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« La lumière est une discipline quotidienne »

« La lumière est une discipline quotidienne »
« La lumière est une discipline quotidienne »

La Croix : Depuis que vous avez reçu le prix Goncourt, vous enchaînez les rencontres en librairies, les salons, les dédicaces… Dans ces circonstances, la répétition est inévitable. Restez-vous enthousiaste ?

Jean-Baptiste Andréa : Se répéter fait partie du travail et ce n’est pas un problème. Je ne perçois même pas la répétition en tant que telle car je ne m’adresse jamais aux mêmes personnes. Et chaque rencontre fait ressortir quelque chose de nouveau. Je ne donne pas de spectacle mais viens répondre à des questions auxquelles j’essaie de réagir sans filtre, ce qui me donne parfois l’impression de faire une psychanalyse en public ! Parfois, je me retrouve même à dire des choses auxquelles je n’avais pas pensé. La répétition de l’exercice m’amène à remettre en question mon travail de plus en plus profondément.

Donc vous ne connaissez pas déjà la signification ? Votre parcours de scénariste vous amène néanmoins à construire la structure de vos romans avec précision…

J.-BA : Je concentre en effet tous mes efforts sur l’élaboration de la structure afin de me libérer de cette terrible question : “Que se passe-t-il ensuite?” » Je sais à l’avance comment chaque scène va se dérouler. C’est une nécessité que j’ai apprise dans cette école très dure de l’écriture de scénario, qui est un peu la légion étrangère de l’écriture. Mais ce moment où je construis l’intrigue est pour moi douloureux. J’ai l’impression d’avoir une idée puissante qui ne peut tout simplement pas sortir de mon cerveau ! Alors je me maudis tous les jours. Je me dis, pourquoi fallait-il être écrivain !

Comment persévérer dans un tel moment ?

J.-BA : Je sais au fond de moi que cela me mènera à un moment de joie. Car une fois que je passe à l’écriture proprement dite, la voix littéraire sort toute seule et je peux écrire trois pages d’affilée sans réfléchir, ce qui me met dans une forme de transe. Je me sens libérée de mes soucis et de ceux du monde. Mon seul souci est alors de faire connaître mon histoire, et c’est un souci joyeux. Rien ne m’apporte autant de joie que d’écrire.

Dans une interview, vous avez dit : « Je trouve qu’on ne parle que de noirceur. (…) Je crois très fort à la lumière qui ne cesse de briller dans cette obscurité. » De quelles ténèbres et de quelles lumières parlez-vous ?

J.-BA : À la noirceur du traitement de l’actualité, systématiquement sombre alors que l’actualité ne l’est plus qu’avant. C’est encore moins le cas ! Mais le public ne s’en rend pas compte car les médias et les réseaux sociaux fonctionnent comme une loupe. Cette obscurité génère un sentiment d’angoisse d’autant plus grand que les images prennent une place croissante dans les représentations. C’est donc à chacun de se protéger.

Pour ma part, je lis uniquement la presse. Je ne regarde pas la télévision, je n’active pas les notifications sur mon téléphone et je ne me connecte pas aux réseaux sociaux. Ce qui ne m’empêche pas de pouvoir discuter avec tout le monde de l’actualité. La noirceur est aussi, bien entendu, celle de l’existence. La pauvreté, la maladie, les difficultés familiales, le sentiment de ne pas vivre la vie qu’on aurait aimé vivre. Cette forme de renoncement est potentiellement très sombre.

La littérature, à laquelle vous êtes arrivé à l’âge de 46 ans, était pour vous un rêve d’enfant. Comment avez-vous fait pour ne pas y renoncer ?

J.-BA : Je me suis battu, essayant de ne jamais avoir de salaire ni de patron. Cela m’a donné des années de difficultés, mais je suis fier de ma persévérance. Je me sentais toujours bien quand j’écrivais, c’était comme une petite voix en moi que je n’arrêtais pas d’écouter. À deux reprises, j’ai même ressenti ce sentiment de manière très consciente. La première, adolescente, à Florence. J’écrivais des scénarios de jeux de rôle et j’avais toujours hâte d’y revenir.

La seconde, c’était lorsque j’écrivais mon premier roman. Je ne supportais plus le cinéma et ses contraintes. On m’a dit « tu es trop original », ce qui ne m’a pas aidé du tout. Alors j’ai écrit Ma reine pour me reconnecter à moi-même. Depuis, j’ai le sentiment que la dernière pièce du puzzle est posée en moi.

Et quelle est la lumière en laquelle vous croyez ? Est-ce celui du futur ?

J.-BA : C’est un espoir, une certitude, confirmée par l’histoire, que la civilisation gagne toujours. C’est beaucoup moins violent que par le passé mais l’hypermédiatisation des violences actuelles nous empêche de le constater. Bien sûr, face à certains conflits, on se dit que la lumière ne viendra pas demain.

Mais il y a une lumière quotidienne qui est en chacun de nous, qui s’appelle la joie de vivre et qu’il ne faut surtout pas éteindre. Il n’est pas interdit de le cultiver sous prétexte qu’il y a de la souffrance. Bien au contraire! Vous devez l’entretenir et le remettre au monde, le faire fonctionner. C’est la meilleure barrière contre la violence.

Comment cultiver cette joie ?

J.-BA : La lumière est un combat, une discipline quotidienne, comme pour un athlète. Il s’agit de maintenir l’émerveillement en se connectant à la beauté d’être humain et d’être vivant. Être en vie, rien que cela, est un miracle. J’en ressens une forme de gratitude. Mais attention, je ne suis pas naïve, c’est beaucoup plus difficile pour quelqu’un dont la maison a été saisie, qui est malade, connaît des problèmes familiaux… Pour ma part, j’ai la chance de m’être toujours senti bien dans ma peau, d’avoir eu des parents aimants. et des amitiés fortes.

Par exemple, qu’est-ce qui vous a étonné depuis ce matin ?

J.-BA : Je suis toujours émerveillé par ce prix qui m’a été remis. Plus immédiatement, ce matin, je me suis émerveillé devant le chien de la pension où j’ai passé la nuit. C’était une sorte de labrador, qui venait me faire un câlin… Regarde-le avec ses grands yeux, et sa patte tendue… C’était infiniment tendre. Pour moi, c’est la merveille. J’essaie de le garder toute la journée. Beaucoup de gens le comprennent mais ne parviennent pas à traduire cette émotion dans leur vie quotidienne. Il y a une sous-exposition à l’espoir. On m’a aussi dit un jour qu’en parler était original et rafraîchissant. Cela m’a troublé et réconforté.

Vous avez parlé d’un animal. Plus généralement, la nature est-elle pour vous Source d’émerveillement ?

J.-BA : Oui, surtout les montagnes. J’y vais régulièrement, dans le Val d’Arly… Je me sens minuscule là-bas et cela me rassure en me donnant l’impression d’une immensité que je n’arrive pas à comprendre. Face au spectacle de la montagne, j’ai presque l’impression d’un design. Le mot est peut-être fort, mais c’est comme si j’appartenais à quelque chose d’immense. Alors, mes plus grandes angoisses, qui sont les peurs de la mort, n’ont plus de sens parce que je me dis qu’un jour, peut-être que je me fondrai dans tout ça.

Ce sentiment de permanence n’est-il pas aussi celui que procure l’art ?

J.-BA : Oui tout à fait. C’est peut-être un peu mystique, mais j’ai l’impression que chaque pratique et chaque forme d’art nous relie à quelque chose de plus beau et de plus grand. L’art a néanmoins quelque chose de plus que la nature : il est créé par les êtres humains. Comment l’homme peut-il parvenir à une expression aussi sublime de lui-même qui, en réalité, ne sert à rien ? À quelques exceptions près, l’art nous rend meilleurs.

Quelles œuvres d’art vous nourrissent ?

J.-BA : Peintures de la Renaissance italienne, et surtout Sainte Anne, la Vierge et l’enfant Jésus jouer avec un agneau par Léonard de Vinci. La construction, la grâce des visages, le fond… Cela transcende tout. La musique classique est aussi pour moi le reflet du divin. J’y ai joué assez tard. J’ai commencé à jouer de la guitare, classique et électrique, vers 20 ans… J’en joue mal, mais tenir mon instrument m’apaise. L’écouter aussi m’apprend beaucoup sur la simplicité.

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Jean-Baptiste Andrea a commencé à jouer de la guitare vers 20 ans. « Je le joue mal, mais tenir mon instrument me calme. » / Source Jean-Baptiste Andréa

Car une note est infiniment simple en apparence mais, en fait, elle est infiniment complexe. Ce sont des instrumentaux et des harmoniques qui permettent d’identifier un instrument dont la fabrication compte, tout comme l’air dans lequel il va résonner et la manière dont on va jouer cette note. À mon avis, veille sur elle est une note de musique. J’espère qu’il a la densité et la pureté. A sa lecture, certains n’entendront qu’un « A », tandis que d’autres percevront toutes les harmoniques.

Comment devenir plus attentif à cette simplicité ?

J.-BA : C’est le fruit d’une discipline mentale qui finit par donner une acuité de vision. Prenons un exemple. Avant d’être végétarien, j’étais un grand amateur de viande. Et, un jour, alors que je parlais à une vache dans les montagnes (oui, je parle aux animaux !), je l’ai soudain vraiment vue devant moi. Alors je me suis dit que je ne pourrais jamais tuer cet animal. Dès lors, imaginer des animaux allant à l’abattoir me devenait intolérable alors qu’avant, cela me laissait indifférent. Voyez les choses autrement, c’est une arme d’une puissance incroyable qui peut être appliquée en toutes circonstances.

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Une consécration tardive

Scénariste avant de devenir écrivain, Jean-Baptiste Andrea, âgé aujourd’hui de 52 ans, a publié son premier roman à 46 ans, en 2017. Ma reine, une histoire initiatique qui se déroule dans la vallée de l’Asse, en Provence. A l’époque, il subit 14 refus d’éditeurs avant de recevoir une réponse positive de Sophie de Sivry, fondatrice d’Iconoclast, qui publie alors tous ses textes : Cent millions d’années et un jour en 2019, Diables et saints en 2021 et veille sur elle en 2023. Avant d’être récompensé par le prix Goncourt, le 7 novembre, ce récit de l’existence épique d’un sculpteur, Michel-Ange Vitaliani, entre la et l’Italie du XXe siècle, a reçu le prix du roman Fnac. Projets de traduction de veille sur elle sont en cours en allemand, italien, anglais mais aussi en vietnamien.

 
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