » pour leur chiffre d’affaires car le travail d’exécution n’existe pas comme le rappelle Christophe Dejours. Ces derniers sont souvent les ambassadeurs de ceux qui pensent qu’un concept creux gagne en dignité dès qu’il est exprimé dans l’anglais d’aéroport. Ils se disent réalistes, pragmatiques, experts en résolution de problèmes et fournisseurs de solutions, mais croient que la réalité est ce qui est prescrit. En effet, contrairement à l’illusion, la vérité n’obéit jamais. Très proactifs, ce sont des « innovateurs professionnels » comme leurs sponsors de première catégorie ; ils sont capables de comprendre les enjeux, les opinions ou les humeurs du moment pour les traduire en concepts « vendables » : ils savent « prendre sans comprendre » mais aussi « comprendre seulement pour prendre », cette fameuse intelligence kidnappeuse dont Bertrand de Jouvenel parlait .

La 3e catégorie des chevaucheurs est constituée d’un mélange d’acteurs que l’on retrouve dans les entreprises, principalement parmi les managers. Dans cette catégorie on retrouve :

• Ceux qui sont incapables de résister aux convictions obligatoires du moment, qui sont prescrites soit par les chevaucheurs de catégorie 1 et de catégorie 2 grâce à leur capacité d’entraînement, soit par leur leader (le fameux culte du leader),
• Ceux qui pensent que l’expérience peut tout (si implicitement que la réalité se répète) et dispense de chercher la connaissance là où elle se trouve,
• Ceux qui ont été engloutis par leur fonction et qui en devenant « fonctionnaires » tombent dans le gouffre de la morale mathématique (morale de circonstance) dont parlait Nietzsche en misant sur le court terme et donc en investissant dans le long terme la désolation des ceux qu’ils gèrent,
• Ceux qui pensent que gérer relève du bon sens, oubliant qu’en s’appuyant uniquement sur le bon sens, la terre est perçue comme plate.

A ces 3 catégories de chevaucheurs professionnels, on peut ajouter une 4ème catégorie de chevaucheurs non professionnels composée d’acteurs qui n’ont aucune fonction managériale dans l’organisation mais qui, placés dans un environnement de non-capacité, deviennent aveugles à la réalité à travers un stratégie de l’acteur.

Morale de l’histoire : Comme le rappelle Clément Rosset, sans développer les deux capacités fondamentales que sont : la « capacité intellectuelle à comprendre » qui dépend, je pense, entre autres, d’une diplomatie sincère des disciplines et la « capacité psychologique à accepter ». En réalité, nous continuerons, comme le disait Robert Musil, à agir en commerçant et à parler en idéaliste et à avoir une réalité qui ne nous pardonnera aucun écart de route.

 
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