Exposition à certains pesticides associée à un risque accru de cancer du pancréas

Exposition à certains pesticides associée à un risque accru de cancer du pancréas
Descriptive text here

Paris, France – L’exposition aux pesticides est associée à un risque accru d’adénocarcinome pancréatique, révèlent deux études françaises dont les résultats ont été présentés au Journées francophones d’hépato-gastro-entérologie et d’oncologie digestive (JFHOD 2024)[1,2]. L’une d’elles, une étude cas-témoins, montre un risque accru chez les individus dont le tissu adipeux contenait des substances actuellement interdites.

« L’association entre les pesticides et le cancer du pancréas existe. Elle est de faible ampleur, mais robuste, au regard du cumul des pesticides et de trois substances : le mancozèbe, le glyphosate et le soufre pulvérisé », a indiqué le Dr Mathias Brugel (Centre Hospitalier de la Côte Basque, Bayonne, France), lors de sa présentation.

L’adénocarcinome pancréatique pourrait devenir la deuxième cause de mortalité par cancer en 2030

Concernant les quatre autres substances liposolubles associées à un risque accru de cancer du pancréas dans la deuxième étude, “leur utilisation est interdite depuis les années 1990, mais elles sont toujours présentes dans le sol et dans l’air”, a indiqué le gastro. -entérologue avec Medscape édition française lors d’une conférence de presse.

A Reims par exemple, l’évaluation de la qualité de l’air ATMO Grand Est a révélé la présence de pesticides interdits dans l’air, précise le spécialiste. Il rappelle cependant que le lien de cause à effet entre l’exposition aux pesticides et le risque de cancer du pancréas ne peut être établi avec ces études.

Une incidence en constante augmentation

L’incidence de l’adénocarcinome pancréatique est en augmentation constante depuis plus de 30 ans. En France, près de 16 000 nouveaux cas ont été enregistrés en 2023, soit une incidence en augmentation d’environ 2 % chaque année. SelonInstitut national du cancer (Inca), « l’adénocarcinome pancréatique pourrait devenir la deuxième cause de mortalité par cancer en 2030 ».

« Cette augmentation de l’incidence est particulièrement forte en France par rapport aux autres pays occidentaux. Les causes sont encore mal connues. On peut alors se demander si des facteurs environnementaux tels que les pesticides sont impliqués », explique le Dr Brugel.

Connus pour avoir un mécanisme d’action favorisant l’oncogenèse, les pesticides sont soupçonnés d’être responsables de l’augmentation de certains cancers, d’autant que leur utilisation est massive en France. Au total, quelque 300 substances sont autorisées et 65 000 tonnes sont appliquées chaque année, ce qui fait de la France le premier pays consommateur au niveau européen.

« Les contaminations sont omniprésentes, c’est-à-dire qu’on les retrouve dans le sol, dans l’eau, dans l’air et aussi chez les individus. » Selon une étude duInstitut de recherche d’expertise scientifique (IRES), des résidus de pesticides ont été détectés dans 64 % des échantillons de cheveux prélevés sur des volontaires français.

La littérature fournit de plus en plus de données qui tendent à démontrer le lien entre l’exposition aux pesticides et le développement de certaines maladies comme le cancer. Une expertise collective de l’Inserm en 2021 a notamment confirmé la forte présomption du lien entre l’exposition professionnelle aux pesticides et des pathologies comme les lymphomes non hodgkiniens et le cancer de la prostate.

Trois zones à forte incidence identifiées

Pour explorer le lien entre l’exposition aux pesticides et le cancer du pancréas, le Dr Brugel et ses collègues ont mené deux études : ÉcoPESTIPAC Et PESTIPACdont les résultats ont été présentés lors de cette nouvelle édition des JFHOD.

Dans EcoPESTIPAC, les chercheurs ont réalisé une régression écologique nationale en divisant l’ensemble du territoire français en 5 529 unités spatiales. Le nombre de cas de cancer du pancréas par unité spatiale et par an (cartographie des maladies) a été déterminé à l’aide de la méthode Système National de Données de Santé (SNDS).

Neuf substances chimiques, dont le glyphosate, ont été incluses, couvrant ainsi la moitié des achats de pesticides en France. La quantité cumulée de pesticides, toutes molécules confondues, a également été intégrée. L’exposition aux pesticides a été estimée par la médiane du rapport entre les achats de pesticides et la surface agricole par unité spatiale sur une période de 11 ans, entre début 2011 et fin 2021.

Au total, plus de 134 000 cas de cancer du pancréas ont été signalés au cours de cette période. L’analyse révèle trois zones de forte incidence situées autour de Paris, au centre de la France et sur le bassin méditerranéen, tandis que les unités spatiales de la façade ouest présentent les incidences les plus faibles.

La répartition hétérogène de la privation suggère l’implication de facteurs de risque, a commenté le Dr Brugel. Après ajustement sur des facteurs confondants, comme le tabagisme, l’étude montre un risque accru de cancer du pancréas associé à la quantité cumulée de pesticides et à trois substances en particulier : le soufre pulvérisé, le mancozèbe et le glyphosate.

Augmentation du risque de cancer de 0,9 à 1,4%

Une relation dose-effet apparaît. Pour une augmentation de l’utilisation de 2,5 kg de pesticides/hectare sur 11 ans, le risque d’adénocarcinome pancréatique passe de 0,9 à 1,4 %. “L’augmentation est relativement faible, mais il ne faut pas oublier que ce risque concerne toute la France.” Le risque apparaît en effet homogène sur l’ensemble du territoire.

Il s’agit de la première étude à explorer ce lien au niveau national. Bien que l’association entre les quatre facteurs identifiés et le risque pancréatique soit solide, l’étude présente certaines limites. Elle s’appuie notamment sur les quantités de pesticides achetées pour estimer les quantités utilisées, a souligné le chercheur.

La deuxième étude, PESTIPAC, est une étude cas-témoins réalisée au CHU de Reims pour explorer l’association entre l’adénocarcinome pancréatique et la concentration de pesticides organochlorés présents dans les graisses et les urines.

L’étude a inclus 26 patients atteints d’un cancer du pancréas ayant subi une chirurgie abdominale permettant un prélèvement de tissu adipeux (minimum 10 g). Les urines ont été collectées le matin à jeun.

Un groupe témoin a été constitué en incluant 26 autres patients opérés d’une pathologie abdominale bénigne (lithiase, hernie…) permettant le même prélèvement. Les individus des deux groupes ont été appariés sur l’âge et l’indice de masse corporelle (IMC), deux facteurs de risque de cancer du pancréas.

Contamination par des substances interdites

Au total, 345 substances ont été recherchées par chromatographie et spectrométrie de masse. Les analyses ont révélé la présence de cinq substances interdites chez tous les patients, tandis que neuf substances ont été trouvées dans la moitié des échantillons.

“La contamination est très répandue, aussi bien chez les patients atteints d’un cancer du pancréas que chez les témoins”, a commenté le Dr Brugel. Conséquence pour cette étude : la comparaison entre groupes n’a pas pu être réalisée dans le cas de substances présentes chez tous les individus.

Après ajustement, une association avec un risque accru de cancer du pancréas était toujours observée avec quatre substances liposolubles : le 4,4 DDE, le Mirex ou perchlordécone, le trans-nonachlore et le cis-nonachlore. Ce sont tous des herbicides interdits pendant au moins 30 ans.

L’étude visait également à évaluer l’impact de la présence de pesticides dans l’organisme sur la survie après un cancer du pancréas. Les résultats ne montrent pas de différence significative, ni sur la survie globale, ni sur la survie sans progression.

“Les pesticides sont un candidat crédible pour expliquer l’incidence accrue des adénocarcinomes pancréatiques”, a conclu le gastro-entérologue. Cependant, « si des associations entre cancer du pancréas et pesticides existent, elles restent mal comprises et il est difficile d’établir une causalité claire ».

D’autres études plus vastes devront être menées pour confirmer ces associations. Une évaluation de l’exposition de la population générale aux substances interdites apparaît également pertinente, estiment les chercheurs.

S’inscrire à Newsletters Medscape : sélectionnez vos choix

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Cette femme a des milliers de tumeurs dans son corps
NEXT une soirée festive pour recruter des bénévoles